Nineties : « puisqu’il fallait bien continuer… » (3ème partie)
« Les anges déchus, les comptables et le père prodigue…«
Chapitre 1 :
Il y a des jours comme ça où les choses et les gens vous paraissent bien futiles…
Des jours où l’on n’a plus le goût à rien.
Des jours où l’on se dit que le temps continuera sans vous, sans aucune compassion.
Des jours où l’on prends conscience qu’on est si peu de choses, à l’échelle de l’univers.
Des jours où l’on n’est plus personne, sauf un vague numéro sur un formulaire de sécu : un matricule, en somme…
Des jours où il faudra chercher le chiffre, estampillé sur un formulaire sans âme, le seul repère pour pouvoir enfin pleurer au seuil de la dernière demeure de nos chers disparus !
http://www.youtube.com/watch?v=AB4m885sTeE&feature=related
J’étais dans cette église où je fus surpris de la présence de beaucoup de collègues, et de ma surveillante qui avait quitté son regard sévère, pour laisser apparaître ce qu’il y avait de plus doux en elle.
A ma droite, il y avait ma soeur Odile, née en 1951, la seule qui restait après le suicide de Salomé en 1976, et qui m’avait laissé sa chambre en 1969, lorsqu’elle fut admise à l’université, à 150 kilomètres du foyer monoparental.
A ma gauche, il y avait une femme…
Celle dont je n’ai jamais parlé jusqu’à présent : une soeur avec laquelle nous n’avions jamais vécu, puisqu’élévée par mes grand-parents maternels.
Elle était notre aînée, ayant vu le jour en 1949 : Gwladys !
Je n’avais que de vagues souvenirs de nos premiers contacts, j’avais cru dans un premier temps que c’était ma tante, avant que Maman ne me dise qu’elle était ma soeur.
C’est à cette occasion qu’elle m’expliqua son histoire, indissociable de la sienne et de celle de mon père.
Lorsque le cercueil de Maman entra dans l’église, je me remémorai le vecu de mes parents, grand-parents et l’histoire de leur première petite fille…
http://www.youtube.com/watch?v=kdtoIUqZuC8
Mes parents s’étaient rencontrés à la faculté de médecine de Paris alors qu’ils étaient étudiants, mon père venant des antilles, Maman de sa Normandie.
Ce fut tout de suite le coup de foudre, cette chose irrationnelle que les scientifiques n’ont pas encore réussi à enfermer dans leurs pipettes…
1948 fut l’année du mariage et de l’abandon de la quasi unanimité de la famille, du côté de Maman.
Il est rare que, dans les antilles, on puisse confondre un autochtone avec un suédois ou un norvégien : y’en a que ça gênait, sans doute !!!
L’amour est plus fort que tout, certes, mais il faut se méfier des périphériques…
Nougaro, dans une de ses chansons, décrivait un monde sans pitié : « certains requins m’ont dit : on va pas te manger, mais travaille ton crowl, ce sera plus prudent !!! »
http://www.youtube.com/watch?v=A45pkKG_fXk
« On t’attentait fiston ? »
Apparemment pas celui-là !
C’est grâce à cela que je n’ai jamais connu de cousins ou cousines de cette partie de la famille, pour une histoire de couleur de peau…
Gwladys naquit en 1949, c’était un beau bébé couleur café, couleur de l’amour, si bien décrite par Mister Serge :
http://www.youtube.com/watch?v=9RDahNm5ASA
Mais le jeune couple vivait dans une mansarde : trop froide l’hiver, trop chaude l’été.
La petite fut donc confiée aux grands parents maternels, comme cela se faisait beaucoup à l’époque.
Maman était fille unique mais n’en fut pas plus heureuse pour autant, élevée par un père qui n’avait pas la fibre paternelle, trop ancré dans le drame qu’il avait vécu en 1908, alors qu’il avait encore sept ans : la perte de sa propre Maman, « Ludivine » pourtant très jeune…
« De quoi est-elle morte, en fait ? » avais-je demandé à Maman…
Elle :
« On a dit que c’était d’une fièvre puerpérale… »
Moi :
« Et c’est quoi cette fièvre pé… Pué… Enfin machin, quoi ?!? »
Maman :
« C’était une façon « éléguante » de ne pas dire qu’elle s’était faite avorter, particulièrement à une époque où c’était illégal… »
Moi :
« Un avortement ?!?
Pépère (c’est comme ça qu’on appelait mon grang-père) aurait donc pu avoir un frère ou une soeur, alors ?!? »
Maman :
« Techniquement, oui… Mais le couple ne s’entendait plus du tout, et Ludivine était de plus en plus indépendante, ce qui ne pouvait que faire plaisir à la belle famille protestante qui n’avait que peu apprécié ce mariage, car Charles, ton arrière-grand-père était catholique ! »
Moi :
« Ha, le délire : y’avais une guerre de religion chez les ancètres ?!?
Faudra que j’écrive un bouquin là dessus, un jour !!! »
Maman :
« Si tu veux, mon fils…
Mais il te faudra faire un peu moins de fautes d’orthographe, mon petit lapin !
Et puis, cette histoire se termine mal, même si la vie de ton arrière grand-mère Ludivine fut passionnante.
Elle avait coupé ses beaux longs cheveux roux pour rejoindre les « garçonnes », des femmes qui ne voulaient plus subir la loi des hommes… »
Moi, admiratif :
« Ho, mon dieu : ce que je donnerais pour l’avoir connu…
Que son sang coule dans mes veines est mon plus grand bonheur !!! »
http://www.youtube.com/watch?v=kqreS7KXP7k
A suivre…