( 23 septembre, 2014 )

« 88″ : le dernier chiffre inscrit sur son gâteau…

Ha, Monsieur mon Père (08/02/1926 – 22/09/2014), 

trouvais-tu l’Automne si triste que tu te mis en devoir de partir la veille de son arrivée ?

L’hexagone manquait-il tellement d’originalité qu’il te fallut le faire à 6500 kilomètres de moi ? 

Image de prévisualisation YouTube

Nous avons passé notre vie à éviter d’être heureux ensembles, de conflits stériles en rendez-vous loupés, jusqu’à ce que le temps nous fasse baisser les armes, après la mort de Maman, ta première femme,

 dans Entre nous...

la première de ma vie,

qui t’as précédé depuis bien longtemps, mais pour moi, il me semble que c’était hier…

Me voici donc « orphelin », ce dernier cadeau d’anniversaire empoisonné que tu m’as gardé en réserve pour le 25 octobre, qui sera sombre…

Ho : si sombre !!!

Je pleure pas,

 dans Et mes souvenirs deviennent ce que les anciens en font.

j’ai une poussière dans l’oeil…

( 15 juin, 2014 )

J’ai créé la catégorie « Saga familiale »…

J’en profite d’être encore sous les effets des corticoïdes, le lendemain (et le surlendemain vue l’heure) de ma petite séance au « Chimiothérapix-club », tenu par un big-band (le dernier mot étant hélas de plus en plus galvaudé - soupir… -)

J'ai créé la catégorie

pour me mettre au taf,

car c’est pas une sinécure les copains !!!

Je ne parle pas de mes piquouses mais de la restructuration du blog, et de la restauration des mises en pages…

Car je me suis aperçu que des illustrations photographiques et des liens musicaux ont soit disparus, soit sont bloqués pour des questions de droit d’auteur…

D’ailleurs, à ce propos :

Image de prévisualisation YouTube

Mais revenons au sujet « dont auquel c’est que j’voulais vous causer » M’sieurs-Dames », et Mesdemoiselles (à tout hasard…).

Ceux qui me connaissent depuis un certain temps (un temps certain et pourtant incertain !) se sont habitués à lire ce qu’ils ont nommé eux-même ma « saga familiale ». Sans vraiment en prendre conscience, je venais de créer quelque chose qui intéressait les « amis virtuels » qui sont venus me voir, et se sont « fidélisés », ce qui m’a beaucoup touché et me touche toujours.

Franck 77 est à l’origine de la création. J’intervenais comme visiteur à Déconnoland sur son blog, qui pour moi est « THE référence », car derrière ce qu’il appelle la déconnade,  se cache une érudition hors paire et une philosophie du troisième, voire quatrième degré, non accessible à tous…

 dans Saga familiale

Vous vexez pas, même moi j’ai du mal parfois

Hum-hum !!!

J’ai dit mal, pas « mâle », ma poule…

Ha dis donc, la théorie du genre,

Merci la Christiane !!!

Oui ho, ça va…

Enfin bref, j’avais créé ce blog pour administrer une rubrique dans celui de mon poteau : « La messe de Jiji Cinqsept », où j’ai pu m’exprimer en toute liberté dans le délire le plus total, ce que nous refusaient les forums où nous nous étions croisés (d’où les archives communes Jiji-F77 qui figurent dans mes catégories).

Lorsqu’un modérateur de Unblog a fait des misères à Franck l’interdisant de forum, j’ai pris fait et cause pour lui, et comme il s’était représenté lui-même comme un prisonnier en cachot victime d’une censure abusive, dans ma tête, ça a fait un déclic.

Non, ça ne faisait pas un bruit de lavabo…

Et cela a démarré la rubrique « Les péripéties de Franck 77″, et m’a permis de reconstituer le trio « F77, Jiji (myself que j’avais transformé en personnage de fiction), et un ami de Franck (que je ne connais pas directement mais dont les coms sont sympas).

Mais cette « récréation » faisait suite à une saga personnelle, partie d’évocations de souvenirs, puis tout s’est enchaîné au fil de l’écriture, appréciée pour mon plus grand bonheur chaque fois de plus en plus.

C’est ce qui figure et est classé dans la catégorie « Saga familiale », le dernier épisode (39ème/D) diffusé datant du 21 octobre 2012 (!!!).

La moitié de la « 39ème/E » est écrite en brouillon, mais elle représente déjà l’équivalent de 35 pages pdf :

désolé Jacqueline…

Les problèmes de santé, ça aide pas à la création, et comme je savais qu’avec cette 39ème/E (dont j’espère qu’elle ne sera pas à l’image de la 9ème de Beethoven), j’avais accepté un chantier phénoménal ! Je me suis donc aéré l’esprit en abordant d’autres sujets depuis le 21 octobre 2012(que le temps passe vite, heulâââ !!!).

Le fait d’avoir mis en jachères cet épisode et surtout d’avoir relu les précédents est très salutaire. Car malgré les éloges, j’ai entrevu mes imperfections. Je ne suis que partiellement satisfait de mes écrits… Loin d’être négatif, je pense qu’un peu de recul par rapport aux textes publiés, les circonstances aidant, est un outil non négligeable pour que je m’améliore. Je ne cherche aucune gloire, j’aimerais seulement qu’on puisse dire de mon humble travail (et que je le ressente aussi en toute modestie tel un brave artisan) que c’est « de la belle ouvrage »…

La catégorie est donc créée, il suffit de cliquer dessus, l’ordre des épisodes allant en décroissant. 

Bon, je vais aller me pieuter, car si « Bobonne se lève et constate que je ne suis pas encore couché, bonjour les deux gars… Heu

Les dégâts !!!

Dès demain, j’entame la restauration, enfin si la méforme veut bien oublier Mézygues quand les corticoïdes se seront épuisés…

 

 

Ha merde, encore un selfie loupé…

A peluche, comme dit mon poteau !!!

( 21 octobre, 2012 )

Nineties : « Puisqu’il fallait bien continuer… » (39ème partie/D)

Quatrième partie : Actes 7 & 8

Avis : l’épisode est long, il vous faudra « prendre vos précautions » et vous installer confortablement si vous souhaitez allez jusqu’au bout !

De plus, il y aura une 39ème/E : je n’ai pas pu faire autrement.

Bonne lecture…

Nineties :

Acte 7

 

 dans Et mes souvenirs deviennent ce que les anciens en font.

 

Nous sommes dans la salle principale de la maison de campagne d’Azincourt, à l’Est de Paris.

Sous un tableau représentant deux hommes au chevet d’un autre agonisant, Théophraste est allongé sur un canapé, venant de faire visiblement un malaise.

Rose-Aimée, tenant affectueusement sa main, se tournant vers son hôte :

« Mon cher Azincourt, vous n’aurez décidément jamais cette diplomatie qui est le fond de commerce de nos éminents députés et sénateurs… Mais il est incontestable que vous avez l’art de la mise en scène dans ce qu’elle a de plus beau, donc de plus dramatique.

Souhaitons cependant qu’en lui livrant à cru vos théories indigestes, vous n’avez pas définitivement occis notre ami !

Il a déjà survécu à tant d’épreuves… »

Elle regarde le tableau, faisant une légère grimace :

« Dont la vision la vision de cette « chose », véritable invitation au suicide, qui nous surplombe…

C’est une oeuvre commise par un de vos patients dépressifs, je suppose ? »

 

Azincourt, après un temps de reflexion, regarde à son tour l’oeuvre macabre :

« Vous n’aimez pas ? Tiens-donc !

J’aurais peut-être dû le mettre ailleurs…

Pour en revenir à Théophraste, lorsque l’on a survécu à deux fléaux notoires : la « Grosse Berta » et « le caractère de Chimène » (quelle était le pire ? Je n’en sais toujours rien !), on peut tout endurer, voire postuler pour l’immortalité.

En fait, de quoi s’agit-il ?

Nous avons deux êtres : Chimène et René, qui avaient tout pour vivre heureux avec la bénédiction du Papa. Celui-ci considérait René comme son fils avant même que la notion de gendre se soit évoquée, Chimène  »la Lionne sauvage » enfin apprivoisée… Donc, tous les éléments pour assurer un bonheur serein dans n’importe quelle chaumière.

Est-ce de ma faute à moi si le psychisme, telle une étincelle près d’un entrepôt de poudre, est venu pulvériser cette logique de conte de fées, réduisant en cendres toutes espérances ?

Je pouvais aussi bien me taire et laisser Théophraste en souffrance. Mais sachez qu’il n’est rien de pire que de vouloir ignorer l’origine d’un mal, paticulièrement quand il est incurable… »

 

Rose-Aimée :

« Admettez que vous n’y êtes pas allé de main morte avec votre « OEudipe » !

Et la sexualité infantile, ce chapitre était-il nécessaire ?!? »

 

Hector, fidèle majordome et

 

 dans Saga familiale

chauffeur attitré de la Citroën que Rose-Aimée venait d’aquérir, avec laquelle ils étaient venus,

était là lui aussi.

 

Ajoutant son grain de sel d’un air narquois, il dit :

« Alors-là, vous me voyez étonné… Car s’entendre dire qu’une enfance normale consiste pour un homme à vouloir coucher avec sa mère et tuer son père, avant que ce dernier ne vous les coupe : quoi de plus naturel en somme… »

 

Rose-Aimée, stupéfaite :

« Hector, enfin !!! »

 

Azincourt, souriant :

« Ma chère Rose-aimée, il faudra que je vous emprunte votre précieux majordome, car il me sera bien utile lors d’une de mes prochaines conférences… Quel virtuosité dans la synthèse !!! »

Puis reprenant son sérieux :

« Nous ne parlons pas d’actes réalisés, mais du désir qui se passe dans l’inconscient.

Vous savez à quel point Freud n’est pas mon ami, mais contester ses bases reviendrait à demander à nos contemporains de revenir à l’âge de pierre.

OEudipe, du moins son complexe, a une large part dans ce qui arrive à Chimène et René, les deux ayant un drame en commun : la perte de leur Maman alors qu’ils avaient sept ans.

D’un point de vue analytique, une chaine a été brisée dans l’évolution de ce complexe, qui n’a pu suivre normalement son cours, ne permettant pas aux sujets de s’en libérer…. »

 

Rose-Aimée :

« -Sujets-, comme vous en parlez !

Ils formaient un si beau couple. Quel gâchis ! »

 

Hector :

« Et ce OEudipe : quel con… »

 

Rose-Aimée :

« Hector, vous m’exaspérez !!! »

 

Azincourt, après avoir hoché la tête :

« Il est comme ça tous les jours ?!? »

 

Rose-Aimée, faisant les gros yeux à Hector :

« Hum… Pas plus de 365 jours par an, je vous rassure !!!

Continuez mon cher, je suis toute ouïe… »

 

Azincourt :

« Le malaise de René prend sa source dans le refoulement inconscient. Je vais vous expliquer.

Avez-vous apporté ce que je vous ai demandé ? »

Rose-Aimée tend à Azincourt, qui venait lui-même d’en poser deux autres sur une table, une photo encadrée, le tout formant un triptyque.

Il reprend :

« Que vous inspire ces photos ? »

 

Rose-Aimée :

« Beaucoup de tristesse en regardant

ma Ludivine tant aimée,

peignant d’un air si mélancolique sa longue et belle chevelure rousse…

C’était juste avant qu’elle n’adopte ce mouvement contestataire, qui lui fit rejoindre

« les garçonnes »,

des féministes qui avaient décidé de se libérer du joug des hommes, après trop de millénaires d’oppression !

Avait-elle associé sa belle chevelure à une laisse dont elle devait se débarasser, tel un symbole ?

Je trouvais cela dommage, mais elle n’en fut jamais laide pour autant, et ce : jusqu’à son dernier soupir en 1908… »

Hector lui tend avec tact un mouchoir, pour qu’elle essuie les larmes qui coulent discrètement sur son visage à cette évocation.

Elle poursuit:

« Que de douleurs encore en revoyant

la rousse beauté d’Edmée,

partie deux années après, l’une des plus belles personnes qui me fut permis de connaître, car sa vie, si elle fut courte, ne fut qu’amour et bonté !

Elle donna à mon grand ami Théophraste le plus beau cadeau du monde :

Chimène, qui des traits de sa Maman a hérité l’harmonie,

comme on peut le constater sur la troisième photo… »

 

Azincourt :

« En regardant les trois : que constatez-vous ? »

 

Rose-Aimée :

« Qu’elles se ressemblent toutes les trois, bien sûr !

Mais ?…

Ho non ! Ne me dites pas que… »

 

Azincourt :

« Que quoi ?… »

 

Rose-Aimée, très troublée :

« Que mon petit René voit en Chimène l’image de sa Maman, et… »

 

Azincourt, sondant le regard de Rose :

« Et ?… »

 

Rose-Aimée :

« Et qu’il se sent coupaple de s’être abandonné dans les bras de Chimène, comme s’il s’agissait d’une relation incestueuse ?!? »

 

Azincourt, tandis que Rose-Aimée vient s’assoir au chevet de Théophraste :

« Nous y voilà !!!

Mais le mal est plus profond encore, car le traumatisme subi par René dans son enfance, lui a donné une approche assez négative de l’image du père et de la paternité… »

 

Alors que le silence se fait de plus en plus pesant, on entend plusieurs coups de tonnerre.

Hector regarde le ciel et dit :

« Il ne manquait plus que cela !!!

J’ose espérer que la grange où sont parqués les véhicules est assez solide, parcequ’il pleut vraiment comme vaches qui pissent… »

 

Rose-Aimée, interloquée :

« Hector, voyons, vous vous égarez !!! »

 

Hector, confus, mettant la main à sa bouche et prenant l’air pincé :

« Mille Pardons !

Je voulais dire :  »comme ruminants qui s’oublient »… »

 

Rose-Aimée, après un léger soupir :

« Je préfère ! »

 

En effet, un orage venait d’éclater en ce dimanche d’août 1925 dans la campagne Est-Parisienne, les trombes d’eau martelant toit, murs et fenêtres de cette maison que la tempête attaquait sans les faire vaciller.

 

Azincourt, amusé :

« Brave Hector, ces vieilles pierres en ont vu et en verront d’autre… N’ayez crainte. »

 

On entend un gémissement entre deux coups de tonnerre.

C’est Théophraste dont notre douce Rose-Aimée caresse le front :

« Vade retro Satana : sors du corps de ces enfants !!! »

 

Rose-Aimée :

« Vous me l’avez réellement esquinté, voilà que cet agnostique endurci vocifère tel un prédicateur, céans… »

 

Une voix masculine venue de la cuisine se fait entendre :

« Et vous n’avez encore rien vu ni entendu !!! »

 

Azincourt, fronçant les sourcils, se retrournant vers la cuisine :

« Léon-Angel, n’oubliez-pas que si la parole est d’argent, le silence est d’or.

Lorsque j’aurai besoin de vos lumières, je vous le ferai savoir mon petit vieux ! »

 

Hector :

« Vieux ? Nous le serions tous à moins !

Vous rendez-vous compte des horreurs qui ont été proférées ici, et en un temps si court ?!? »

 

Léon-Angel,

en tenue de chef cuisinier, toque comprise,

entrant dans la pièce :

« Quand j’étais mioche, j’avais déjà du mal avec l’analyse grammaticale, alors vous imaginez : avec celle de ces rebouteux du caberlot !!!

C’est bien simple, je n’ose même plus me taper une bonne douzaine d’huitres ou des moules marinières devant témoins, de peur que ces « réducteurs de têtes » n’y voient encore une de leurs cochonneries, d’autant plus inavouables qu’elles se situent sous la ceinture, quand c’est pas plus profond en partant de l’orifice naturel qui termine la digestion de tout être normalement constitué, que ces malfaisants en col blanc amidonné ont transformé en instrument de débauche !

Pour ma part, quand je mange des huitres,  je mange des huitres. Et pareil pour les moules : au risque de passer pour un demeuré de base,  je ne me pose pas plus de questions.

Alors je ne vois pas pourquoi je devrais m’excuser de leur demander pardon d’éprouver du plaisir quand ça entre dans ma bouche pour descendre ensuite dans le boyau !

Mon plaisir est simple et naturel, il part du haut pour évoluer vers le bas, selon les lois de la nature et de la gastronomie.

Celui de ces théoriciens aux âmes torturées va dans l’autre sens. Ce sont souvent les mêmes qui prennent ce pauvre Cupidon à l’envers.

Dans quel monde vivons-nous, je vous le demande… »

Hector fait un signe d’approbation de la tête puis Léon-Angel reprend :

« Bah, après tout, c’est pas nos oignons ma cousine ! Ils font ce qu’ils veulent de leur chibre ou de leur fion, mais bon sang, qu’ils lâchent la grappe cinq minutes à ceux qui préfèrent courir la gueuse plutôt que de subir les outrages de ces « extrêmes qui s’attirent », et que je nomme les « extrêmes satyres » !

Saura-t-on jamais tout le mal que nous a fait Freud ?!? »

 

Azincourt, excédé :

« Léon, il suffit !!! »

 

Hector, moqueur :

« … Et qu’il fera dans les siècles à venir, d’après ce que je viens d’entendre :

la Grosse Berta, en comparaison du petit Sigmund, c’est de la guimauve ! »

 

Rose-Aimée, prenant un air sévère :

« De grâce Hector, n’en rajoutez pas ! »

 

Léon-Angel, s’adressant à Hector d’un air solennel, les deux se riant de leurs maîtres, ponctuant leur phrasé à l’aide d’intonations et attitudes excessives :

« Ce sont les vicissitudes d’un monde, dont la mutation exponentielle est inversement proportionnelle à la capacité de compréhension des êtres qui le composent… »

 

Azincourt parlant à l’oreille de Rose-Aimée :

« Où a-t-il été chercher cela ?!?

Il me faudra envisager de mettre une clef à ma bibliothèque… »

 

Hector, dans un posture jubilatoire, prend un air précieux à son tour pour répondre à Léon-Angel :

« Cela ne souffre aucune contestation, j’en parlais pas plus tard que ce matin à « Juju la tabasse » : un personnage qui gagne à être connu…

Enfin, quand on ne le contrarie pas ! »

 

Rose-aimée, dont l’état général se rapprochait de l’apoplexie, prend une soudaine inspiration pour tancer Hector alors qu’Azincourt lui fait signe de n’en rien faire, intéressé par l’improvisation « Ubu-Molièresque » des deux serviteurs, cette scène semblant captiver Théophraste…

Léon-Angel :

« Vous connaissez également ce personnage

Assez sanguin ? Et ce n’est pas une image !

N’est-ce point lui qui déssouda le Sieur Yves

Emcombrant m’a t-on dit des gendarmes les archives ? »

 

Hector :

« Que nenni, car il bénéficia d’un non-lieu

La victime, vingt-deux ans : ce n’était pas bien vieux

Se fourvoya dans une relation charnelle

Un coup de surin l’envoya chez l’Eternel »

 

Léon-Angel :

« Que faisait donc « Maître Juju » dans cette histoire

Pourquoi croisa-t-il du Sieur Yves la trajectoire ? »

 

Hector :

« Les hasards et les aléas de toute vie

Qu’un obscur Sigmund a résumé en un vi…

 

Le Sieur Yves en sang, il découvrit sur sa route

N’ayant rien à voir dans cette histoire de « biroute ».

Quoi que victime de son passé de souteneur

Il fut innocenté et reprit son labeur… »

 

Léon-Angel :

« Qui fit alors de cette vie « échec et mat »

Et décora ce corps de rouge écarlate ?!? »

 

Hector :

« La jalousie, cette compagne si sordide

Une femme trahie, puis un acte morbide… »

 

Azincourt, applaudissant :

« Alors là , mes amis, vous m’avez cueilli, et je puis vous dire que ceux qui réussirent jadis cet exploit ne sont point légion !!! »

 

Alors que Théophraste, soudain réssuscité, et Rose-Aimée applaudissent à leur tour, la porte d’entrée s’ouvre brusquement, une élégante femme au visage contrarié entre et dit :

« Je constate avec joie que tout le monde s’amuse, ici… »

Alors qu’elle égoute son parapluie et pose sa valise, Azincourt catastrophé dit :

« Inès ?!?

Ciel, ma femme !!! »

 

Elle, le regard sévère :

« Vous progressez, mon cher !!!

J’ai cru un instant que vous n’ayez oublié que vous en eussiez une, lorsque sur le quai de gare je ne vis point âme qui vive.

Et je me retrouve aussi trempée que ces tristes poissons

qui ronchissent dans les rigoles de votre jardin,

devenues « fleuve » en ce mois d’août assez taquin » ! »

 

Léon-Angel, à son tour catastrophé :

« Ciel, mes sardines !!!

Je les avaient réservées pour l’entrée et les ai lamentablement oubliées près de ce four, où elles devaient cuire en plein air, avant que le ciel ne se déverse si violemment sur nos calebasses…

Pour ma décharge, je précise qu’avec ce tout qui se passe en ces lieux, cela tiendrait du miracle que de conserver toute sa tête ! »

 

Hector, sourire aux lèvres :

« L’avez-vous eue un jour, cher confrère ? »

 

Léon-Angel, vexé, prenant de nouveau un air théatral, mais antique cette fois-ci :

« Ô toi que ce rosbif ne pouvant se défendre

Tu osas, triste sacrilège, pourfendre

A la gastronomie tu fis l’ultime outrage

Le piquant à l’ail, ho mon Dieu, quel saccage !

 

Je ne supporte point le terme de confrère

En vous présentant : ôtez-lui donc le mot frère… »

 

Hector, piqué au vif :

« Puisqu’il faut en ce lieu rejoindre les ineptes

Je vous suis mon cher maître et deviens votre adepte ! »

 

Azincourt perdant patience :

« Ce que vous êtes assomants tous les deux…

Vous n’allez pas remettre ça avec cette histoire de robif !!! »

 

Rose-Aimée, levant les yeux au plafond :

« Ne m’en parlez pas !

la France connaît une grave scission, depuis le jour où ces ostrogoths ont failli tirer l’épée concernant le sujet.

On a frôlé une deuxième guerre mondiale… »

 

Inès Azincourt, intallée près du feu de cheminée :

« Ne parlez pas de malheur !

Cette dernière pourrait bien venir plus tôt et bien plus meurtrière qu’on ne pense, si nous nous endormons sur nos lauriers. »

Elle regarde le tableau et continue :

« Quelle horreur…

Je ne comprendrai jamais ce que vous pouvez trouver d’attrayant à cette sombre  »croute », qui n’engendre que désespoir et neurasthénie !!! »

 

Azincourt, soupirant :

« Faites-moi grâce de vos commentaires acerbes et dites-moi plutôt ce qui vous fait penser à un prochain conflit mondial… »

 

Inès :

« Quelques jeunes militaires en permission dont j’ai écouté la conversation, dans ce train qui les emmenaient rejoindre leur famille à Paris, depuis les rives du Rhin où ils sont casernés.

C’est d’ailleurs l’un d’eux qui eut l’amabilité de demander à son chauffeur de me déposer ici, constatant mon désarroi et ma solitude… »

 

Azincourt, gêné :

« Grâce lui soit rendue…

Je n’attendais votre retour que demain ! »

Il s’adresse à Léon-Angel qui s’éclipse vers la cuisine :

« Au fait, mon petit Léon, nous n’auriez pas oublié de me transmettre une ou deux informations, par hazard ? »

 

Léon-Angel, confus, change de conversation :

« Bon, je vais voir où en est mon boeuf en daube… Faudrait pas que ça brûle ! »

 

Azincourt fronçant les sourcils :

« Nous règlerons cela plus tard !

Mais continuez, ma chère, vous me parliez de ces jeunes militaires… »

 

Inès :

« En effet…

Ils semblaient avoir été impressionnés par les dires d’un instructeur qu’ils avaient eu l’année précédente (1924), un Capitaine longiligne assez volontaire d’environ trente-cinq ans, ayant connu le front, blessé et fait prisonnier plusieurs fois, ce qui lui a vallu quelques décorations. »

 

Azincourt :

« Comment s’appelle-t-il ? »

 

Inès :

« De Gaulle, il me semble…

Charles de son prénom. »

 

Azincourt :

« Ce nom ne me dis rien… »

 

Inès :

« Il serait un proche du Maréchal Pétain. »

 

Azincourt, souriant :

« Lui par contre, je connais !

Quels étaient les propos de ce brave Capitaine ? »

 

Inès :

« En résumé, que l’Allemagne n’a jamais accepté sa défaite, qu’elle allait se reconstituer en ignorant de plus en plus ses dettes de guerre, puis devenir arrogante.

Il trouve en l’occurence que nos dirigeants ne font pas assez preuve d’autorité et craint un réarmement germanique intempestif à terme.

Il a pour la France et la République de grandes ambitions, clamant haut et fort qu’il faudrait à la Nation une armée digne d’elle, donc  »offensive » ! »

 

Rose-aimée :

« Offensive, rien que ça ?!?

C’est un doux rêveur votre Capitaine !!! »

 

Azincourt :

« Pourquoi dites-vous cela ? »

 

Rose-Aimée :

« Il ne faut pas avoir fait Saint-Cyr pour constater à quel point notre armée est devenue pantouflarde, à l’image de nos élus, confortablement installés dans les fauteuils de nos institutions.

Cet officier, ce n’est pas « De Gaulle » qu’il faut l’appeler, mais « Don Quichotte » !

Soyons lucides,  jamais un tel homme ne deviendra Général, et encore moins Président d’une de nos Républiques (à moins que par miracle il ne la créé lui-même à son éffigie) : il lui faudrait lutter contre bien trop de moulins à vent et pire, apprendre à mentir, à défaut se taire avant de rentrer dans le rang !!!

Il ne semble pas que ce soit son apanage, ce qui me le rend très sympathique.

Notre regretté Capitaine Charles-Clément se décrivait lui-même comme le plus fidèle serviteur du Maréchal Mac-Mahon, mais ce n’était qu’un roseau. Il n’a conservé ses mandats qu’au gré des opportunités et concessions, la dernière étant (soit dit en passant) celle qu’il occupe  au cimetière…

Ce Capitaine De Gaulle, proche nous dit-on du Maréchal Pétain, est beaucoup trop fougueux pour ces vieilles carcasses inertes, aux ventres si dodus, qui nous dirigent !

Il est de ce bois qui fait les chênes, et je crois savoir que dans le monde très fermé des puissants, on le les apprécient guère, (elle sourit) qu’on préfère plutôt l’ôdeur du sapin !!! »

 

Azincourt :

« Je vous trouve assez injuste lorsque vous traitez notre armée de la sorte !

C’est tout de même grâce à elle que nous feront bientôt plier ce dissident nommé

 

Abdelkrim (1882-1963),

qui prétend vouloir régner en maître au sein du Protectorat Marocain, où les Espagnols s’enlisent lamentablement depuis quatre longues années… »

 

Rose-Aimée :

« A vaincre sans péril, nous triompherons sans gloire !

Même s’ils ont l’avantage de nous défier dans ces montagnes où ils sont nés, nous possédons encore celui de la puissance de feu, et notre victoire sera celle d’un « conflit local » où nos pertes ne seront imputées qu’à la méconnaissance du terrain, voire du climat.

Je ne sais pas ce que sera l’avenir de ce monde, où je n’ai déjà plus ma place car ayant effectué mon temps, mais ce dernier m’a enseigné qu’une victoire, si nette qu’elle soit, n’est jamais définitivement acquise si elle n’est que bêtement  »militaire ».

Elle engendre au contraire des martyrs encensés par les vaincus, qui les transforment en prophètes…

La chrétienté, dans son idéologie, ne fut-elle pas conçue selon ce principe ?

Pourquoi les autres cultures en feraient autrement ?

Un jour, vous verrez, on nous reprochera d’avoir eu des colonies et ce que nos soldats y ont fait !

Pensez-vous en toute conscience que notre armée, telle que nous l’observons aujourd’hui, soit en état de gérer un nouveau conflit mondial, face à une Allemagne unie, réarmée et plus motivée que jamais ?!? »

 

Azincourt :

« Nous sommes encore loin de ce cas de figure, cette ennemie potentielle étant en pleine crise, son peuple vivant dans une quasi misère, après avoir connu une inflation qui leur a fait payer le kilo de pomme de terre un milliard de marks, et 460 milliards pour un miche de pain !!!

Vous voyez que nous n’avons rien à craindre d’eux. Pour rappel, nous avons fait respecter notre autorité il y a deux ans, lors de l’occupation de la Ruhr, alors que les allemands ne payaient toujours pas les réparations de guerre qui nous étaient dues, selon le Traité de Versailles… »

 

Inès :

« J’admire votre confiance, cher époux, presque autant que votre mémoire sélective, car cette occupation ne s’est pas faite sans victimes ni conséquences.

La France ainsi que la Belgique ne sont pas sortis grandies de l’humiliation qu’elles ont infligées à un peuple désarmé qui avait froid, et que l’on a dépossédé de son charbon.

Elles n’ont fait que développer un nationalisme, au sein des classes laborieuses, que je sens de mauvais aloi, dont nous portons l’entière responsabilité ! »

 

Rose-Aimée :

« Ceci vient à l’appui de ma thèse : notre armée n’est vaillante que face à des minorités et des faibles.

Qu’ils trouvent le moyen de s’armer et vous verrez qu’un jour ils règneront en maître dans un monde qu’ils feront trembler, nous réduisant à l’esclavage, voire pire !!! »

 

Théophraste :

« C’est une vision assez apocalyptique, dites moi… »

 

Inès :

« Mais qui va tout à fait dans le sens de mes craintes, car je me suis laissé dire qu’en Allemagne, un tribun trentenaire assez talentueux,

Adolf Hitler est son nom je crois,

faisait des discours qui captivait les foules et l’ensemble du peuple germanique depuis les brasseries de Munich. Ses adeptes aborent une curieuse croix. Ils ont tenté un putsch qui a échoué et l’a mené en prison.

Il semble avoir voulu imiter un homme qu’il a en admiration, dont il a adopté la gestuelle et les tenues :

celui qui tient avec autorité les rênes de l’Italie depuis trois ans,

Benito Mussolini (1883-1945).

Profitant de sa détention pour s’essayer à la littérature, il a publié dès sa libération  »Mein campf », livre de style assez médiocre mais dont on devrait bien se méfier, même s’il est passé presque inaperçu. Car ce qu’il y a écrit dedans repousse les limites de l’horreur ! »

 

Rose-Aimée :

« J’ai entendu parler de ce livre et de ce triste sire, qui semble avoir un sérieux contentieux avec les juifs. »

 

Inès :

« Plus qu’un contentieux, c’est une haine farouche qui, si par malheur il arrivait au pouvoir, lui donnerait possibilité de les éliminer en toute légitimité… Il parle d’en faire autant avec toute personne handicapée ! »

 

Azincourt à Théophraste :

« Ha, ces femmes : quelle imagination !!!

Pour la littérature et le trico, elles sont imbattables, mais la politique est une histoire d’hommes.

Ce qui est décrit ici est un drame Shakespearien revisité par un névropathe, juste bon à distraitre notre bourgeoisie dans les salons, en mal de fantasmes… »

 

Rose-Aimée, ironique :

« Ha ces hommes : une boîte crânienne et si peu d’acuité pour utiliser la matière qui est dedans…

Cela explique pourquoi ils n’ont pour argument que ces éternels poncifs pitoyables  à notre égard !!! »

 

Inès :

« Voilà est exprimé on ne peut mieux ! »

 

Azincourt :

« Je reconnais bien là la solidarité féminine ! »

 

Rose-Aimée :

« Une solidarité dont s’est méfiée la Révolution, en suprimant dès 1791 le droit de vote, qui nous fut accordé  au XIIème siècle pour des élections consulaires… »

 

Azincourt :

« Comme quoi ces révolutionnaires, s’ils perdaient souvent la tête, n’en gardait pas moins une forme de lucidité.

Allons : chacun son domaine !

Les femmes sont parfaites pour élever les enfants et préparer la cuisine, mais imaginez-vous l’une d’elles à la Chambre de Députés ou au Sénat ?!?

Soyons sérieux cinq minutes… »

 

Inès, outrée :

« Au royaume des phallocrates, vous ne seriez pas roi mais empereur !!!

Pour votre gouverne, sachez qu’un certain Paul Duchaussoy avait déposé à l’assemblée nationale un projet de loi, pour rétablir ce droit il y a 19 ans, mais le sénat refusa. »

 

Rose-Aimée :

« Faut-il que nous vous fassions peur, Messieurs, pour tenter d’enrayer ce qui arrivera inexorablement au cours de ce siècle… »

 

Azincourt :

« Et qu’arrivera-t-il ? »

 

Rose-Aimée :

« L’égalité de l’homme et de la femme !!! »

Devant l’hilarité générale masculine, elle conclut :

« Riez, Messieur, mais rira bien qui rira la dernière !!! »

 

Inès, regardant un nouvelle fois le tableau morbide :

« Hippolyte, mon époux, le jour viendra où je vous demanderai, entre cette « chose » et moi, de faire un choix… »

 

Azincourt :

« Un choix, lequel ?

Ha, ne me tentez pas cruelle ! »

 

Acte 8

 

 

« Rose-Aimée : la fin d’un parcours… »

 

Nous sommes dans le salon de l’hôtel particulier de Rose-Aimée, en ce mois très pluvieux et incertain de novembre 1925.

Hector reste figé avec mélancolie devant le portrait à l’huile d’une femme de vingt ans, dont on devine qu’il est celui de sa patronne, au siècle précédent.

Inès Azincourt est au piano, elle interprète un morceau de ravel avec une telle ferveur qu’on a l’impression d’entendre un orchestre qui l’accompagne…

http://www.youtube.com/watch?v=NRTWLQ4nI6Q&feature=related

Une main posée sur son épaule fait sursauter Hector, celle de Léon-Angel, qui lui dit avec compassion :

« Ami, on aimerait bien figer le temps, comme ce peintre l’a si bien fait sur cette toile… »

 

Hector, très triste :

« Le temps ?!?

Ne me parles pas de c’te fi de garce !

Tout juste bon à ouvrir la porte pour faire entrer « la grande faucheuse », après avoir vidé nos corps de tout espoir, toute mémoire, toute joie, de toute énergie !

Il se plait à effacer sur les visages toute preuve de jeunesse et bonheurs passés, avec ce maudit pinceau ne sachant dessiner que des rides !!! »

Léon-Angel garde le silence, ne sachant trop quoi dire.

Hector reprend :

« Ton toubib, il ne peut vraiment pas nous la requinquer notre Rose-Aimé ? »

 

Léon-Angel, arborant sourire tinté de trendresse :

« Le docteur Azincourt, que j’ai le grand honneur de servir depuis tant d’années, n’a jamais fait de concessions avec la vérité, si cruelle soit-elle. Il va enrayer la douleur pour que ta Maîtresse remplisse la mission qu’elle s’est fixée aujourd’hui, sans faire de promesse qu’il sait pertinemment ne pas pouvoir tenir.

Sa probité lui interdit de se prendre pour Dieu, car ce diable d’homme n’a aucune idéologie à vendre, aucune âme à acheter. »

 

A ce moment, un pasteur sort de la chambre de Rose-Aimé et s’adresse à Léon-Angel :

« Et grâce lui soit rendue !!! »

 

Léon-Angel, un peu confus :

« Révérend Salignac !!!

Vous étiez-là ?!? »

 

Hector, résigné :

« Cette fois-ci, elle est vraiment foutue ! »

 

Le révérend Salignac :

« Pourquoi dites-vous cela, Hector ? »

 

Hector, essuyant une larme :

« Ma Maîtresse, ce n’est un secret pour personne, est à la grenouille de bénitier ce que le soleil est à l’ombre, ce que la joie de vivre est à l’obscurantisme !

Si elle a fait appel à vous, c’est qu’elle a compris que le navire de sa vie fait eaux de toute part : donc, elle est foutue ! »

 

Léon-Angel, embarrassé par rapport à Salignac:

« Hector, voyons ! »

 

Hector à Salignac :

« Ho ! Je n’ai rien contre vous, mais il faut admettre que la religion, quand il m’arrive de la caresser, c’est plutôt à rebrousse-poil.

Je n’ai fait qu’une exception dans ma vie, en acceptant d’être parrain, ayant été baptisé catholique alors que je n’avais rien demandé quand je venais de naître… Et pour faire plaisir à une protestante, en plus !!!

Pfffff !! Ce domaine, que je laisse sans regrets à ceux qui aiment s’user les genoux, et s’autoflageller sur l’autel de certitudes qui ont été transmises de générations en générations, plus par chantage qu’autrechose… »

 

Léon-Angel, gêné :

« Révérend, excusez mon ami, il a trop de peine pour mesurer ses propos ! »

 

Azincourt, sortant à son tour de la chambre de Rose-Aimée :

« Ha ! Salignac, j’espère que ces mécréants ne vous ont pas trop bousculés ? »

 

Salignac, souriant :

« Après avoir été plus de vingt ans missionnaire dans les colonies, cette douce épreuve n’est qu’une récréation… Et je ne vois là que de braves gens qui sortent leurs griffes tels des animaux blessés, par réflexe, non par méchanceté… »

 

Hector :

« Manquerait plus qu’on morde ! »

 

Hector à Azincourt :

« Pouvez-vous m’expliquer comment cette femme, qui était en parfaite santé lors du mariage de René et d’Alice le mois dernier, se retrouve sur son lit de mort aujourd’hui ?!? »

 

Azincourt :

« Elle « paraissait » bien portante, mais le mal était en elle depuis bien longtemps. »

 

Léon-Angel :

«  »Cancer » : qu’est-ce donc que cette maladie ? »

 

Hector :

« N’a-t-on pas trouvé de vaccin pour l’éradiquer ? »

 

Azincourt :

« Le cancer, fidèle Léon, c’est l’une des composantes des mutations de ce monde, plus réactive que nous. Vous la dénonciez fort bien dans cette parodie d’anthologie donnée en notre maison de Montreuil il y a deux mois. Ce fléau qui ne date pas d’hier mais bien installé dans ce siècle, semble se repaître des effets indésirables encore inconnus de nos technologies les plus modernes, et se plait à inventer de nouvelles limites, tandis que nous tentons de repousser laborieusement les anciennes…

Il n’y a pas de vaccin, hélas, cher Hector. Que de lourds traitements expérimentaux qui à terme n’auraient que peu de chance d’aboutir, car le mal de Rose est bien trop étendu. »

 

« Va-t-on en fin me sortir de cette chambre, que je puisse faire honneur à mes invités ?!? »

Cette voix n’était autre que celle de Rose-Aimée, alors que l’infirmière qui s’en occupait venait d’ouvrir en grand la porte de sa chambre, laissant sortir Alice, la jeune épouse de René, dont les yeux trahissaient une immense peine.

L’infirmière :

« Madame, soyez raisonnable : il vous faut beaucoup de repos… »

 

Rose-Aimée :

« Adorable Hyacinte, vous me parlez de repos, alors que bientôt j’aurai toute l’éternité pour en profiter !!!

Faites donc appel à quelques solides gaillards, pour aider mon petit René à m’installer sur le sofa central du salon.

Je veux y être installée telle une reine… »

 

Hector :

« Celle de nos coeurs, alors !

Point besoin d’aide,Madame, me voici !

Mes bras sont à votre service et ne laisse à quinconque cet honneur, malgré toute l’affection que j’ai pour Monsieur René, que j’ai tenu sur les fonts batismaux, pour qui ne s’en souvient pas… »

 

Léon-Angel :

« C’est très beau ce que tu dis, mais c’est aussi très con ! »

 

Hector, indigné :

« Pardon ?!? »

 

Léon-Angel :

« Sois lucide mon poteau : t’as eu quel âge aux prunes ?…

On est à « une vache près » comme qui dirait « de la classe » tous les deux, et nos vertèbres, c’est peut-être pas encore du mou de veau, mais de là à faire passer le seuil d’une maison ou d’une pièce à l’une de  nos mignones, fut-elle reine, tel un jeunot qui aurait encore du duvet sur ses petits bras fraîchement musclés : Faut peut-être pas pousser, mon vieux gars !!!

La tronche du  »chevalier servant » qui se pète une hernie, ça risque de faire légèrement « tache d’huile » dans le conte de fée, non ?!? »

 

Au moment où Hector allait se fâcher, Azincourt intervient :

« Hector, soyez raisonnable ! Le lieu est mal choisi pour tirer l’épée et les paroles de Léon ne sont pas dénuées de fondement : admettez-le ! »

 

Rose-Aimée, depuis la chambre :

« Hector, ne faites pas l’enfant et écoutez pour une fois la voix de la sagesse !

Réconciliez-vous avec Léon-Angel et acceptez l’aide qu’on vous propose :

c’est un ordre !!! »

 

Hector, serrant la main de Léon-Angel :

« Bien Madame ! »

Puis à Léon-Angel :

« Bon, ben : sans rancune ma vieille… »

 

Léon-Angel, lui faisant un clin d’oeil :

« Tant qu’on parle pas cuisine…

(remontant ses manches)

On y va ?!? »

 

Les deux compères transportent Rose-Aimée jusqu’au sofa du salon, utilisant la technique de la chaise, sous la direction d’Azincourt.

 

Alors qu’on sonne à l’entrée, René fait signe à Hector qu’il s’en occupe.

En ouvrant la porte, grande est sa surprise, car Théophraste apparait accompagné de son père, « Charles le Catholique »…

Théophraste, à René tetanisé :

« Alors mon garçon : va tu nous faire entrer un jour ? »

 

René, s’exécute, ne quittant des yeux son père au regard fuyant :

« Heu… Bien sûr ! »

 

Hector débarasse les deux de leur manteau et chapeau, précisant à René d’un ton ironique :

« C’est un métier… »

 

René, désapointé :

« Monsieur Théophraste, pouvez-vous m’expliquer ?!? »

 

Théophraste, mettant sa main sur l’épaule de René :

« Je t’ai déjà dit moult fois, mon enfant, de ne pas me donner du « Monsieur » et de me tutoyer !

Tu sais que je te considère depuis le premier jour comme un fils, et malgré ce qui s’est passé avec Chimène, tu le seras toujours dans mon coeur…

Laisse-nous présenter nos devoirs à la Maîtresse de ces lieux, ensuite, nous parlerons. »

 

Les deux font chacun un baise-main à Rose-Aimée.

Charles le Catholique :

« Je n’aurai de cesse de vous remercier, chère Rose ! »

 

Rose-Aimé :

« Ce soir, demain ou après-demain, je verrai Dieu…

Pour se présenter devant lui, l’âme doit être légère, si j’en crois le révérend Salignac.

(Le révérend acquiesce)

Je porte comme un fardeau le regret de cette guerre qui nous oppose.

Il est plus que temps d’y mettre le mot « fin », si vous en êtes d’accord, Charles ! »

 

Charles le Catholique :

« Je ne demande que cela, Rose, mais qu’en est-il de Monsieur mon fils ? »

 

René, le regard sévère :

« Je vois mal ce que vous faîtes là, Monsieur mon Père, notre dernière discution n’ayant supportée aucune équivoque, pas plus que vos comportements de jadis !!! »

 

Charles le Catholique :

« Je constate que même après votre mariage, auquel je n’eus pas l’honneur d’être invité, vous n’avez pas changé d’un pouce ! J’aurais pourtant espéré que votre récent bonheur aurait efface un peu de cette haine farouche que vous entretenez en mon endroit… »

 

Rose-Aimée veut intervenir, mais Azincourt l’en dissuade.

René :

« Prétendez-vous être un martyr et me donner le rôle du tyran ?!?

J’ai vécu le plus épouvantable drame que puisse connaître un enfant : la perte de Maman !!!

J’ai subi le plus effroyable traumatisme, en étant le témoin bien involontaire de l’outrage le plus vil qu’une femme, fut-elle épouse, puisse se voir imposer, la poussant à rejeter un fruit empoisonné en son ventre, preuve de cette avanie, dans un acte désespéré qui devait avoir raison de sa vie…

Mais tout cela n’était pas suffisant, bien sûr, et vous m’avez livré en pâture aux jésuites, plus pour une question d’ego que de vengeance à l’égard des protestants, car l’autorité, le pouvoir, vous les aviez de plein droit !

Vous vous êtes servi de moi alors que j’étais vulnérable et sans défense, uniquement par méchanceté à l’égard de ma famille maternelle dont vous m’avez séparée, sans vous soucier de la détresse qui fut la mienne… Et vous venez ici me faire la morale, me reprochant ma haine ?!?

Vous m’en faites pitié !!!

Vos actes sans gloire sont à l’image de toute votre vie : né trop tard pour la guerre de 70, trop vieux pour celle de 14/18, vos seuls faits d’armes étant d’avoir le don de dilapider une fortune dont vous n’avez même pas gagné le moindre centime, ainsi que de sévir dans une vie superficielle et ô combien inutile !!! »

 

Rose-aimée, très embarrassée :

« René, quel que soit le conflit, on ne parles pas comme ça à son Père ! »

 

Charles le Catholique, autant choqué que peiné :

« C’est bien ce que je pensais, ma cher Rose, les chiens ne font pas des chats, et mon fils fait preuve de la même arrogance, de la même insolence qui furent miennes…

Puis-je lui en vouloir ? »

 

Azincourt à René :

« Qu’allez-vous faire du reste de votre existence ? »

 

René :

« Comment cela ? »

 

Azincourt :

« Il me semble que l’on vient de percer un abcès, mais tant que l’on n’en n’a pas expurgé tout élément infectieux, il reviendra encore plus virulent qu’avant. Vous vous êtes défoulé, certes, mais en retenez-vous quelques satisfactions ? »

 

René :

« Qu’est-ce que cette histoire d’abcès vient faire là-dedans ?

Ce passé que j’ai pris en pleine face,

est-ce moi qui l’ai inventé ?

Est-ce moi qui l’ai voulu ?!? »

 

Azincourt :

« Le passé, du moins ce que vous en connaissez, non… Mais le futur, il sera exactement ce que vous en ferez, et tout se détermine aujourd’hui ! C’est à vous de décider : soit vous vous confortez dans votre rôle de victime, en vous faisant plaindre jusqu’aux restants de vos jours, refusant la main qui vous est tendue aujourd’hui, soit vous essayez de construire quelque chose de positif, ne faisant pas nécessairement table rase de toutes les épreuves subies, mais les ayant assimilées, voire pardonnées. »

 

René :

« Pardonnées ?!? C’est bien commode pour qui offense…

Et surtout bien pratique pour les malfrats et les criminels ! Bientôt, plus besoin de tribunaux, il suffira juste de dire, en mimant la gestuelle d’un mendiant :  »je regrette, je demande pardon, M’sieurs-Dames ! », et le type s’en sort avec la bénédiction de Dieu le Père !!! »

 

Le révérend Salignac :

« Le pardon n’est pas si simple que cela, car il implique un repentir sincère vis à vis de l’offensé(e). »

Il se retourne vers Charles le Catholique :

« Je ne vois en ce lieu que le désir de réconsiliation d’un homme, pas plus parfait que les autres.

Il a fait des erreurs et en demande sincèrement grâce à son fils, en toute humilité…

Tout est requis pour lui accorder ce pardon, la décision vous appartient, mon fils. »

 

René :

« Ce que j’ai subi chez les jésuites, passe encore, mais pour la mort de Maman… »

 

Charles le Catholique, révolté, lui coupant la parole :

« Parceque tu crois que c’est moi qui l’ai tuée ?!?

Demande plutôt à celles qui l’ont guidée dans la salle sordide, où elles l’ont laissée aux mains de cette maquerelle sans hygiene qui lui a trituré le ventre !!! »

Rose-Aimée baisse les yeux, ce qui n’est pas dans ses habitudes, puis Charles reprend :

Je me suis arrangé pour que cette charogne ne puisse plus endeuiller d’autres familles, et si je t’ai confié aux jésuites, crois-le ou non : ce n’était que pour te préserver, que tu ne sois pas témoin de certaines choses !

Et pour ce qui s’est passé avant…

Oui j’ai fauté, je l’admets…

Ce n’était qu’un moment d’égarement…

Et puis j’avais bu…

Je m’y suis pris très maladroitement…

Mais quoi que tu puisses en penser, je l’ai aimée jusqu’à son dernier souffle !

Seulement…

(Il essuie discrètement une larme)

Quand l’amour n’est plus partagé, c’est dur, tu sais…

Mon train de vie ? Parlons-en…

Cela fait trois générations que nous vivons ainsi. Je ne connais d’autres façons d’exister car personne n’a eu le don de me l’enseigner.

D’ailleurs, mon mariage avec ta Maman aurait-il été possible si je n’avais pas eu ce statut : prestigieux pour les uns, mais si inutile et scandaleux pour les autres, selon l’angle d’où tu le regardes ?

C’est comme ça…

Le monde est comme ça…

Je n’y puis rien changer ! »

 

Rose-Aimée à René, alors qu’Alice regarde son Beau-Père avec émotion :

« Il serait temps que tu te fasses à l’idée que seule ta Maman est responsable de sa mort, dans la mesure où la décision d’avorter, c’est elle et personne d’autre qui l’avait prise, ton Père ne sachant même pas qu’elle était enceinte !

Il n’avait jamais perdu l’espoir de redonner à son couple un nouvel élan,  je ne devais le savoir que bien trop tard.

Il entra donc dans une colère folle, lorsqu’il apprit qu’il n’avait pas perdu « un » mais « deux » êtres… »

 

René, déconcerté :

« Il y a beaucoup d’éléments que je découvre dans cette histoire, ma Tante ! »

 

Rose-Aimée :

« Et je n’en suis pas très fière aujourd’hui, car cela a altéré ton jugement.

Cette situation me convenait parfaitement à l’époque car je détestais tellement ton Père, qui en avait autant à mon service !

S’il s’est servi de toi, mon petit,  n’en n’ai-je fait pas de même en m’accaparant ton affection, trop contente de te voir également le haïr ?!?

 

Hector, agacé, prenant la parole à la surprise générale :

 

« Bon, filston, on ne va pas tourner autour du pot comme ça jusqu’à la nuit :

ton « vieux » est plein de bonnes intentions, alors dis-lui « amen », vous vous serrez la pogne et on boit un coup à la santé de la Patronne !!!

C’est vrai, quoi… »

 

Léon-Angel, s’adressant aux convives, dont le silence était la conséquence d’une stupeur indescriptible :

« Trop d’émois, concentrés en si peu d’espace et de temps, ont eu raison de l’esprit de mon camarade… Ne lui en tenez-pas rigueur, je vous en conjure ! »

 

Hector prenant la main de René, puis celle de Charles :

« Mon petit René, je t’ai tenu dans une main quand tu as engueulé ce pauvre curé qui t’avait réveillé en pleine sieste, te balançant un peu de flotte sur le museau au nom de Dieu le Père…

T’avais déjà un foutu carractère, gamin !

J’ai vu cet homme, que tu traites comme une fiante, chialer comme une madeleine, simplement parceque tu étais son môme…

Il tenait la main de ta Maman, et ça avait l’air vachement important pour lui qu’elle ait accepté de faire comme Henri IV en se reconvertissant :

« Paris valait bien une messe ? », leur mariage et ta vie aussi !!!

Si tout le monde était parfait, on serait tous des Saints, seulement voilà : on peut pas être bon dans tous les domaines…

Mon « vieux » à moi, j’avais toutes les raisons de le détester. Un jour, il s’est présenté dans ma turne, et je l’ai jeté comme un étron. Puis on m’a appris qu’il avait calanché… J’avais gardé ma fierté de mâle, de tatoué, de dur, de vrai !

Mais à quoi ça sert tout ça, quand ce que tu reflètes dans la glace ne t’inspire plus que du dégoût, simplement parceque tu t’es comporté comme le dernier des connards, juste au moment où t’avais l’occasion de prouver que t’en n’étais pas un ?!?

Fait pas comme moi, petit…

J’t'en prie : fais pas comme moi !!! »

 

Les mains de Charles et de son fils se rejoignent, avant que les deux ne se tombent dans les bras.

Rose-Aimée, touchée par la scène dit :

« Hector, que serais-je sans vous, mon précieux majordome au langage si fleuri ?

Mesdames et messieurs, accompagnez-donc Charles et René dans la bibliothèque, pour fêter cette réconciliation qui sera la dernière joie de ma vie !

Des cigares, du brandy, du thé et quelques douceurs vous y attendent.

Alice, reste avec moi, j’ai à te parler, mon enfant… »

 

Alice, surprise :

 

« Parler avec moi, ma Tante ? »

 

Rose-Aimée, lui prenant affectueusement la main :

« Assieds-toi près de moi, ma fille.

J’ai appris qu’avant le mariage, tu t’étais entretenue avec Chimène… »

 

Alice, surprise :

« Comment l’avez-vous su ?!? »

 

Rose-Aimée :

« Chimène est venue me voir le lendemain et m’a parlé de toi dans les meilleurs termes. »

 

Alice :

« J’ai ressenti en tant que femme à quelle point elle aime celui dont je devais partager le reste de ma vie, et je me suis demandé si j’avais le droit de construire ainsi mon bonheur, sachant quelle détresse était la sienne. »

 

Rose-Aimée :

« C’est pour cela que tu as failli annuler ce mariage, au grand désespoir de René, lui qui a enfin trouvé en tes yeux son autre ? »

 

Alice :

« Elle m’en a dissuadée, me faisant promettre de le rendre heureux et de lui donner un enfant au plus vite.

Chimène, dont on m’avait décrit le caractère détestable, s’est révélée la plus douce des personnes qu’il me fut donné de rencontrer ! »

 

Rose-Aimée, attendrie, mettant sa main sur le ventre d’Alice :

« A propos d’enfant, je ne t’ai pas vu manger grand-chose depuis ce matin.

N’aurais-tu pas commencé à tenir ta promesse ? »

 

Alice, dont la pudeur lui fait baisser les yeux :

« En effet, 1926 verra naître notre descendance… »

 

Rose-Aimée, rayonnante, lui embrassant le front :

« Bénie sois-tu entre toutes les femmes, car ton coeur est pur !

René est en bonne main, je peux enfin mourir tranquille…

Il me reste encore une chose à régler… »

 

Rose-Aimée agite une cloche, Hector sors de la bibliothèque et dit :

« Ha dites-donc, le révérend Salignac, côté biberon, faut pas lui en promettre !

Le Sieur Charles , si j’ose m’exprimer ainsi, soutient parfaitement la comparaison…

(Sourire de Rose)

Pardon !

Vous m’aviez appelé, Madame ? »

 

Rose-Aimée :

« Oui, apportez-moi donc « les documents »… »

 

Hector s’exécute, sortant un dossier en cuir noir du tiroir d’un secrétaire. Il le tend à Rose, qui lui fait signe de le donner à Alice. Elle l’ouvre et dit :

« Un appartement rue de Panama, une villa et deux terrains en Normandie ?!?

Monsieur Charles déraisonne : c’est trop de générosité !!! »

 

Rose-Aimée :

« Un conseil, ma fille : prends ce que « Beau-Papa » te donne, car tu ne sais pas de quoi demain sera fait,et surtout combien il aura dilapidé dans l’intervalle… »

 

Rose se met à tousser, Hector appelle :

« Ho « Doc », si vous passez dans le coin, jetez un oeil !!! »

 

Azincourt :

« Léon, ma trousse, s’il vous plait ! »

 

Rose-Aimée, suffocante :

« Il…

Il reste…

Il reste encore…

L’ultime détail…

Cette… Fille de 15 ans…

Celle au chapelet… »

dites à René qu’il n’est pas le seul !!! »

 

Azincourt :

« On en reparlera plus tard, si vous me permettez de faire mon travail de médecin ! »

 

Rose-aimée, suppliante :

« Donnez-moi encore une de ces injections, juste le temps de… »

 

Et Rose-Aimée s’éteint, alors qu’Azincourt n’a même pas le temps de lui répondre…

René en larmes se précipite sur le corps inerte de cette Rose « tant aimée », qu’il serre dans ses bras. A cet instant, il se sent réellement orphelin, même s’il a retrouvé son Père, et que

Théophraste lui témoigne toute l’affection du monde…

 

A suivre (dans la 39ème/E)…

( 31 juillet, 2012 )

Nineties : « Puisqu’il fallait bien continuer… » (39ème partie/C)

Troisième partie : Actes 5 & 6

Nineties :

Acte 5

 

 dans Et mes souvenirs deviennent ce que les anciens en font.

Sigmund Freud (1856-1939)

1925 regarde les pages de son éphéméride s’effeuiller tranquillement au fil des jours…

 

« Théophraste, tu n’as presque pas touché à ton assiette !

Ils ne sont pas bons mes ris de veau ?!? »

Ainsi parlait Fulbert Ronsignac, ami de longue date du susdit et patron du café où il était venu se ressourcer un peu.

Théophraste, très mélancolique :

« Ils sont on ne peut plus exquis, précieux camarade… »

 

Fulbert, faisant la grimace :

« Hum : ton appétit en est la preuve vivante ! »

 

Théophraste :

« N’ait crainte, ta cuisine n’est nullement en cause, mais il se trouve que j’ai quelques contrariétés… »

 

Fulbert, tirant une chaise, prenant place et reservant du vin à Théophraste :

« Raconte-moi, « ma vieille » !

Cela ne pourra pas te faire de mal, comme ce Saint-Emilion à damner les Dieux que je t’ai sorti de « derrière les fagots » du reste, à défaut de te faire du bien.

Et puis on ne sait jamais : paradoxalement, il s’avère que c’est souvent les éléments « extérieurs » qui aident à régler nos « problèmes internes »… »

 

 dans Saga familiale

« Ha ! voilà des paroles comme j’aime à en entendre dire !!! »

 

Théophraste, surpris :

« Mais qui parle ?!? »

 

Fulbert, le visage pétillant :

« Professeur Azincourt, vous étiez sur la place et mon personnel ne m’en a touché mot…

Je m’en vais de ce pas vilipander ces petits chenapants !!! »

 

Azincourt :

« Ne vilipandez point : je demande la clémence pour ceux des vôtres qui n’ont fait que respecter mon désir d’anonymat ! Ils sont vos fidèles soldats possédant bien plus d’honneur que nombre de notables…

Et puis de grâce, cessez de m’appeler  »professeur », j’en sais que cela pourrait offusquer… Vous savez bien, je vous l’ai assez répété, que mes pairs ne m’ont jamais accordé ce titre ronflant et pantouflard, apanage de cette gloire « obséquieuse », qui permet à moutl collègues d’espérer voir quelques pigeons se soulager sur leur statues érigées en place publique, avant qu’on ne leur développe ce tapis rouge, aboutissement d’un fantasme narcissique mais qui n’est, à mon sens, rien d’autre que l’antichambre de la mort !!! »

 

Fulbert  à Théophraste :

« Le Professeur Azincourt est à la médecine populaire ce que « Cyrano de Bergerac » est au théatre : un véritable bonheur, une bénédiction faite homme !!! »

 

Azincourt :

« Modérons les entousisames, de peur que mon ego ne se surdimentionne à l’excès ! »

Il prend un temps de réflexion, puis reprend :

« On se souvient de 1515 dans la mémoire collective, car personne n’a oublié « Marignan »… »

 

Théophraste :

« Je ne saisis pas le rapport, cher Maître… »

 

Azincourt, souriant :

« Vous en êtes un autre !

Etre adulé de telle sorte aujourd’hui et en ce lieu, c’est comme un pied-de-nez que donnerait « Dame Nature » pour se faire pardonner en mon endroit pour « sévices rendus »…

 

Théophraste :

« Vous avez voulu dire « services », je pense ! »

 

Azincourt :

« Absolument pas, mais vous allez comprendre :

je porte hélas, tel un boulet, le nom d’une bataille qui se déroula un siècle avant les exploits du Chavalier de Bayard.  »Azincourt » fut, comme vous ne sauriez l’ignorer, un désastre pour la France. Certains nationalistes chagrins tentèrent quelques mots d’esprit à ce sujet, ce qui leur valut plusieurs contusions et blessures : je ne fut jamais homme à baisser la tête sous l’injure, et Monsieur mon Père, ex-militaire vétéran de la guerre de 1870 devenu maître d’armes, m’enseigna l’art de l’escrime et de la lutte, ce qui fut bien utile pour tancer ces poupées de chiffon dont la seule gloire est de se fourvoyer dans les salons, du moins ceux qui eurent l’inconscience de me provoquer en duel !

Bon prince, je me suis toujours contenté de les blesser. L’un d’eux, très fine lame qui me posa problème put continuer l’escrime un moment, mais il dû mettre les drapeaux en berne pour la descendance qu’il n’aura plus jamais, suite à une esquive mal négociée…

Ho : je crois qu’il m’en a gardé grief !!!

(Hilarité de la salle)

Pour ne parler que du siècle dernier (19ème), le chiffre « 15″ fut loin d’être  »porte-bonheur » pour le Premier Empire, et ce n’est pas l’honorable

Louis Victor Baillot (1793-1898),

dernier « grognard » de Napoléon 1er mort à 104 ans, qui de sa haute silouette eût pu dire le contraire !!!

J’avais 26 ans quand Monsieur mon Père m’invita à rendre l’utime hommage au dernier survivant de Waterloo dans un petit village de Bourgogne, à Carisay.

Je ne sais pas si cette commune avait vu autant d’âmes sur son sol jusqu’à ce jour…

Félix Faure (1841-1899), qui n’avait pas jugé bon de se déplacer, en était à sa troisième année d’une présidence insignifiante : l’avant-dernière dernière de cet homme

« L’arme du crime » : Marguerite Steinheil (1869-1954)

qui se prenait  pour « César » et qui est mort « Pompée », comme l’a si bien dit

Georges Clémenceau (1841-1929),

grand personnage, lui, ne ratant jamais un trait d’esprit et encore moins un duel : il blessa ce pauvre Deschanel (1855-1922) encore député à l’époque et devenu plus tard Président « très fantasque », celui-là même qui, posté sur les branches des arbres de l’Elysée, imitait le cri des corbeaux lorsqu’il ne tombait pas du train, vetu d’un pyjama !!! »

 

Théophraste, hilare :

« Vous me feriez un grand honneur, mon cher Maître, si vous acceptiez de vous joindre à nous ! »

 

Azincourt, souriant :

« Ma foi, la chose est parfaitement envisageable… »

Il regarde la bouteille largement entamée de Saint-Emilion et dit :

« Mais permettez-moi d’apporter ma contribution en vous offrant la soeur jumelle de cette délicieuse fiole ! »

 

Fulbert :

« Un Saint-Emilion qui marche pour la douze !!!

Et tu vas me faire le plaisir de terminer tes ris de veau pendant qu’il sont encore chauds, sinon, je me fâche ! »

 

Théophraste :

« Bien patron… »

 

Azincourt, alors qu’un garçon porte son assiette tandis qu’un autre lui tend une chaise :

« Notre brave Fulbert est un artiste né : ses ris de veau sont à tomber par terre, quant à ses tripes à la mode de Caen (le plat que j’ai choisi aujourd’hui), c’est comme qui dirait, pour le palais, l’incarnation de la volupté suprême !!! »

 

Théophraste, de nouveau mélancolique :

« Hum, ça aide à faire oublier le reste… »

 

Fulbert, après un léger soupir :

« Et voilà, ça le reprend !!!

Explique-donc au Professeur ce qui te fait tourment , c’est un spécialiste du comportement qui a des solutions à tout. »

 

Azincourt :

« Votre confiance me flatte, mais la psychologie est loin d’être une « science exacte » !

Le jour où vous trouverez deux analystes capables d’aborder un même sujet, sans être tenté d’en référer

le lendemain au petit matin sur le pré, armes à la main,

vous m’en ferez part : j’aimerais bien savoir à quoi cela ressemble au moins une fois dans ma vie…

 

Théophraste :

« Vous ont ils provoqué parfois en duel ?!? »

 

Azincourt :

« Que nenni, c’était une galéjade !!!

Ils sont beaucoup trop couards pour avoir envisagé la chose, du moins sur ce terrain-là…

Leur courage est à l’image de leur domaine de compétence, ne passant que par l’autoflagellation, ce qui fait beaucoup moins mal qu’une blessure infligé par un adversaire. »

 

Théophraste, se tenant le menton :

« Si j’osais, je vous poserais une question qui me brûle les lèvres… »

 

Azincourt :

« Mais osez mon cher, ne soyez pas timide !

Quant à vos lèvres (il montre la bouteille de Saint-Emilion), nous avons le remède à l’incendie ! »

 

Théophraste, souriant :

« Que pensez-vous de Sigmund Freud et l’avez-vous rencontré ? »

 

Azincourt, fronçant les sourcils :

« J’ai croisé la route de cet individu en 1910. Il était en voyage à Paris, mais l’insignifiant médecin que j’étais n’eut pas le don de susciter en son endroit un quelconque intérêt… Pas plus que je ne l’ai en estime en qualité d’être humain ! »

 

Théophraste, sondant le regard d’Azincourt :

« Vous m’en avez trop dit ou pas assez, Docteur…

Que lui reprochez-vous au juste ? »

 

Azincourt, le regard dans le vague :

« Les fantômes qu’il a laissés au bord de sa route, dont un était de mes amis :

Victor Tausk (1879-1919) !!!

l’armée fit de nous des médecins militaires, mais hélas pas dans le même camp : il était en face.

Il avait en lui cette humanité qui fait toute la différence, étudiant les phénomènes de désertion dans le cadre des psychoses de guerre.

Sa vie ne fut que douleur, marquée par la pauvreté, la maladie et la dépression…

Nous sommes plusieurs « collègues de l’ombre » à le considérer comme l’un des pionniers de la psychanalyse, mais la postérité ne retiendra que le nom de  »Sigmund Freud » : ce médicastre mondain !!! »

 

Théophraste :

« Hé-là, comme vous y allez ! »

 

Azincourt :

« Victime de mon tempérament, comme toujours !

Quoi qu’il en soit, j’affirme que Freud, jaloux de l’intelligence de Victor, l’a sciemment écarté de sa route car il lui faisait de l’ombre, au « grand homme »…

Cela ne l’a rendu que plus malheureux, il s’est suicidé en 1919 : fin de transmissions ! »

 

Théophraste, faisant la moue :

« Vous me voyez déçu, car le portrait que reflète aujourd’hui

Monsieur Freud, fort de ses 69 ans,

donne plutôt l’apparence d’un honorable grand-père à qui on peut parler en toute confiance… »

 

Azincourt, le sourire ironique :

« Ha ça, vous pouvez lui parler : il suffit d’en avoir les moyens !!!

Trois ans avant ce siècle, ayant obtenu mon diplôme, j’entrai définitivement en médecine comme on entre en église, ayant pour seule bible le « Serment d’Hippocrate », mes ouailles étant aussi bien les vulnérables et les plus démunis que les plus riches (qui le sont bien moins quand la santé les abandonne)…

Ma conception de l’humain et des soins que je peux apporter à chaque âme passe par l’équité.

Monsieur Freud, lui, affirma dans une de ses publications et sans honte, que « les honoraires du psychanalyste sont un moyen de vivre et d’aquerrir de la puissance. »

Je croyais chauchemarder !!!

Les médecins ne seraient-ils rien de plus que des épiciers de luxe, réservé à une élite ?!?

Et il en remit plusieurs couches dans le tableau de mes horreurs :

« les paiements des analyses doivent s’effectuer en liquide et à dates fixes… »

Comme si ce n’était pas suffisant, voici l’estocade :

« Les honoraires doivent être élevés pour que le patient ait l’impression que la cure a de la valeur ! »

Ainsi, cette importance donnée par « le maître » aux revenus psychanalytiques exclut de soigner les malades pauvres !!!

Dire que ce triste sire a fait le même serment que moi : nous ne devons pas en avoir la même interprétation…

Mais je suis un incorrigible bavard : si vous me parliez de votre problème ?

Je suis tout ouïe ! »

 

Théophraste, regardant sa montre à gousset :

« Et si nous en parlions plutôt en ma demeure ?

Je constate qu’il est déjà bien tard et que tous les clients sont partis.

Notre ami Fulbert, a droit lui aussi à sa vie privée… »

 

Azincourt, sortant une liasse de billets qu’il tend à Fulbert :

« Se récréer est un des besoins fondammentaux dont je ne saurais priver notre Maître Queux ! »

Il fait un clin d’oeil au restaurateur puis reprend :

« N’y voyez aucune allusion psycho-freudienne ! »

 

Fulbert :

« Ho, Professeur !!! »

 

Azincourt :

« Voici pour les deux repas, permettez-moi de vous inviter, mon cher Théophraste… »

 

Théophraste :

« Ha diantre, vous m’avez pris de court !

La prochaine fois, ce sera pour moi… »

 

Tandis que les deux prennent congé, Fulbert se dit :

« N’empêche que je reste sur ma faim, moi, ce qui est le comble pour un restaurateur !

Dans cette histoire, je serai le seul à ne pas savoir pourquoi mon ami Théophraste était si triste… »

Acte 6

  »Ces ampoules électriques sont bien pratiques, mais elles n’ont pas le charme des chandelles d’autrefois, et une certaine nostalgie m’étreint lorsque je repense à la bonne lampe à pétrole de mon enfance… »

Ainsi parlait Théophraste Bonneville, ayant convié le Docteur Hippolite Azincourt à entrer dans son salon, qu’il venait d’éclairer à l’aide d’un simple interrupteur.

Azincourt, pensif :

« L’esprit de l’Homme n’est qu’un amoncellement de paradoxes.

En effet, il fait tout pour s’évader d’un passé auquel se raccroche…

Votre canapé a bougé ! »

 

Théophraste, décontenancé par la dernière phrase :

« Le canapé qui bouge ?!?

Ha oui !

Vous utilisez la technique « nouvelle vague » de ces littéraires surréalistes, en improvisant une parabole qui à première vue est hors sujet concernant le  »paradoxe », qui vous est venue spontanément …

J’ai entendu parler de ça : « le fonctionnement réel de la pensée », « le psychisme automatique pur ».

Je ne vous imaginais pas adepte de ce jeune écrivain en vogue que l’on nomme

André Breton (1896-1966)…

Azincourt, amusé :

« Vous faites preuve d’une créativité tout à fait remarquable et les arcanes de votre raisonnement n’ont rien à envier à ces pseudo-intellectuels qui se font les chantres d’une philosophie des temps nouveaux, à supposer que c’en soit !

Mais dans le cas qui nous intéresse, mon observation n’était que purement cartésienne, car je vous parle d’un meuble, le vôtre en l’occurence, où un être vivant semble avoir pris place sous la couverture, sans plus.

Cependant, si vous souhaitez que je vous sorte une parabole, je peux aisément en créer une sur le thème du « canapé », vecteur de l’ascension sociale de certains analystes… »

 

Théophraste s’approche du canapé et soulève la couverture.

Il découvre Chimène endormie et dit :

« Que fais-tu là mon bébé ?!? »

 

Chimène, émergeant du sommeil et agressive :

« Je t’ai déjà dit de ne plus m’appeler comme ça !!! »

 

Azincourt, s’adressant à Chimène avec un large sourire, essayant de détendre l’atmosphère :

« Enchanté ! Et moi c’est Hippolite Azincourt… »

 

Chimène, se tenant la tête :

« Tant mieux pour vous !!! »

 

Théophraste, indigné :

« Dis-donc ma fille, c’est comme ça que je t’ai élevée ?!? »

Il s’adresse à Azincourt :

« Excusez-là, elle est…

Heu…

Elle est… »

 

Azincourt :

« Elle est ce problème dont vous vouliez me parler, je l’ai parfaitement subodoré…  »

Théophraste relève le menton de sa fille qui proteste :

« Lâche-moi… »

 

Théophraste, fronçant les sourcils :

« C’est bien ce qu’il me semblait : tu as bu de l’alcool !

C’est d’ailleurs la seule explication à ton agressivité, toi qui n’en boit jamais !!! »

 

Chimène, en pleurs :

« Laisse moi me détruire !!!

De toute façon ma vie ne vaut plus rien… »

 

Théophraste très attristé :

« Ne dis pas ma petite fée !!!

Ta vie vaudra ce que tu en feras…

Elle a déjà sauvé la mienne par sa seule présence.

Sache que je ne serais plus qu’un nom et une date à côté de celui de ta Maman, gravé sur cette triste plaque de marbre sous laquelle elle repose, si elle ne m’avait pas fait le plus beau cadeau du monde : celui de ton existence ! »

 

Chimène, se jette dans les bras de son Père qu’elle serre de toutes ses forces, éclatant en sanglots contre la poitrine paternelle.

 

http://www.youtube.com/watch?v=Hdlz6QzyAVA

 

Théophraste, essuyant discrètement les larmes coulant sur son visage, fait assoir Chimène, chancelante, sur le canapé.

Se reprenant, il dit :

« Tu avais pourtant pris de bonnes résolutions, quelquechose m’échappe…

Ne devais-tu pas faire amende honorable en te réconciliant avec René, à l’occasion de ce bal ?

Que s’est-il donc passé ?

Qu’as-tu encore fait, mon enfant ? »

 

Chimène, s’allongeant sur le canapé :

« Je ne sais plus, tout s’embrouille dans ma tête… »

 

Azincourt demande à Théophraste de s’éloigner, approche une chaise à côté du canapé puis s’assoit. Il sort une montre à gousset de la poche de son gilet et la met devant le visage de chimène, se disant à lui-même :

« On aura beau dire, la bonne vieille technique du « Père Charcot », il n’y a que ça de vrai ! »

Puis s’adressant à Chimène d’une voix calme, sous les yeux médusés de Théophraste :

« Vous ne voyez que cette montre… Vos membres deviennent lourds, vos paupières aussi… »

Il compte lentement à rebours à partir de dix, hypnotisant ainsi Chimène qui affiche un regard totalement décontracté.

Azincourt, sortant un carnet de note et un crayon :

« Vous êtes en route pour aller à ce bal… Qu’avez-vous à l’esprit à cet instant ? »

 

Chimène :

« Je t’ai fait du mal…

René, pardonne-moi !!!

Je t’aime…

Je t’en supplie, pardonne-moi mon amour !!! »

 

Azincourt :

« Que lui avez-vous fait ? »

 

Chimène :

« Pour le rendre jaloux, je suis sorti aux bras de Célestin. »

 

Théophraste, affligé :

« Le fils de la bonnetière que tout le quartier appelle « la veuve joyeuse »…

Celui-là, elle l’a vraiment trié sur le volet, car dans la mémoire collective, voire même dans l’histoire de l’humanité, je ne crois pas qu’on ait trouvé plus con !!! »

 

Azincourt, faisant signe à Théophraste de se taire :

« Pourquoi vouliez-vous le rendre jaloux ? »

 

Chimène :

« Il y a quelquechose à l’intérieur de lui qui refuse tout l’amour que je lui offre.

On dirait qu’il a honte, comme s’il se sentait coupable

d’avoir commis un acte inavouable… »

 

Théophraste, à l’oreille d’Azincourt :

« On marche sur la tête, la !!!

Mais que lui faut-il de plus ?!?

Je l’ai traité comme un fils.

Et quand les deux ont « franchi le pas », j’ai accepté la situation avec bonhomie, quand certaines badernes auraient sorti le fusil, particulièrement quand j’ai trouvé « Monsieur » dans la baignoire, tandis que Mademoiselle (qui ne l’était plus !) était nue sous son peignoir…

J’étais tellement heureux du bonheur de « mes deux enfants » !

Quand on voit le résultat, vous parlez d’une réussite :

depuis, les deux sont devenus complètement neurasthéniques, c’est à n’y rien comprendre… »

 

Azincourt, notant sur son carnet les remarques de Théophraste :

« Hum-hum… Intéressant !

Pour la compréhension, nous devons respecter deux stades préliminaires incontournable…

Je vous expliquerai le moment venu. »

Puis se retournant vers Chimène :

« Quand il vous a vu avec ce Célestin, comment a-t-il réagit ? »

 

Chimène :

« Pauvre chéri, j’ai vu toute la détresse du monde dans son regard…

Depuis, il ne m’a plus adressé la parole, et j’en meurs un peu plus chaque jour !!!

Je ne sais pas quels sont ces démons qu’il a en lui, mais en lui ouvrant mes bras et mon coeur, je pensais les chasser avec le temps… »

 

Azincourt :

« Et vous croyez que ce n’est plus possible ? »

 

Chimène, dont les larmes coulent :

« Plus depuis ce bal !!! »

 

Azincourt :

« Pourquoi dites-vous cela ?

Que s’est-il passé ? »

 

Chimène :

« Des amis communs avaient fini par convaincre René de les suivre dans ce dancing, ce qui était un exploit lors qu’on sait qu’il n’aime ni la musique et encore moins la danse…

Une fois passée la porte, j’ai voulu me précipiter vers lui, lui criant tout mon amour et prête à me jeter à ses pieds en implorant son pardon, et… »

Les sanglots la reprennent…

Azincourt :

« Et ?… »

 

Chimène :

« Il y avait « Alice », cette Anglaise au charme rafiné,

et l’objet de mes amours qui lui tenait conversation…

René, que j’avais laissé si désemparé à la suite de ma stratégie complètement idiote, affichait un regard plein de lumière, que lui reflétait cette orpheline arrivé en terre de France à l’âge de cinq ans avec son petit frère.

Elle avait coiffé « Sainte Catherine » deux ans plus tôt, mais ces deux années de plus ne semblaient pas être un problème pour mon René !

Je me serais damné, j’aurais été me perdre jusque dans les antres de l’enfer, pour inspirer ce regard qui unissait devant moi ces deux-là !!!

Ils se sont pris la main, ils ont dansé…

J’ai compris dès cet instant que ma vie ne serait plus qu’un long hiver, pour le temps qu’il me restait à vivre… »

 

Théophraste, se livrant à une tentative d’humour que l’on sort dans les situations les plus désespérées :

« Si l’Anglais est sur la place, la défaite est inéluctable !!!

Ce n’est pas vous qui pourrez dire le contraire, n’est-ce pas mon cher Azincourt ?!? »

 

A suivre…

( 8 juillet, 2012 )

Nineties : « Puisqu’il fallait bien continuer… » (39ème partie/B)

Deuxième partie Actes 3 & 4

Nineties :

Acte 3

 dans Et mes souvenirs deviennent ce que les anciens en font.

« Si je vous gêne, n’hésitez-pas à me le dire, jeune homme !!! »

Ainsi parlait Chimène à René qui venait de faire intrusion dans la salle de bain du Sieur Théophraste Bonneville, dans le but de se rafraîchir.

Installée dans la baignoire, elle était (en toute logique) dans le plus simple appareil, dissimulant sa poitrine à l’aide de sa main gauche et son intimité de l’autre…

René, après avoir sursauté et ne pouvant dissimuler son trouble :

« Ha mon Dieu !!! »

 

Théophraste, entrant à son tour :

« Ha son… Ha sang de Dieu !!!

Tu étais donc là, ma fille ?!? »

 

Chimène :

« Après avoir fait le ménage, repassé le linge et mis notre gigot dominical au four, je m’étais octroyé quelqu’instants de détente, prenant ce bain froid pour lutter contre cette chaleur insoutenable.

Je me devais d’être présentable pour notre invité ! »

 

Théophraste, pensif :

« Très bonne initiative.

Mais en parlant de ça…

Avez-vous remarqué, mes enfants, que le temps devient de plus en plus anarchique ?

A l’image des hommes, du reste ! »

 

René, encore rouge de confusion, tournant le dos à Chimène pour en respecter la pudeur :

« Il est vrai que l’hiver a été particulièrement doux en ce début d’année (1921), et ce n’est qu’en avril qu’il s’est mis à neiger : c’était assez surréaliste ! »

 

Théophraste :

« Comme tu dis…

Et juste après, le thermomètre s’est remis à grimper !

On ne m’ôtera pas de l’idée que toutes ces technologies modernes, dont la Grande Guerre a servi d’étal, n’est en rien responsable de cette variation climatique hors norme… »

 

Chimène, fronçant les sourcils :

« Papa ! »

 

Théophraste :

« Oui ma fille ? »

 

Chimène :

« As-tu remarqué ma tenue ? »

 

Théophraste, complètement à l’ouest :

« Oui, et alors ?

C’est celle que tu avais à ta naissance, mais je te rassures : tu as bien grandi depuis et je suis fier de te dire que tu n’as pas à en avoir honte… »

 

Chimène atterrée :

« Je te remercie, mais penses-tu que ma posture en ce lieu soit adéquate pour participer à une conférence concernant « l’influence de l’industrie sur la météorologie à travers les âges », et ce : en présence d’une tierce personne ?!? »

 

Théophraste, réalisant le paradoxe, mettant sa main à la bouche :

« Mille excuses, mon petit lapin bleu !!! »

 

Il invite René à rejoindre le salon, tandis que Chimène, sortant du bain, lui dit :

 dans Saga familiale

« Peux-tu éteindre le four, Papounet, et sortir le gigot ?

Surtout, fait bien attention de… »

 

Théophraste :

« Aïe !!! »

 

Chimène, levant les yeux au plafond :

« Trop tard…

Je voulais dire de ne pas te brûler en prenant le plat avec un torchon ! »

 

Tandis que René « prend le dossier en main », théophraste souffle sur les siennes en disant :

« Oui, et bien… On ne peut pas être doué pour tout :

je suis photographe,

si j’étais une fée du logis, ça se saurait !!! »

 

René, très concentré, observant un plat de légumes qui mijotait :

« Je pense qu’il serait judicieux d’éteindre le feu sous cette marmite… »

Soulevant le couvercle, ses yeux s’illuminent :

« Je n’ose y croire : des flageolets verts !!! »

 

Théophraste, donnant un verre de porto à René :

« Tradition familiale qui nous vient de feu mon épouse…

En cette demeure, un dimanche ne se conçoit pas sans un gigot (piqué à l’ail, cela va sans dire mais beaucoup mieux en le disant), et ses flageolets-verts !

Au risque de passer pour un mécréant, j’affirme que ça vaut bien toutes les messes commémoratives du monde. »

 

René, empreint d’une soudaine nostalgie :

« Votre épouse, paix à son âme, semble être partie beaucoup trop tôt, à l’image de ma Maman !

Ce fumet me rappelle mes souvenirs d’enfant, ceux des jours heureux quand j’étais dans ses jupes, à la regarder cuisiner… Je l’ai perdue alors que j’allais avoir huits ans… »

 

Théophraste :

« Pauvre petit, que le destin est cruel, parfois !

Chimène avait pratiquement le même âge quand sa Maman décéda des suites d’une pneumonie, en cette douloureuse année 1910…

La Seine se mit à déborder, inondant Paris comme si elle s’était associée à notre chagrin, joignant ses larmes à celles de ma petite « Chichounette » et aux miennes !

Depuis, j’ai élevé ma Chimène tant bien que mal…

Plutôt bien que mal, quand j’y pense ! »

 

René, sondant le regard de théophraste :

« Quand vous dites « plutôt bien », je ressens comme une restriction, un doute quelquepart… »

 

Théophraste :

« Lirais-tu dans les âmes, fils, comme ce Monsieur Freud que l’on s’arrache dans les chroniques mondaines ?!?

Chimène sera toujours ma petite fille.

Elle a eu dix-neuf ans cette année, ce qui veut dire que dans deux ans, elle sera majeure… »

 

René, souriant :

« Cela arrive à des gens des bien, vous savez ! »

 

Théophraste, mettant affectueusement sa main sur la nuque de René :

« Un peu de sérieux, gamin…

Tu sais, il arrive un moment où l’oiseau doit quitter son nid, même si ça doit déchirer le coeur du Papa oiseau… »

 

René :

« J’ai cru comprendre, en écoutant vos dires chez ma Tante, que « Papa oiseau » n’aura pas le coeur déchiré avant un bon moment ! »

 

Théophraste :

« Aïe-aïe-aïe, tu l’as dit mon gars !!!

Lorsque ma pauvre Edmée rejoignit un monde « meilleur », comme aiment à le qualifier les bigotes de service, ma tendre Chimène se mit en devoir de protéger son « petit Papa » du monde extérieur…

C’est ainsi qu’au fil des ans et sans que je m’en aperçoive, elle s’est appropriée le titre de « Maîtresse de Maison », faisant fuir toutes femmes qui souhaitaient m’approcher. »

 

René :

« Si d’entre-elles Chimène a fait fuir les bigotes, vous devez lui en rendre grâce !!! »

 

Théophraste :

« C’est l’aspect le plus positif de la chose, car je n’aurais pas pu concevoir une vie austère ne me permettant de voyager qu’entre le missel et la flagellation, l’acte charnel n’étant réservé qu’à la reproduction et les dimanches à l’eucharistie !!! »

 

René, horrifié :

« Tu m’étonnes qu’elle parlent d’un « monde meilleur », pensant quitter ce quotidien qu’elles ont transformé en enfer et dans lequel elles souhaiteraient tant nous enfermer, ces péronnelles…

 

Théophraste, faisant la moue :

« Allons-allons, jeune homme, un peu de tolérance pour ces « créatures de Dieu » ! »

 

René, remonté :

« Hum… La tolérance : il y a des maisons pour ça !!!

Chacun sa prostitution, et  je ne sais pas quelle est la pire : celle d’un corps sain ou d’une âme flétrie ?!? »

 

Théophraste :

« Hé bien ?!?

Je ne croyais pas un jour rencontrer plus anticlérical que moi…

Je ne sais pas ce que t’ont fait les Jésuites, mais il faudra que tu laisses ton aversion pour la calotte au vertiaire, fils, car le clergé représente une partie non négligeable de mon chiffre d’affaire, et par effet rebond de tes revenus !

J’espère que vous allez vous entendre avec ma fille, car tu as l’air d’avoir toi aussi un foutu carractère…

Depuis qu’elle s’occupe de ma comptabilité et du secrétariat, je n’ai pas pu garder un employé pendant plus de quinze jours : le temps d’épuiser les patiences ! »

 

René :

« Ou de tester les incompétences… »

 

Chimène entre à ce moment dans la cuisine (habillée, cette fois-ci).

René est complètement subjugué par son regard, ce qui semble être réciproque.

Après un court silence, elle dit :

« Ce pourrait-il qu’enfin une personne me comprenne en ce bas monde ?!? »

L’après-midi était déjà bien entamé et nos trois personnages étaient toujours à table.

Un débat faisait rage entre Chimène et son Papa, qui reservait un  »Saint Nicolas de Bourgueil » dans le verre en cristal de René, très amusé de la scène.

Chimène :

« Je vous prends à témoin, René : pensez-vous qu’on ait amélioré la condition humaine depuis le début de ce siècle ?!? »

 

Théophraste, agaçé :

« Fous-lui la paix et ressers-lui un peu de gigot… »

 

René, n’en pouvant plus :

« Merci mes amis, mais en ayant repris trois fois et n’étant doté que d’un seul estomac, je me vois dans l’obligation en son nom de sortir le drapeau blanc, de peur qu’il n’explose !!!

Pour en revenir à ce dont vous parliez, je pense qu’il faudra encore pas mal de temps avant que chaque être humain ne prenne conscience de ce qui fait la véritable valeur des choses.

Je pourrai vous en dire plus dans les mois qui suivent, étant par la force des évènements entré dans le cercle « non fermé » des prolétaires : cette catégorie qui ne possède que sa force de travail sans en avoir les moyens de production, dixit Karl Marx. »

 

Théophraste, joignant ses deux mains comme pour prier :

« Je vais envoyer un coursier chez ta Tante pour dire que tu n’es pas prêt de rentrer ! »

 

René, intrigué :

« Palsembleu ! Et pourquoi donc ?!? »

 

Théophraste, tandis que Chimène fait une grimace à son Papa :

« Parceque tu viens d’entâmer un débat qui va globalement nous emmener jusqu’à demain matin !

J’aurais dû surveiller les lectures de mon enfant qui, je ne sais par quel biais, s’est attachée à la littérature du dit « Karl Marx » dès son adolescence.

Cet homme n’a pratiquement aucun secret pour elle, hélas…

Je dis bien  »hélas », car on peut dire qu’il aura envenimé les relations avec « ma chair » qui, jusqu’à présent, étaient proches de l’harmonie !!! »

Chimène, boudant comme une petite fille :

« Ce n’est pas parcequ’on a une différence d’opinion que nos rapports sont empoisonnés, Papounet ! »

 

Théophraste à René, ce dernier observant Chimène tel un scientifique face à une énigme :

« Peux-tu me dire ce que tu penses, là, à l’instant ?!? »

 

 René, surpris :

« Heu… Et bien…

Je me disais que, compte tenu de la conjoncture, quand la crise de « l’enfance finissante » se conjugue aux doutes des adultes qui contrôlent de moins en moins les mutations dues au modernisme, il ne faut plus essayer de comprendre mais prier !!! »

 

Théophraste, après un long silence, Chimène restant bouche bée :

« Tu as mal à la tête, petit ?…

Il regarde la bouteille de vin et dit :

« L’épicier m’avait prévenu, le Saint Nicolas de Bourgueuil peut avoir des effets secondaires dévastateurs… Surtout avec cette chaleur ! »

 

Chimène, regardant à son tour René comme une « bête curieuse » :

« Ainsi, vous ne voyez pas d’autres alternatives que de prier, vous : l’anticlérical, au lieu de faire face quand une situation devient trop compliquée pour le commun des mortel ?!? »

 

Théophraste, inquiet :

« Et allez-donc, ça la reprend !!!

Dis-moi, ma petite Chimène, tu as fait fuir mon dernier employé au bout de quinze jours…

Serait-ce un effet de ta bonté de laisser au moins celui-là prendre ses quartiers demain, avant de me l’esquinter ?!? »

 

René, très confiant :

« Ne vous en faites pas, Monsieur Théophraste : je ne suis pas du style à me rendre sans combattre…

Puis, s’adressant à Chimène :

« Je suis étonné que vous n’ayez pas saisi le « second degré » dans mon propos, à moins que ce ne soit une feinte de votre part !

Car la prière (que je condamnais sous forme de fausse approbation) n’est autre à mon sens qu’un anesthésiant, destiné à mieux faire accepter la misère des Peuples dominées par la cupidité et l’égoïsme d’une caste aux doigts crochus, que j’espère bientôt voir disparaître… Celle-là même qui devrait avoir honte lorsqu’elle marche devant nos monuments aux morts, sachant qu’elle est en partie responsable du sort de nos familles endeuillées !!!

Mais pour elle, qu’est-ce qu’un être humain, sinon un vulgaire pion que l’on déplace sur l’échiquier de leur barbarie ?!? »

 

Chimène, dont le visage venait se s’éclairer :

« Je pense que nous allons bien nous entendre… »

 

Théophraste, levant les yeux au ciel et marmonant :

« Une fille marxiste sous mon toit, c’était déjà pas facile, alors gérer un numéro de duettistes…

Dieu, si vous passez dans le coin et sans vous commander, venez-donc jeter un oeil : on ne sera pas trop de deux dans ce périple !!! »

 

René :

« Vous priez, Monsieur Théophraste ? »

 

Théophraste, soupirant :

« Non, j’admire mon lustre… »

 

Acte 4

 

Le temps a passé, nous sommes déjà en 1925, au coeur des années folles…

Eudocie, veuve inconsolable du Capitaine Charles-Clément depuis l’année précédente, avait rejoint son militaire d’époux, vaincu une fois de plus dans un dernier champ de bataille qui n’était autre que son lit et la salve ultime une grippe des plus communes.

Rose-Aimé, malgré la tritesse qu’elle ressentait après sa disparition, n’avait pu s’empêcher d’ironiser sur le parcours militaire de Charles-Clément, le résumant par cette épitaphe :

« Décidément : il n’aura jamais gagné une bataille… »

Théophraste Bonneville avait accepté d’accompagner Rose-Aimée au vernissage  d’un photographe et peintre américain âgé de 35 ans, répondant au nom de Man Ray. Selon le « tout-Paris » les oeuvres de cet artiste, débarqué au Havre en 1921, étaient fort prometteuses…

Théophrase, ne pouvant refuser de servir de chevalier-servant à son « amie de toujours », restait cependant dubitatif après l’étude approfondie d’une oeuvre de l’intéressé, exposée parmis tant d’autres.

Pour le pauvre hère figuratif qu’il était, perdu dans le monde décalé d’une « contestation caviar » où le « dadaisme » avait été détrôné par les « hyperréalistes » et les vertues du capital par celle de l’idéologie communiste si bien défendue par sa fille, notre bon Théophraste acquit une certitude :

(Photo de Man Ray)

ce monde marche de plus en plus à l’envers, et la psychanalise du Père Freud ne sera peut-être pas si inutile que cela dans les années, voire les siècles qui suivront !!!

Pendant ce temps, Chimène : cette « lionne indomptable », était serrée contre les bras de René, dans un lit qu’elle n’avait jamais partagé auparavant.

 

Chimène, caressant les cheveux de René :

« A quoi tu penses ? »

 

René, le regard dans le vague :

« Je me demande si on n’est pas en train de faire une énorme bêtise.

Jusqu’à aujourd’hui, tu étais comme une petite soeur pour moi…

Une soeur avec un foutu caractère, j’en conviens, mais ma petite soeur quand même !

Monsieur Théophraste était devenu comme mon Père.

Plus rien ne sera pareil maintenant ! »

 

Chimène :

« Et ça te fait peur ?!? »

 

René :

« Peur ? Ce n’est pas le terme exact… « Gêne » serait plus approprié.

Pour une fois que j’avais trouvé enfin une vie stable et honnête, je m’étais habitué à mon petit train-train, avec pour compagnes les douleurs du passé, certes, mais aussi ma bonne conscience : chose assez rare au sein de ma famille de sang, ce qui m’aidait à faire passer tout le reste !

Après ce qu’on a fait en se cachant de ton Père, comment pourrai-je le regarder en face, maintenant ? »

 

Chimène :

« Parceque tu crois qu’il tombera des nues quand il finira par apprendre qu’on a franchi le pas ?!?

Mais mon pauvre amour, réveille-toi ! Tout le monde le savait pour nous !!! »

 

René, ironique :

« Tout le monde savait ce que nous allions faire dans ta chambre cet après-midi ?

Ils auraient pu m’en toucher un mot, les visionnaires !!! »

 

Chimène, agaçée :

« Ne te fais pas bête que tu n’es… »

 

René, dégageant tendrement une mèche sur le front de Chimène :

« Ne te fâche pas ma belle… »

 

Chimène, les yeux humides :

« J’ai tellement attendu !

Quatre longues années où je me disais :

« Mais va-t-il enfin comprendre que je n’ai jamais voulu être sa petite soeur, qu’il a toujours été pour moi beaucoup plus qu’un frère ?!? »… »

 

René :

« Comment ça : quatre ans ?

Tu veux dire depuis 1921 ?!? »

 

Chimène, baissant les yeux :

« Depuis le premier jour, quand tu es entré dans la salle de bain, j’ai su que c’était toi l’homme de ma vie… »

 

René :

« Ha bon ?!?

C’était pas un peu rapide comme conclusion ? »

 

Chimène, le regardant droit dans les yeux :

« Après ce qui c’est passé tout à l’heure :

ose me dire que tu n’as aucun sentiment pour moi !!! »

 

René, baissant les yeux à son tour :

« Tu sais bien que ce n’est pas possible… »

 

Les deux s’embrassent puis Chimène se lève.

Elle enfile un peignoir et dit :

« Je vais te faire couler un bain, mon chéri… »

 

 

Une heure plus tard…

Théophraste, après avoir ouvert la porte, invitait Rose-Aimée à entrer dans sa demeure.

Rose-aimée :

« Ce « Charles le Catholique » n’a décidément aucune pudeur, s’afficher devant le tout-Paris avec cette « cocotte » et pire, la fille de celle-ci… Il repousse chaque jour les limites de l’horreur !

Je ne pouvais tenir une seconde de plus en présence de ce monstre, j’aurais fini par le souffleter… »

 

Théophraste :

« Calmez-vous ma chère, vous vous faites du mal !

Vous savez que je n’ai pas beaucoup d’estime pour cet homme dont j’ai récupéré le fils, mais je ne crois pas qu’il ait l’étoffe d’un satyre s’adonnant au détournement de mineure, sous l’égide d’une maquerelle.

Cette jeune fille aux allures si timides qui accompagnait cette demi-mondaine doit avoir tout au plus une quinzaine d’années, née donc deux ans après le décès de Ludivine : sommes-nous sûrs que ce Charles, ce veuf si inconsalable, l’ai été autant que cela ? »

 

Rose-Aimée :

« Non ! Vous ne suggérez-pas que René aurait perdu son statut de  »fils unique » depuis 1910 ?!?

Si cette petite devait avoir un lien de parenté avec notre René, la nature lui aurait fait un sacré pied-de-nez, car avez-vous remarqué comment elle égrainait ce chapelet qui semble ne jamais la quitter ? »

 

Charles-Clément :

« Ha oui, maintenant que vous me le dites… On aurait dit une brebis égarée parmis les loups !

Mais chut, j’entends du bruit !!! »

 

A cet instant, Chimène fait intrusion dans le salon, très embarrassée.

Elle dit :

« Papa ? Mais tu es rentré plus tôt !!! »

 

Théophraste, souriant à Rose-Aimée :

« Vous avez vu : elle a de l’observation ma fille, hein ?

Et puis, il est joli son peignoir !

Sers donc quelquechose à boire à notre chère Rose-Aimée pendant que je me raffraîchis un peu le visage… »

 

Chimène, toute rouge :

« Mais ?!? »

 

Tandis que théophraste entre dans la salle de bain, Rose-Aimée, arborant un visage joyeux, embrasse « maternellement » Chimène sur le front en lui disant :

« Alors, tu as réussi à l’apprivoiser, finalement ? »

 

Chimène, troublée :

« A… Apprivoiser qui ?!? »

 

Rose-aimée, serrant Chimène contre son coeur :

« Comme tu es touchante ma petite fille…

Je suis heureuse pour vous deux !!! »

 

Théophraste, sortant de la salle de bain tandis que Chimène était tétanisée, soutenue par Rose-Aimée :

« Au risque de passer pour un vieu jeton, je persiste et signe : en matière d’art,  je préfère La Joconde sans moustache et je suis assez attaché au respect des Maîtres, car il est plus facile de dénigrer que d’inventer… Qu’ils soient « dada » ou « hyper… machins », ce ne seront pour moi que des petits cons qui entraineront la race humaine dans la décadence !!!

Qu’en penses-tu ma fille ? »

 

Chimène, à la limite de l’évanouissement :

« Heu… Si tu le dis… »

 

Théophraste, l’air innocent :

« Au fait : c’est pas René que j’ai vu dans la bagnoire ?!? »

 

Et là, Chimène s’évanouit dans les bras de Rose-Aimée…

A suivre…

( 21 juin, 2012 )

Nineties : »Puisqu’il fallait bien continuer… » (39ème partie/A)

« Les anges maudits, les comptables et le père prodigue…

Chapitre 37

Nineties :

« Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ?!? (4/6)« 

 

 dans Et mes souvenirs deviennent ce que les anciens en font.

« Chimène : du rêve à la désillusion, et puis… »

Première Partie (Acte 1 & 2) 

 dans Saga familiale

 

Prélude en « Blaise mineur » :

Blaise, regardant avec admiration  l’huître qu’il tenait délicatement dans sa main :

« Dans ce monde où j’ai quand même fait les cents pas, il n’est que deux questions…

Est-ce que je mange des huîtres parceque j’aime le vinaigre à l’échalote ?

Aimerais-je les huîtres s’il n’existait pas le vinaigre à l’échalote ? »

 

Staline, lui reservant une larmichette de Muscadet :

« Ce monde où t’as fait les cents pas : ne « sont-ce pas » tous les troquets qui jonchent la route qui sépare ta Seine Saint Denis de mon rade ?« 

 

Tandis que Blaise haussait les yeux, Gaston semblait loin de tout, étalant distraitement une noix de beurre sur sa tartine de pain de seigle à l’aide de son couteau : un vieux Laguiole archi-aiguisé qui lui venait de feu son Père.

Staline à Gaston :

« Mais dis-moi, « ma vieille » : tu serais pas en train de virer jaloux ?!?

N’aie crainte, notre Chimène va bien finir par te le rendre ton René ! »

 

Gaston, émergeant :

« Hein ?!? »

 

Blaise, après avoir avalé une gorgée de muscadet :

« Chimène, c’est une guerrière, pas une croqueuse d’hommes !

Mais, imaginons le destin croisé de ces deux-là : 

j’y vois le sujet d’une pièce de théatre, aussi belle que dramatique… »

 

Staline, presque gémissant :

« Ben nous v’la beau : v’l'a qu’y’ s’prend pour Sacha Guitry maint’nant ! »

 

Gaston, séduit par l’idée de Blaise, frappe les trois coups avec le manche en bois du couteau familial sur la table :

« Et le rideau s’ouvre, vas-y mon Blaise :

« Si Chimène et René nous étaient contés » !

Ce que nous ne savons pas, nous le devinerons, quitte à l’inventer… »

 

A ce moment, la splendide Marceline entra dans la cuisine, faisant l’admiration des trois compères :

« Vous m’avez appelé,M’sieur Joseph ?!? »

 

Staline, avec un regard tendre qu’on ne lui avait jamais connu :

« Non, mon petit…

Ces Messieurs ont décidé de faire du théatre et comptent donner leur première représentation, en exclusivité dans notre modeste demeure ! »

 

Marceline, petit sourire aux lèvres :

« Je peux rester, dites ?  J’aime tant le théatre !!! »

 

Blaise, définitivement sous le charme :

« Ho, mon Dieu !…

(Joseph tique à cette évocation )

Hum-hum…

(Blaise prend soudain l’apparence d’un orateur)

Enfin : comme on disait jadis au sein de ce peuple opprimé et soumis, en invoquant celui qui représente le suppôt des idoles de cette « Réaction » qui nous outrage…

(Joseph fait un signe d’approbation, sourire aux lèvres)

Je ne crois pas qu’on puisse te refuser, Ô camarade, et avec de si beau yeux, le droit d’assister à une création qui se veut populaire

et accessible à la masse laborieuse !!! »

 

Staline applaudit des deux mains, tandis que Gaston se tient le front, assez consterné.

Staline, offrant une chaise à Marceline :

« Bien sûr que tu peux rester, ma petite fleur…

De toute façon à cette heure-là, ceux qui dans le bar ne sont pas bourrés, becquettent tranquillement chez « Bobonne »…

« Puis aux deux :

« Alors : on la commence cette pièce ?

Au temps du camarade Molière,

faire poireauter une gonzesse, c’était pas réglo !!! »

 

Blaise, prenant un air précieux et s’adressant à la belle :

« Môssieur voulait dire qu’on ne fait pas attendre les Dames… »

 

Staline :

« Oui ben : magne-toi !!! »

 

Blaise, moqueur :

« Demandé si gentiment… »

 

Acte 1

 

Imaginez Paris en 1921.

Nous sommes dans le salon très finement décoré de l’hôtel particulier d’une richissime rentière, veuve depuis peu, Suisse et protestante depuis toujours : nous l’appellerons

« Tante Rose-Aimée ».

Loin de porter ses soixante-dix printemps, elle n’est autre qu’une des soeurs de la Grand-Mère de René,  tante de Ludivine, cette Maman rebelle tant chérie, partie beaucoup trop tôt alors qu’il n’avait pas encore huit ans.

 

Rose-Aimée recevait pour le thé quelques amis.

S’adressant à l’une de ses invités :

« Ma chère Eudocie, j’ai le regret de vous le confirmer : ces écclésistiques ne sont que des imbéciles, doublés de rétrogrades !!! »

 

Eudocie, se signant :

« Sacrilège !!! »

 

Rose-Aimée :

« Les tenues et les moeurs se libèrent ? La belle affaire… Il était temps, non ?!? »

 

Charles-Clément, ex-capitaine et député à la retraite, mari d’Eudocie :

« Comme vous y allez, ma chère… »

 

Rose-Aimée, mimant le geste d’un cavalier donnant la charge :

« Tel un soldat, sabre au clair mon ami ! Lorsqu’il s’agit de liberté : la rédition n’est pas mon credo !!!

Est-ce parceque ces « culs bénis » n’ont jamais accepté, il y a seize ans (déjà ?), la séparation de l’Eglise et de l’Etat qu’ils se vengent comme ils peuvent, en s’attaquant à ces femmes dont j’admire le courage novateur ?!?

Si nous n’avions dû écouter que ces évèques, dont la vie ne se limite du reste qu’à de sombres manuscrits poussiéreux et périmés depuis la nuit des temps, l’éternel féminin n’aurait jamais évolué d’un pouce depuis deux mille ans… Que dis-je ? Cinq-mille ans !!! »

Eudocie :

« Car vous appelez ces moeurs païennes scandaleuses une « évolution » ?!? »

 

Rose-Aimée :

« Le scandale n’est qu’une composante à géométrie variable, qui se bonifie ou se déprecie avec le temps : laissons ce dernier faire son oeuvre…

Chez les chrétiens, la femme n’est que l’ombre de celui qu’elle épouse et qui lui est imposé. Son seul droit est celui de se taire !

Remarquez, chez les laïcs, ce n’est pas mieux… Car nous ne sommes rien moins que des   »meubles » que l’on achète à coup de dote, juste bon à multiplier une espèce dans la douleur de l’accouchement et de la servitude, pour ne pas dire de la soumission !

Eve, la première d’entre-nous si l’on en croit les écrits, fut celle qui osa poser innocemment la première stèle d’un édifice qui devait inspirer plus tard un mot :  »Révolution » !!!

Bien avant les Danton et Robespierre… »

 

Charles-Clément, interloqué :

« Ventre-saint-gris !!! »

 

Rose aimée, reprenant :

« Ne vous offusquez pas, mon cher capitaine, et reprenons l’historique en dehors de tous préjugés judéo-chrétiens…

Eve ne fut-elle pas le premier être vivant à oser braver une autorité que bêtement on essayait de lui imposer ?

Et ce fruit, franchement : à par ces évèques : qui s’en soucit aujourd’hui ? »

 

Eudocie :

« Vous savez bien qu’il ne s’agit pas du fruit en lui-même, mais du symbole qu’il incarnait… »

 

Rose-Aimée :

« Un interdit posé là, sans autre forme d’explications, bien avant les tables livrées à Moïse ?!?

Si on lui avait expliqué le pourquoi du comment, Eve aurait compris ! Elle n’a jamais été plus bête que son autre…

Et tant qu’à sortir une loi, Dieu aurait dû commencer par interdire le meurtre, au lieu de se polariser sur cette stupide pomme… Franchement !!!

La curiosité, la gourmandise, le doute seraient-ils plus graves que d’ôter la vie à un semblable ?!?

En définitive, ce qui n’a pas plus à l’Eternel n’est pas le « péché » en lui-même, mais le fait que la femme, déjà, refusait d’être soumise sans condition…

N’est-ce pas ce que l’on appelle chez les humains mâles  »un orgueil mal placé » ?

Et  »le pardon », ce « détail » de la bible qu’il nous ordonne de pratiquer pour tout ceux qui nous offensent, Dieu s’en était-il exempté ce jour-là ?!?

Il faudrait donc que nous appliquions dans nos tristes vies de mortels ce que le divin n’a pas voulu faire pour Eve et Adam…

Je le note au passage !

 

Eudocie, joignant les mains et regardant le plafond :

« Seigneur, préserve-nous de tous ceux et celles qui veulent réécrire la Sainte Bible !!! »

 

Rose-Aimée à Charles-Clément :

« Mais, Réfléchissons plus avant…

Qu’en serait-il de vous, pauvres hommes, si nous n’étions pas ce piment, ce pavé dans une marre trop calme qui fit bouger tant de choses depuis tant de siècles, et inspirèrent tous les poètes ?!? »

 

Charles-Clément, tiquant :

« Mais qui occasionnèrent quelques guerres sanglantes au passage, les poètes n’ayant pour baïonnette qu’une plume, ce qui les exposent beaucoup moins qu’un fantassin en première ligne… »

 

Eudocie, scandalisée :

« Vous déraisonnez ma chère, et votre réquisitoire, si astucieux qu’il soit, ne saurait égarer mon jugement !

Vous cautionnez-donc ces danses où la femme se donne en pâture de manière animale et sans pudeur à des hommes en rut , aguichés par ces tenues de dépravées qui relèguent la gent féminine à des filles de petite vertue !!! »

 

Rose-Aimée, lassée :

« Je me suis toujours demandé pourquoi, avec une telle ferveur et ce sens obtu moralisateur , vous n’étiez jamais entrée dans les ordres, ma chère Eudocie : quelle recrue de choix eussiez-vous faite pour ces évèques, qui sont à la religion ce que le gardien est à la prison et l’huile de foie de morue à nos intestins… »

 

Eudocie avale de travers une bouchée de madeleine qu’elle venait de tremper dans son thé, tandis que Charles-Clément ne pouvant retenir son hilarité lui tape sur le dos.

Il dit :

« Diantre, que n’ai-je eu dans mon parcours un aide de camp ou un conseiller au verbe aussi efficace et affûté que le vôtre, mon amie…

Mon destin, pour ne dire ma carrière, en fut bien différente… Peut-être même le destin de la France !!! »

 

Marie-Aimée :

« Je crois savoir que votre carrière militaire ne fut pas de tout repos… »

 

Charles-Clément :

« Hum !

Je ne souhaite à aucun soldat de carrière

d’avoir eu vingt ans et plus en cette sombre année 1870 !!! »

Il marque un temps d’arrêt, puis reprend avec beaucoup de tristesse :

« Que n’ai-je été occis à Sedan dans cette ultime bataille, blessé aux côtés de mon maître : le Maréchal Mac Mahon…

La France, si grande qu’elle fut, n’était plus qu’une ombre !

Et de voir notre Empereur faire profil bas devant Bismarck : cet ennemi si calculateur et arrogant, je ne devais jamais l’accepter !!! »

 

Rose-Aimée :

« Je vous sais monarchiste : votre rattachement date-t-il de cet épisode douloureux ? »

 

Charles-Clément :

« Douloureux en effet, car nombre de mes camarades en détention moururent de mauvais traitements, de faim, de froid et d’humiliations !!!

Le bonapartisme étant définitivement mort, il ne me restait plus que l’espoir de pouvoir un jour laver l’affront en servant un Roi qui redonnerait à la France, outre l’Alsace et la Lorraine perdue, sa splendeur, sa gloire et son renom !!!

Hélas, des blessures encore plus douloureuses devaient m’être infligées une année plus tard, occasionnées non par les Prussiens, mais par nos propres concitoyens :

les « communards », serpents que nous réchauffions dans notre sein !!!

Lorsque j’ai entendu cette chanson :

http://www.youtube.com/watch?v=U_W0B6aUt3E

« le temps des cerises » (leur chant de ralliement),

je n’ai pas vu le danger venir de derrière les barricades, croyant avoir à faire à de doux rêveurs…

Elles eurent pourtant raison de cette jambe droite que je traine depuis, chaque jour que Dieu fait, tel un boulet :

le glas en quelques secondes d’un avenir « réparateur », que j’espérais encore glorieux, armes à la main…

Le Maréchal Mac Mahon, ce père spirituel à qui je me donnais corps et âme, m’ayant tout juste promu capitaine, n’oublia jamais son fidèle serviteur et  m’encouragea à la députation depuis mon lit de douleurs.

Certes, c’était une façon édulcorée de servir  la France, mais je restais malgré tout un des fidèles commis de cette nation qui m’avait tout apportée : j’en retirais une grande fièreté, à défaut de n’avoir pas eu celle de mourir « dignement »  pour elle ! »

 

L’un des invités qui avait écouté avec beaucoup d’intérêt le récit de Charles-Clément sortit de son silence, le verbe ponctué d’un accent profondément Russe :

(il roule les « r »)

« Révolution, bah !

Bolchéviques : bêtes sauvages sans noblesse et sans honneur…

Eux avoir éxécuté Tsar bien-aimé Nicolas II avec famille !

« Pitit » peuple, depuis, mourir de faim :

moi pas les plaindre, au contraire les maudire jusqu’à treizième génération !!! »

 

Rose Aimée :

« Maudissez, si ça vous défoule…

Mais pensez-vous, mon cher Boris, que pour nos rentiers qui avaient tout misé sur les fameux emprunts russes, ce fut la volupté suprême ?!?

Beaucoup se sont retrouvés à prendre leur repas chez les petites soeurs des pauvres, du moins ceux qui n’avaient pas eu le réflexe (le courage, voire la décence) de se suicider, chose assez naturelle dans notre milieu après quelques visites d’huissiers dont la délicatesse n’est pas le fort…

Cet imbécile de neveux que j’ai par alliance, « Charles le Catholique », perdit la moitié de sa fortune dans ce périple !

Hélas : il lui en reste bien assez pour continuer à vivre son existence de frivole… »

 

Eudocie, ayant enfin avalé sa madeleine et repris son souffle :

« Comment se fait-il que vous n’avez jamais aimé le mari de feu votre nièce Ludivine ? »

 

Rose-Aimé :

« Je sais dès le premier regard si une personne est bonne ou mauvaise.

Ce que j’aimerais parfois me tromper, mais le temps me donne toujours raison, hélas, comme il le fit pour cette baudruche… »

 

Eudocie :

« Que fit-il pour motiver tant de haine en votre endroit ?!? »

 

Rose-Aimée :

« Que fit-il ?

Des choses qui ne se disent et surtout ne se font pas chez des gens de notre qualité…

Des choses pour lesquelles une simple femme ne peut demander justice, dans ce monde où seul l’homme a tous les droits !

Ludivine était des toutes mes nièces ma préférée.

Aussi belle que naïve, elle était touchante de sincérité. Mon imbécile de beau-frère décida de la marier avec ce « nouveau-riche » catholique plus âgé qu’elle, mais qui semblait être un bon parti…

Voyant le personnage, je sus instantanément, connaissant ma petite Ludivine si romantique, celle que j’avais tenue tant de fois sur mes genoux, que ce mariage ne ferait jamais son bonheur.

La seule chose qu’il fit de positif dans sa triste vie porte le nom de « René », ce petit neveu sur lequel j’ai reporté tout l’amour que j’avais pour sa Maman ! »

Eudocie :

« Je vous trouve bien sévère, car le bonheur, l’amour, ça se construit avec le temps. »

 

Rose-Aimée :

« Eudocie, vous êtes incroyable !

Ainsi, « bonheur » et « amour » ne s’obtiennent qu’à l’usure ?

Comment n’y avais-je pas pensé avant, que ne l’ai-je dit à Ludivine sur son lit de mort quand ce siècle avait huit ans et je s’essuyais les yeux de son petit René… »

 

Eudocie :

« Partir aussi jeune, c’est bien triste !

Mais de quoi est-elle morte en fait ? »

 

Charles-Clément, à Eudocie :

« D’avoir probablement oublié de respirer, tout comme vous oubliez d’être discrète…

Dites-moi, ma chère et tendre épouse, je pense qu’un repli stratégique serait de bon aloi avant que vous ne sortiez les pièces d’artillerie, sans vouloir faire offense à notre délicieuse Rose-Aimée, qui nous reçoit avec tant d’amabilité ! »

 

Eudocie, prise de court, s’apprétait à répondre, lorsque l’on sonna à la porte…

Hector,

le fidèle majordome qui venait de répondre , s’adressa à Rose-Aimé en ces termes :

« Monsieur René, votre neveu, demande audiance. »

 

Les convives prennent congé…

 

Acte 2

René, désespérément triste, tenant une valise à la main :

« J’espère ne pas avoir gâché votre réception, ma Tante… »

 

Rose-Aimée :

« Pose-donc cette valise et viens m’embrasser !

Et combien de fois faudra-t-il que je te le dise, mon petit, de me tutoyer ?!?

Cesse-donc d’utiliser ces apparats de nouveaux riches qui ne les rendent que plus vulgaires !

Le fait d’avoir vouvoyé l’auteur de tes jours en fait-il quelqu’un de plus respectable à tes yeux ? »

 

René, arborant un sourire légèrement sadique et posant sa valise :

« Hum-hum…

J’ai eu enfin le courage de dire à cet erzatz de mondain ce que je pensais de lui : ce fut effectivement à la « deuxième personne du pluriel » !

Quelle délectation !!!

Après avoir failli en venir aux mains, nous sommes au moins tombés d’accord sur un point cruxial :

aucun de nous ne veut plus entendre parler de l’autre.

Ainsi, je me retrouve à la rue, avec pour tous souvenirs ceux que j’ai entassés dans cette valise, sans situation et sans argent, mais libéré de ce despote, dont mon seul regret est d’avoir eu la malédiction de l’avoir comme géniteur !!! »

 

Rose-aimée :

« Que de violence et de mépris ont muri dans ton âme meurtrie, mon petit, pour que tu en arrives à dire de tels propos !

Tu étais, je me le rappelle comme si c’était hier, le plus doux et le plus effectueux des petits garçons,

lorsque tu venais te serrer dans les bras de ta Maman et les nôtres… »

 

René, le regard dans le vague :

« C’était avant… Avant cette année maudite… »

 

Rose-Aimée, intriguée :

« Tu veux dire celle de la mort de ta Maman…

Que t’en rappelles-tu au juste ? »

 

René :

« La nuit qui fut à l’origine du drame, j’ai tout entendu ! Je sais ce que fit cet être ignoble en toute impunité, et ce pourquoi Maman m’emmena dans ses bagages dès le lendemain pour venir se réfugier chez vous…

(Rose-Aimée fronce les sourcils – en rapport avec le vouvoiement -)

Heu : chez toi, ma Tante.

(Le regard de Rose se fait plus tendre et complice)

Par contre, il m’a fallu du temps pour réaliser de quoi Maman était réellement morte, et pourquoi j’avais été placé chez les Jésuites dès l’âge de huit ans en pension : un acte désespéré irréversible d’un côté, une vengeance pour punir le  »clan Suisse Protestant » de l’autre, et moi au milieu !!! »

 

Rose-Aimée, la larme à l’oeil, embrassant le front de René :

« Mon pauvre chéri ! Tu connaissais donc toute l’histoire depuis le début ?!? »

Elle hésite, puis reprend :

« Je dois te faire un aveu, même si tu dois me maudire pour le restant de tes jours… »

 

René, décontenancé :

« Comment pourrais-je te maudire, ma Tante bien-aimée, toi qui fut si bienveillante avec Maman et lui avait redonné le goût de vivre ?!? »

 

Rose-Aimée, essuyant ses larmes avec son mouchoir en soie :

« Vivre ?

Tout est là…

Il ne se passe pas une nuit où je ne pense à la mort de ma petite Ludivine, et dire que ton père en est le seul responsable serait bien pratique si j’étais totalement dépossédée de conscience…

Il en est autrement !

En voulant respecter le choix de Ludivine, je l’ai guidée vers cette sorcière qui extirpe les vies non souhaitées, dans ces salles aussi osbcures que sordides !!!

Si nous avions toutes accepté, elle la première, de laisser naître l’enfant qu’elle attendait suite à cet évènement indésirable, elle serait très certainement encore en vie, et tu aurais un frère ou une soeur qui aurait treize ans cette année… »

 

René, prenant la main de sa Tante :

« Avec les « si », on mettrait Paris en bouteille. Quelle serait son existence aujourd’hui ?

Elle serait bien malheureuse, enfermée entre les quatre murs des geôles de ce tyran, ne la considérant pas plus qu’un meuble qui aurait un ventre, statut bien commode pour le phallocrate qu’il fut toujours et ne cessa jamais d’être !!!

Cette vie-là vaut-elle d’être vécue ?!? »

 

Rose-Aimée :

« Malgré ce que je viens de t’avouer, tu ne m’en veux toujours pas ?!? »

 

René :

« J’en veux à Dieu, à la société bien-pensante qui a fait son nid autour, au monde entier et surtout :  j’en veux à cet être méprisable qui fit le malheur de Maman !!!

Mais surtout pas à toi qui pensait bien faire…

Mes plus beaux souvenirs d’enfant, ceux qu’on ne me volera jamais et qui sont restés ancrés dans mon âme, c’est le sourire, le visage rayonnant de bonheur de Maman lorsqu’elle était entourée de ton affection et de celle de mes cousines.

Avec vous, j’étais un petit prince,

« votre petit prince »,

celui que vous emmeniez en Normandie pendant les vacances et qui voulait vous nourrir uniquement du fruit de ma pêche, tu t’en souviens ? »

 

Rose Aimée serre René sur son coeur dans une longue étreinte. Celui-ci lâche enfin une parole :

« Ma Tante, tu m’étouffes !!! »

 

A cet instant, quelqu’un sonne à la porte.

Rose Aimée à René :

« Décidément, ma demeure ressemble de moins en moins à un hôtel particulier : ça devient un moulin où tout le monde vient me voir !!! »

 

Hector, dans toute la splendeur de son statut de majordomme, annonçant le visiteur :

« Monsieur Théophraste Bonneville !!! »

 

René, ne pouvant retenir son hilarité, chose si rare chez lui :

« Mais où l’avez-vous trouvé celui-là ? Ne me dites pas que vous avez débauché un des huissiers de la chambre des députés : il en a tout à fait le profil !!! »

 

Rose-Aimée, au regard trop tendre pour que son autorité soit crédible :

« Veux-tu te taire, mon neveu !!! Nous parlerons de cela une autre fois !!! »

 

René, moqueur :

« Bien ma Tante… Mais qui est donc ce visiteur au prénom si bizarre ?!? »

 

Le visiteur qui venait juste d’être introduit dans le salon, parodiant le ton d’un tragédien :

« Bizarre, vous avez l’avez remarqué aussi ?

Une lubie de feu mon parternel, un homme admirable dont le principe de base se fondait sur une théorie : « chaque être humain doit se construire tout seul ».

J’ai essayé de mettre en pratique cette théorie : me suis hélas raté… »

 

Rose-Aimée :

« Vous êtes trop modeste, mon cher, car vous êtes le photographe le plus sollicité de Paris !

Votre statut est loin d’inspirer la pitié. »

 

Théophraste :

« Certes, mais il me faut travailler pour vivre, ce qui ne s’était pas produit dans ma famille depuis quelques générations… »

 

Rose-Aimée :

« Quelle époque vivons-nous, car dans quelques temps, nous en seront tous là !

Ha, ce XXème siècle ! Il ne me dis rien de bon.

Nous n’en n’avons même pas épuisé le quart, et déjà un million trois cents milles morts pour la France !

Et combien d’estropiés ?!?

Certes, nous avons effacé l’avanie de 1871 au travers de cette guerre mondiale. Nous avons récupéré l’Alsace et la Lorraine, prouvant que le « vaincu d’hier » pouvait devenir le « vainqueur de demain ».

Chaque combattant français tombé pour la Patrie se voit glorifié depuis le mois de novembre (1920), grâce à ce « soldat inconnu » dont la tombe n’est autre que l’Arc de Triomphe… Par le fait, nous avons redonné à notre armée le symbole de son prestige et son honneur par de prestigieuses funérailles !… »

 

Théophraste :

« Mais ?!?

Car il y a un   »mais », je suppose… »

 

Rose-Aimée :

« Vous lisez en moi comme un livre ouvert (elle sourit d’un air coquin) : ça en devient presque indécent !

Mon intuition, mon expérience, me disent qu’il ne faut pas mépriser à outrance un vaincu, car il vous le fait forcément payer un jour ou l’autre.

Mais je dois vous assommer avec mes discours, parlons d’autre chose…

Quel était donc l’objet de votre visite, ami de toujours ? »

 

Théophraste :

« Hum…

Je suis venu me changer un peu les idées, car ma fille Chimène a eu raison de la patience de mon dernier employé, qui a claqué la porte de mon magasin, comme tous les autres, d’ailleurs. »

 

Rose-Aimé :

« Sacrée Chimène, malgré son jeune âge : c’est une maîtresse femme…

Mais alors : quel carractère de cochon !!! »

 

Théophraste, désespéré :

« Ho-là ! Je désespère de la marier un jour.

Ma fille unique risque bien de terminer, et ça me désespère, vieille-fille… »

 

Rose-aimée :

« Quel dommage,

elle a pourtant hérité de la beauté et du charme de sa Maman, feu votre épouse. »

 

Théophraste, soupirant :

« Si elle avait pu hériter de sa timidité, ça m’aurait fait quelques vacances et je ne serais pas à la recherche d’un nouvel employé… »

 

Rose-Aimée, regardant en direction de René :

« Pour l’employé, je pense avoir l’ébauche d’une solution. »

 

Théophraste, une étincelle dans le regard :

« Diantre ?!?

Vous me sauveriez la vie, ma chère, et j’en serais votre éternel abonné !!! »

 

Rose-Aimée, tenant la main de René :

« Ce mien-neveu se trouve dans une situation on ne peut plus délicate et cherche du travail… »

 

Théophraste, dubitatif :

« Le fils d’un rentier opulent au service d’un humble artisant ?!?

Ce serait le monde à l’envers !!! »

 

René :

« Monsieur Théophraste : dites-vous bien que le fils de quelqu’un n’est personne en vérité, du moins tant qu’il n’a pas fait ses preuves  au sein de la société, en gagnant honnêtement son pain et son gite par le fruit de son travail, gagnant aussi son indépendance !

N’était-ce pas là cette théorie défendue avec tant de sagesse par Monsieur votre Père ? »

 

Théophraste, surpris :

« Assurément…

Bien…

Très bien…

Heu…

Si vous acceptez cet emploi, vous serez amené à recevoir des ordres, voire des remontrances (dans le pire des cas) de ma part, en qualité de simple employé :

en avez-vous conscience ? »

 

René :

« Croyez-vous pouvoir faire pire que ce que m’ont imposé les Jésuites pendant toutes ces années ? »

 

 

Théophraste :

« Fichtre non !!!

Reste à savoir si vous passerez…

L’épreuve ultime… »

 

Bientôt la suite de la 39ème partie : Actes 3 & 4 plus l’épilogue (de la pièce, non de ma saga familiale, qui est loin d’être terminée).

 

( 24 avril, 2012 )

Nineties : « Puisqu’il fallait bien continuer…(38ème partie)

« Les anges maudits, les comptables et le père prodigue…« 

Chapitre 36

Nineties :

« Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ?!? (3/6)« 

http://www.youtube.com/watch?v=wJJA9Jt1joE

 dans Et mes souvenirs deviennent ce que les anciens en font.

« Amour : si beau mais si cruel… »

 

 dans Saga familiale

 

Gaston à Joseph :

« T’as toujours pas répondu à ma question, ne crois pas t’en tirer comme ça mon coquin ! »

 

Joseph (alias Staline) :

« Quand tu t’es accroché sur le dos d’la bête, tu lâches jamais, toi ! 

Finalement, c’est pas « Einstein » qu’y z’auraient dû te donner comme nom de baptême à l’école, mais « le morpion »… »

 

Gaston, embrassant son poing fermé :

« Te gêne pas : continue à développer ta thèse sur mésigue avec ton rictus de babouin, ça va te porter bonheur.

Par contre, faudra pas t’étonner si ta mouquère, on l’appelle bientôt  »la veuve joyeuse » juste avant la remise des prix !!!

Mais dis-donc, en parlant de ça, je suis étonné qu’elle ne nous ait pas encore fait l’honneur de sa présence : le René, ça a toujours été son chouchou, pourtant ! »

 

Staline, un brin nostalgique :

« Elle est allée faire des courses… »

 

Gaston, dubitatif :

« Ha bon ?!? Et elle revient quand ? »

 

Staline :

« Ben… Sûrement pas tout de suite : ça fait quand même plusieurs semaines de c’t’ histoire…

Elle aurait oublié le chemin de la maison que ça ne m’étonnerait pas ! »

 

Gaston, compatissant :

« Ho pute borgne !!!

Désolé mon ami, je pouvais pas savoir…« 

 

Staline, mettant deux verres sur le comptoir et sortant une bouteille de blanc :

« Pas grave… Elle devenait de plus en plus casse-burne !

 Quand le domicile conjugal devient pire que la Chambre des Députés et que tu ne te prends plus à rêver « réconciliation » mais « sapin », c’est qu’il est temps de hisser la grand-voile avant qu’il y en ait un des deux qui joue les martyrs, pas au « champ d’honneur » mais au « champ du couple »…

Elle s’est fait la tengente avec un responsable d’une de nos cellules de Paris.

Et oui : « la capitale », y’a plus qu’ça qui les fait grimper au rideau, nos gonzesses…

Quand je pense à ce pauvre gars, finalement : je le plains !

Mais que tu veux : il était jeune… »

 

Gaston, n’en loupant pas une  :

« … Il était beau, il sentait bon le sable chaud…

Comme dans la chanson,

pas vrai ? »

http://www.youtube.com/watch?v=lyxqBfuo1CY

Staline, fronçant les sourcils :

« Ce que j’adore chez toi, c’est la subtilité de ta prose. »

Puis versant le nectare dans les verres :

« Le blanc, ça ce bois frais, alors : creuse mon gars, ça t’évitera de dire d’autres conneries ! »

 

Gaston, buvant une gorgée avec délectation : 

« Cré Diou ! Si on devait donner une définition de la perfection, ton Muscadet en serait la plus parfaite incarnation !!! »

 

Staline :

« C’est beau ce que tu dis !

Y’en a qu’ont le vin mauvais, toi t’as le picrate littéraire…

Moi aussi j’aimerais faire de belles phrases que je déposerais sur le papier, avec des mots bien écrits à la plume sergent-major, trempée dans l’encre violette (en évitant les pâtés), faites de pleins et de déliés.

Ha, si j’avais ton inspiration spontannée et que j’étais sorti de l’école autrement qu’à coup de pied au cul,  je ferais un roman…

Pourquoi pas celui de cette femme qu’apparemment René connait très bien, ce qui a l’air de te contrarier… »

 

Gaston :

« Je suis pour la paix des ménages, et je ne crois pas qu’Alice apprécierait le tableau !

Alors accouche : c’est qui  cette nana ?!? »

 

Blaise, ne voulant pas être trop indiscret vis à vis de Chimène et René qui s’étaient enfermés dans leur « bulle », avait rejoint Gaston et Staline au comptoir, ce dernier lui servant un verre de Muscadet et lui disant :

« Je pense que de nous tous, tu es le plus qualifié pour nous narrer l’histoire de Chimène… »

 

Gaston, surpris :

« Parceque tu la connais ?!? »

 

Blaise :

« Ha ben je veux, ouais !!!

« La veuve noire », ça te dit rien ?!?

C’est elle qui était notre chef de groupe dans la résistance… »

 

Gaston :

« Veuve Noire, rien que ça ?!? »

 

Blaise :

« Crois-moi, ce surnom n’étais pas usurpé, car à elle seule, elle a fait plus de victimes chez les schleuhs qu’une division de panzers dans nos lignes !!!

Elle n’avait peur de rien, et c’est bien ce qui nous foutait les jetons… Comme si à chaque mission, elle souhaitait ne jamais en revenir.

Elle s’est fait serrée par la Gestapo en 44, suite à une dénonciation.

 

Je peux te jurer qu’ils ne lui ont pas fait de cadeau…

Malgré ça, elle n’a jamais moufté !!!

Ils l’ont envoyé d’abord à Drancy, avant de l’orienter à Auschwitz où elle n’a été libérée par l’armée rouge que le 27 janvier 1945, dans un état de maigreur qu’on ne peut imaginer… Son crâne était rasé, elle qui était si fière de ses longs cheveux roux…

Personnellement, on était plusieurs à se douter que seul un chagrin d’amour pouvait expliquer que sa propre vie ait si peu d’importance, pour qu’elle la mette constament en danger…

Elle avait plus de burnes que nous, crois-moi !!!

Lorsqu’elle a vu le premier soldat russe libérateur si blond, si jeune, si beau, si grand et vigoureux, elle s’est jetée dans ces bras !

C’est con la vie, parfois : elle n’ai jamais su ce qu’il était devenu…

Et c’est pas faute d’avoir cherché !!! »

 

Gaston :

« Celui qui, à l’origine, lui aurait brisé le coeur : serait donc René ? »

 

Staline :

« Faut croire l’ami : ça me les coupe autant que toi autant que toi !

Regarde l’expression de leur visage : ces deux-là ce sont aimés où je ne m’y connais pas… »

 

Gaston, admiratif mais embarrassé :

« Sacré René… Il n’a pas fini de m’étonner celui-là !

Lorsque je l’ai vu débarquer  en quarante avec sa femme, sa fille et les valises à la main, il semblait avoir la vie de « Monsieur tout le monde ».

Dire que c’est Alice qui m’a demandé d’emmener son René pour lui changer les idées, lui qui était si morose…

Ben c’est réussi, les copains !!! »

 

Blaise :

« Tu pouvais pas deviner, mon poto.

« Monsieur tout le monde », c’est un guss comme nous qui s’est acheté une conduite.

Il traine souvent une ou deux valoches dans laquelle vaut mieux éviter de piocher !

Apparemment celle-là, elle viens de te péter à la gueule… »

 

Gaston :

« Joseph, amène du papier, de l’encre violette et ta plume sergent-major : le Blaise se sent inspiré, ce serait dommage de pas « immortaliser » !!! »

 

Staline, dévisageant Gaston :

« Heu… Tu serais pas un tantinet surmené, l’ami ?… »

 

Gaston, regardant René et Chimène  :

« Non, je somatise,

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comme disait le vieux Sigmund ! »

 

Staline, faisant la grimace :

« Laisse tomber !!! Ce qu’il a pu en dire comme connerie celui-là…

Parlons de choses sérieuses !

Je taperais bien une petite douzaine d’huitre, moi… Pas vous les vieux gars ?!? »

 

Blaise, faisant un clin d’oeil à Gaston :

« Ben… On m’a toujours dit que c’était malpoli de refuser : pas vrai ? »

 

Gaston, jouant le jeu :

« On va prendre sur nous… On voudrait surtout pas vexer !!! »

 

Staline, soupirant et levant les yeux :

« Pfff ! Y’a des fois, je me demande si vous me méritez !!! »

Il se retourne vers la cuisine :

« Marceline, mon petit, tu tiens la caisse : mes amis et moi, on a une conférence au sommet ! »

 

Une splendide créature apparut, s’installant derrière le comptoir…

Marceline :

« Bien M’sieur Joseph ! »

Gaston, estomaqué :

« Où as-tu trouvé cette merveille ?!? »

 

Staline :

« Vous feriez bien de fermez vos bouches avant que les mouches ne viennent y passer le reste de l’hiver, Messieurs !!!

Après le départ de ma moitié, tellement dégoûté et déçu de la race humaine, je m’apprétais à faire une grosse connerie.

Parceque, j’ai beau faire le malin, mais quand y’a plus eu de femme dans ma maison, ça m’a fait un sacré vide…

Non pas parceque tu dois te taper le ménage, mais précisément parceque tu n’as plus de ménage, et tu te retrouves là comme un con, à espérer entendre sa voix, même si elle gueule…

 

Gaston, peiné, mettant la main sur l’épaule de Staline :

« T’as voulu t’foutre en l’air, mon gars ?!? »

 

Staline, après un bref silence :

« C’est au moment où je me demandais si j’aurais le courage de le faire que cette petite est arrivée de nulle part, frappant à la porte du bar !

Elle n’avait plus de parents, plus d’argent, elle avait froid, elle avait faim…

Je l’ai chauffée, nourrie, je l’ai écouté parler de sa vie qui avait tout pour inspirer notre bienfaiteur Emile Zola !!!

En la mettant près du feu, c’est moi que je réchauffais…

En lui donnant à manger, c’est moi que je nourrissais…

Cette petite, sans le savoir, m’a redonné le goût de vivre ! »

 

Gaston :

« Excuse-moi d’être indiscret, mais cette petite partage-t-elle tes sentiments ? »

 

Staline :

« Je l’espère… On verra bien ! »

 

Gaston :

« Je te le souhaite de tout coeur, mais nous arrivons à des âges où il faut être lucide : il y a un monde entre le « grand amour » et la « reconnaissance »…

Enfin, la prochaine fois que tu as envie de te foutre en l’air, passe à la maison avant ! On se bourrera la gueule et je tâcherai de te faire oublier tes chagrins !!! »

 

Staline, ému, servant une assiette d’huitre à chacun :

« Décidément, t’es un bon gars le Gaston, et ça fait chaud au coeur d’avoir un ami comme toi ! Même si avec René, vous êtes des casse-couilles de première… »

 

A suivre…

( 9 avril, 2012 )

Nineties : « Puisqu’il fallait bien continuer… » (37ème partie)

« les anges maudits, les comptables et le père prodigue…« 

Chapitre 35

Nineties :

« Qu’est-qu’on attend pour être heureux ?!? (2/6)« 

http://www.youtube.com/watch?v=jxK2-MMQ9TE&feature=related

 dans Et mes souvenirs deviennent ce que les anciens en font.

« …Un fantôme nommé Chimène… »

 

 dans Saga familiale

 

« J’y crois pas : Staline a encore viré Karl Marx !!! »

Ainsi parlait Gaston à René, stoppant la Traction Avant dont le toit était martelé par la pluie normande, devant le café du port…

 

René :

« Dis-donc mon petit Gastounet, je n’osais pas te le dire jusqu’à maintenant, mais le petit blanc du matin : faudrait peut-être que tu songes à y renoncer : tu tiens des discours de moins en moins rationnels ! »

 

Gaston :

« Dis tout de suite que je deviens bredin !!!

N’empêche que c’est bien le pauv’ Blaise, que ce couillon de Staline a surnommé  »Karl Marx » à cause de sa barbe et de sa jactance, qui se caille des meules sous le auvent… »

 

René :

« Mais t’as raison !

C’te fi de garce, y va m’entendre…

Cette fois-ci, ça va lui souffler dans les bronches !!! »

 

Gaston :

« Tu l’as dit bouffi, on va être deux dans l’affaire… »

 

Ils sortirent précipitamment de la voiture.

René fit une glissade sur les pavés mouillés mais réussit à rétablir son équilibre de justesse, n’oubliant pas de jurer comme un charretier au passage.

 

Gaston, plié de rire,  relevant un Blaise tremblant mais également hilare :

« Je critique pas la chorégraphie, c’est une nouvelle école qui fera sûrement date…

J’te dis ça mais c’est pas trop mon domaine !

Par contre, point de vue « vocalises », si tu veux avis, mon p’tit gars :

y’a encore du taf avant d’intégrer « L’Opéra de Paris »!!! »

 

Blaise :

« Hé bé  : avec une concurrence pareille, Serge Lifar : l’a qu’à bien se tenir… »

 

Gaston, vexé, ouvrant la porte et entrant dans le café :

« Bande de cons !!! »

 

Joseph, alias Staline, derrière le comptoir :

« C’est agréable : t’as dû encore te lever du pied gauche, toi !

C’est chez les curtons qu’on t’as appris à dire bonjour comme ça, dis ?!? »

 

René, pointant du doigt Gaston et Blaise qui se pinçaient les lèvres pour éviter le fou-rire :

« Salut Joseph, bonjour les gars, c’est pas à vous que je causais mais aux deux branques, là !

Le Christ avait sa croix, moi, j’en ai deux pour le prix d’une avec une engeance pareille, à croire qu’ils font des prix là-haut… »

 

Staline, parlant de Blaise :

« Dis-moi qu’tu m’as pas fait ça !

Tu m’as ramené c’te cataclysme ambulant…

Je venais juste de virer ce sac à puces à coup de latte dans l’oignon !!! »

 

René, regardant Staline droit dans les yeux :

« T’as pas honte de parler d’un des fils de ta révolution prolétarienne comme d’une sombre bouse et surtout, ce qui est le plus grave : de le laisser attraper la mort comme un chien ?!?

Je sais pas ce qu’il a pu sortir comme nouvelle connerie pour fâcher les membres de ton  »politburo », mais c’est pas des belles manières !!! »

 

Staline, fronçant les sourcils :

« Tu commences à me chauffer les oreilles avec tes leçons de morales ! »

 

Gaston, avec à son bras le pauvre Blaise grelottant :

« Avant de commencer votre concours de baffes, Messieurs, est-ce qu’on pourrait caresser l’espoir d’obtenir un petit viandox bien chaud pour un camarade nécessiteux ?… »

Il fait signe à trois gus de libérer un peu d’espace autour du poil en ponctuant par:

« Mes Seigneurs, si c’était un effet de votre bonté de nous faire une petite place… »

 

L’un des trois, l’air complètement abruti :

« Et pourquoi qu’on se pousserait ?… »

 

Gaston :

« Tout simplement parcequ’un prolo (un des vôtres, à moins que ça n’ait changé récemment !) est en train de se choper la crève et qu’on vous le demande gentiment !!!

Maintenant, si faut que j’sous-titre :

caltez volailles !!! »

 

Staline, inquiet :

« Je ne suis pas persuadé que c’est la bonne technique pour communiquer avec ces trois-là !

Ils font partie de la cellule du Havre…

Ce ne sont pas des tendres et le second degré : je doute qu’ils connaissent ! »

 

René :

« Ca tombe bien, moi non plus…

Pour jacter avec ce genre de bestiaux avec espoir de retour, faudrait déjà qu’ils arrivent à bouger la tête sans qu’ça fasse un bruit d’évier ! »

Puis, s’adressant aux trois protestataires qui se retournaient de son côté, le regard hostile :

« Quelque chose qui vous gêne, les conventionnés ?!? »

 

Les trois se levèrent puis se dirigèrent vers René (permettant à Gaston et Blaise de s’installer près du poële); le plus costaud d’entre eux dit :

« Qu’est-ce qu’y t’ont fait les conventionnés ?!? »

 

René :

« A titre personnel, rien… »

 

Le costaud :

« Alors, qu’est-ce que tu nous reproches ?!? »

 

Gaston à Blaise, qui soufflait sur son viandox :

« Tu ferais bien de l’boire sans tarder…

Quand le René commence à causer théologie ou idéologie (enfin : une de ces conneries qui se terminent en « ie ») : ça sent le replis stratégique à brève échéance ! »

 

René, arborant un sourire ironique :

« Sortez vos cartes, Messieurs, ne soyez pas timides :

carte-livre-1947

tout y est expliqué en détail… »

 

Le costaud :

« Je vois toujours pas ! »

 

Staline, suppliant :

« René, s’il te plait : tu vas pas remettre ça… »

 

René, au costaud :

« Passer de « l’impérialisme du capital » de l’Oncle Sam à la « dictature stalinienne du prolétariat » : quelle promotion pour celui qui a toujours été sur le bas du pavé… Enfin, celui qui a réussi à survivre à certaines  »purges », si tu vois ce que je veux dire !

Faut avoir un certain aplomb, quand j’y pense, pour prétendre parler de « liberté » du fond de vos cellules !!!

De plus : causer fraternité et camaraderie autour d’un poële le cul bien au chaud, quand l’un de vos compagnons de misère meurt de froid sans que vous n’ayez la moindre compassion pour lui, personnellement, ça m’donne l’impression qu’ y’aurait comme de la relance sur la gelée de coing dans la balance qui oppose « doctrine et crédibilité » !

Non mais, regardez-vous, pitoyables que vous êtes, embourbés dans vos contradictions !!!

Je dis « contradictions » pour ne pas trop vous faire de peine, les gars, car les trois premières lettres suffisent amplement pour définir ce que je pense de vous et vos clones… »

 

Staline, de plus en plus angoissé (il venait de vieillir de dix ans !) et commençant à planquer sa vaisselle :

« Ho là-là !!! »

 

René, réattaquant :

« Ceux qui ont un minimum de gingin le savent depuis le début :

si on pense pour vous, c’est parceque vous êtes incapables de le faire par vous-même…

Finalement, tout est bien dans le meilleur des mondes pour le despote qui vous manipule et qui se tape sans vergogne du champagne toutes les nuits, quand vous n’avez même pas de quoi vous payer une vulgaire piquette !!! »

 

Le costaud :

« J’vais me l’faire l’asticot qui nous traite de clown !!! »

 

René :

« Plus c’est grand, plus c’est con…

Pauvre bille : j’ai pas dit « clown » mais « clone » !

Et sincèrement, je préfère le premier au deuxième, car lorsqu’il fait rire, il l’a fait exprès et avec beaucoup de talent !!!

Vos « clones », eux, sont tellement ridicules, qu’ils en deviennent effectivement risibles à leur insu ! »

 

Gaston, à Blaise :

« Si j’avais su, je serais venu avec ma pelle de chantier, moi !

Enfin : on va faire avec c’qu’on a sous la main, les chaises ont l’air solide, c’est toujours ça d’ pris… »

 

Blaise ayant bu son viandox, s’essuyant la moustache et la barbe :

« A trois contre trois, ça va changer un peu la donne, parceque j’en suis les vieux gars !!! »

 

Du fond de la salle, une voix féminine rompit le calme qui devait techniquement précéder la tempête :

« Benoît, tu sais pourquoi nous sommes là, alors tu dégages avec les deux camarades sans faire de scandale !!! »

 

A la surprise générale, Benoît (le costaud) fit signe à ses deux acolytes de le suivre, paya les consommations et sortit sans protester, tandis que Staline poussait un soupir de soulagement…

 

Staline, s’essuyant le front :

« Ben ça alors !!! »

 

René, décontenancé :

« Cette voix, ce n’est pas possible !

Chimène, c’est toi ?!? »

 

Chimène :

« Non : c’est Sisi l’impératrice, pauv’ pomme… »

 

Il y eu un long silence, René semblant tétanisé…

Il lui revenait soudain des images dans sa tête,

celui d’un passé qui lui revenait en plein coeur.

 

René :

« Ca fait combien de temps, cette histoire ?… »

 

Chimène :

« Fait le calcul, mon grand :

1925, avant ce fameux bal… »

 

René, de plus en plus troublé :

« Mais ?!?

Et que fais-tu dans ce gourbi ? »

 

Staline, vexé :

« Ho dis, hé !!! »

 

Gaston :

« Laisse Joseph !

Tu sais bien  que notre René n’a pas le fond méchant… »

 

Staline :

« C’est pas « le fond » qui me pose problème chez lui, mais « la forme » parfois, si t’as bonne mémoire ! »

 

Gaston, observant contrarié Chimène et René :

« Ho que trop !…

Heu… C’est qui cette femme ?!? »

 

A suivre…

( 13 mars, 2012 )

Nineties : « Puisqu’il fallait bien continuer… » (36ème partie)

« Les anges maudits, les comptables et le père prodigue…« 

Chapitre 34

Nineties :

« … Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ?!? (2/6)« 

http://www.youtube.com/watch?v=puc3e83fmBU

Les%20copains%20d'abord2 dans Et mes souvenirs deviennent ce que les anciens en font.

« Gaston, René, les jeunes copains si prometteurs du vieux Lazare et les autres… »

 

 dans Saga familiale

 

« Y’a pas à dire : même avec ce temps de vérole, la mer c’est toujours aussi bath ! »

Ainsi parlait Gaston à son ami René, qu’il avait enfin réussi à extraire de cette profonde tristesse qui était la sienne depuis de départ d’Isabelle, prétextant d’avoir besoin de son aide pour transporter le ravitaillement du soir et l’ayant embarqué dans sa bonne vieille Traction Avant Citroën.

Les deux longeaient la Manche en suivant cette route qui était devenue, dans les esprits d’un Peuple à peine sorti de son traumatisme, le guide du  »patrimoine de l’histoire de France » et surtout du « Monde Libre ».

Ces plages qui avaient accueilli le débarquement salvateur, trempées de la pluie hivernale de ce 31 décembre 1947, n’appartenaient déjà plus à la Normandie mais au reste de l’Humanité, qui ne cessera dès lors d’y effectuer chaque année des pèlerinages au nom du « plus jamais ça ! »…

René, dans un soupir rythmé inconsciemment sur le léger couinement de l’essuie glace :

« Dis-moi mon bon Gaston, en singeant la « nouvelle vague » dont tu utilises le vocabulaire : tu nous f ‘rais t’y pas un petit retour d’âge, ma poule ? »

 

Gaston, le sourire compatissant :

« Ho ! Toi, t’es de nouveau  »chagrin » à c’t'heure…

A toutes fins utiles, j’te signale que la marmaille ne dit plus « bath »

mais « swing » !

C’est comme qui dirait l’conflit des générations qui se perpétue, avec la bénédiction des amerloques.

Ils se sont invités dans le débat et m’est avis qui z’ont  pas fini d’faire des entailles dans notr’ culture, ces oiseaux-là :

k’ek’ t’en pense ma denrée ? »

René :

« Dis-toi bien mon brave « Gastounet » qu’avec tout ce qui m’est arrivé sur le paletot, ça fait un moment que je ne pense plus : ça me fatigue !!!

Mais pour revenir à ton sujet, je suis assez d’accord avec toi.

Tu me permettras cependant de mettre un « léger » bémol à ton entousiasme, au nom de tous ceux qu’on a envoyé se faire repasser « la fleur à la sulfateuse » :

la mer, c’est beau, mais exclusivement en temps de paix, et c’est pas les Tommy qui te diront le contraire ! »

http://www.youtube.com/watch?v=EchU-2S4SwA&feature=fvst

 

Gaston :

« T’es philosophe !!! »

 

René :

« A mes heures…

Dis-donc, vieux gars :

au lieu de te payer ma fiole, dis-moi ce qu’on est venu chercher à matin »

 

Gaston :

« Ben, je me suis dit que pour le nouvel an : quelques boutanches et un bon traitement à base d’iode, ça nous f’rait pas d’mal aux boyaux !

Z’ont dit à la T.S.F. que pour survivre à une guerre atomique (et c’est ce qui nous pend au nez dans les prochaines années quand les ruskovs auront chouravé le mode d’emploi !), y’a pas meilleur remède…

Alors ni une ni deux : j’ai commandé un bon plateau de fruits de mer chez « Staline » !

Paraît qu’y nous attends de pieds ferme, heu l’gars … »

 

René « faussement » naïf :

« Ha ben ? T’aurais dû me le dire plus tôt : j’aurai prévenu ma p’tite Alice que je s’rai pas rentré ce soir, mis ma plus belle cravatte et emmené du rechange, parceque Moscou, c’est pas la porte à côté à c’qu’on m’a dit !

Et pour le carburant : t’as prévu suffisamment de jerricans ?!?

(Il fait semblant de chercher)

Ils doivent être dans l’coffre : j’les vois pas ! »

 

Gaston,  »faussement » consterné :

« T’as oublié de prendre ton tilleuil cette nuit ou bien ?!?…

On va chez  le Père « Jojo », couillon : notr’ vieux pote qui tient le café sur le port ! »

 

René :

« Hé-hé, c’est pourtant vrai : ce bon Joseph !

Quand je pense qu’il est tellement « coco » qu’il a applé sa turne  »Le Potemkine » : fait le faire !!!

Du point de vue local, j’connais des autochtones qu’ont pas fini de développer des ulcères à l’estomac, et sans regarder bien loin : nos camarades socialos du Conseil Municipal, pour ne parler que d’eux.

Heu… La tronche des Tommy à la prochaine commémoration : je ne louperai ça pour rien au monde ! »

 

Gaston :

« Pfff ! Tu sais, moi : la politique…

A ce propos : si tu pouvais éviter de froisser la suceptibilité des clients de Jojo, ce s’rait sympa pour nos abattis !

Parceque la dernière fois, avec son sens inné de la répartie : on a frôlé la troisième guerre mondiale !!! »

 

René, levant les yeux au ciel :

« Ha ! Ses clients ?!?

Tu veux dire sa milice, oui…

Excuse-moi de te demander pardon, mais je l’ai mis suffisamment en veilleuse pendant quatre longues années pour ne plus  me laisser marcher sur les arpions, encore moins par ces apprentis dictateurs qui font passer « la doctrine » avant le patriotisme !!! »

 

Gaston, fronçant les sourcils :

« Et c’est reparti !

Bon, tu fermes ton clapet : on arrive… »

 

 

Au même instant à Paris, Monsieur Lazare, le voisin retraité ami d’Isabelle et Barnabé, les recevait dans sa modeste mansarde. Entre deux souvenirs, il rendait hommage à Tristan Bernard qui avait eu la mauvaise idée de tirer sa révérence quelques jours plus tôt, le 7 décembre à 81 ans, en déclamant un de ses traits d’esprit avec émotion :

« Peut-être que je serai vieille,

Répond Marquise, cependant

J’ai vingt-six ans, mon vieux Corneille,

Et je t’emmerde en attendant. »

 

Barnabé, hilare :

« Pauvre Corneille, il aura été assassiné deux fois dans cette histoire…

Dommage que Tristan Bernard n’ait pas été compositeur : il aurait pu mettre tout ça en musique ! »

http://www.youtube.com/watch?v=CDG9lW8M72k

 

Le vieux Lazare :

« Cela viendra, et peut-être plus vite qu’on ne pense.

J’ai parmi mes connaissances par mal d’artistes en devenir, férus de musique et de littérature, qu’une telle idée pourrait séduire. Un en particulier aurait le talent pour le faire.

Il faudrait que je vous présente…

C’est un personnage très sauvage, assez bourru, profondément anticlérical et anarchiste.

Malgré tout cela,  Georges (c’est ainsi qu’il se prénomme) gagne à être connu, à défaut d’être « reconnu »…

Car il s’obstine, l’animal, à vouloir faire une carrière d’écrivain, ce que je trouve dommage !

Certes, il a un beau brin de plume mais personnellement,  je le ressens plutôt comme un poète…

Il a composé quelques chansons très agréables à l’oreille mais cet olibrius ne cesse de répéter que la chanson n’est qu’un art mineur !!!

Un public capable d’écouter et d’apprécier  un tel artiste ne sera jamais mineur, sa remarque est donc complètement idiote !

Ho ! Il n’a que vingt-six ans, l’avenir lui appartient encore, souhaitons qu’il trouve sa voie, et qu’on puisse entendre sa voix, qu’il a très belle du reste…

 

Isabelle :

« Pour revenir à Corneille, il semble qu’il ait fait du temps qui passe une sorte de délire obsessionnel.

Dans « Le Cid », il n’était âgé que trente et un ans lorsqu’il écrivit :

« Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemmie !

N’ai-je donc vécu que pour cette infamie ?

Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers

Que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ? »

 

Le vieux Lazare :

« C’est le problème des tragédiens : ils ne voient que le côté obscur et torturé des choses.

En fait, leur vie n’est qu’une longue agonie… »

 

Barnabé :

« Finalement, avec des gens de cet acabit, pas besoin de fusils ni de bombes. On les aurait envoyé au Front de l’Est, les soldats allemands se seraient tous suicidés pour échapper à cette promiscuité ! »

 

Le vieux Lazare, le regard pétillant :

« Décidément, vous me plaisez de plus en plus, jeune homme…

Soyons fous mes amis…

Ce soir, je vous invite tous les deux à réveillonner avec moi : je vous montrerai la Capitale telle que vous ne l’avez jamais vue, ce « Panam » où se terrent les artistes qui feront le monde de demain : celui qui sera le vôtre, chanceux que vous êtes !!! »

 

Barnabé, surpris :

« On ne voudrait surtout pas vous déranger ! »

 

Le vieux Lazare :

« Allons-allons : laissez-vous faire mes enfants, ça me fait plaisir !

Par contre, si on croise en route

un certain Léo (Ferré),

évitez de lui parler de votre Martinique natale, surtout en ce moment !

 

Barnabé, intrigué :

« Ha bon ?!? »

 

Le vieux Lazare :

« Je vous expliquerai… »

A suivre…

 

( 22 février, 2012 )

Nineties : « Puisqu’il fallait bien continuer… » (35ème partie)

« Les anges maudits, les comptables et le père prodigue…« 

Chapitre 33 :

Nineties :

« …Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ?!? (1/6)« 

http://www.youtube.com/watch?v=MbyEp3L96Q8

 dans Et mes souvenirs deviennent ce que les anciens en font.

« Boulevard des insomnies… »

 dans Saga familiale

 

Barnabé avait réussi à bouger légèrement son épaule, qu’une bonne centaine de fourmis virtuelles parcouraient sans vergogne.

Contrairement à Isabelle dont il avait déplacé la tête avec une extrême délicatesse aidé de ses bras imposants, il ne dormait toujours pas.

C’est alors qu’une des plus grandes énigmes de l’univers vint s’imposer à son esprit, résumée par cette question existentielle que se posent une majorité d’hommes vivant dans l’Hémisphère Nord depuis la nuit des temps, lorsque l’amour de leur vie vient se blottir contre leur corps :

« Mais pourquoi, dans cette sacrée métropole, les femmes ont-elles les pieds si froid, bon Dieu ?!? »

Il avait eu un élément de réponse donné par l’une de ses conquêtes :

« Mais, mon ami, si nous n’avions pas besoin de nous servir de vous comme « bouillotte » pendant les longues soirées d’hiver, quelle serait votre utilité dans ce bas monde ?… »

Ha, les femmes françaises, elles prennaient de plus en plus d’assurance aux abords des années cinquante, inflencées par les petites nièces de l’Oncle Sam, que l’on pouvait observer dans les films venus de ce  »nouveau monde » qui submergeaient nos salles de cinéma (une des compensations exigée par le plan Marshall, sujet que nous traiterons un peu plus en détail ultérieurement) … Et par les initiatives politiques à leur égard de  »Tonton Charles », le  »gardien du temple France », dont la haute silouhette au service de l’histoire les faisait fondre et entretenait une bonne patrie de son electorat !

« Tonton Charles », mais c’est pourtant vrai !!!

Que devenait-il celui-là ?!?

Cela fera bientôt deux ans au mois de janvier 1948 qu’il avait claqué la porte, en désaccord avec les communistes, concernant la nouvelle constitution.

Et puis cette réduction des budgets militaires de 20% pour cause de crise lui avait fait comme un électrochoc. En effet : les français, et d’entre-eux les politiciens, avaient-ils si peu de mémoire pour oublier les causes de  »l’affront » en cette sombre année 1940 ?!?

A Bayeux (Normandie), dans un discours resté célèbre en ce 16 juin 1946, il exposa sa conception de l’organisation politique, incarné par un Etat Démocratique fort…

Mais le Peuple, probablement encore traumatisé par le souvenir du rythme des bottes allemandes sur nos pavés en 40, ne l’avait pas suivi sur ce dossier trop ambitieux, lui qui ne voulait que sortir de la crise tout en pansant ses plaies .

Pourtant, l’année suivante, le RPF (rassemblement pour le peuple français) nouvellement créé par le général avait obtenu 35% des suffrages aux municipales, ce qui constituait un succès électoral non négligeable…

Bah, il reviendra bientôt, à n’en pas douter !

Ce peuple si frileux aujourd’hui à qui il avait redonné l’espoir dès les premiers jours de l’occupation lui devait au moins ça, non ?!?

 

A cet instant précis, son beau-père René distant de plus de deux cents kilomètres, n’arrivait pas non plus à dormir, contrairement à son épouse Alice…

Lui, ce n’était pas à De Gaulle qu’il pensait,

mais à Léon Blum,

qui avait donné sa démission un an après le bon Charles pour laisser à la Répubique le soin de faire naître son quatrième enfant, avant de profiter d’une retraite bien méritée !

1936,  le Front Populaire, c’était lui : espoir d’une vie meilleure dans un monde qui semblait oublier qu’un ouvrier était autre chose qu’un outil qu’on prend et qu’on jette.

Certains voulurent ignorer que sous leur carapace mise à rude épreuve,

battait le coeur d’un être humain…

Tuer ses espoirs en son sein, c’était tuer ce qu’il restait de l’humanité sur cette planète meurtrie !!!

Il fallait donc bien qu’un jour, d’entre eux, les humains se réveillent, lassés des rectrictions qui avaient toujours cours en 1947.

Paris avait été libéré de ses oppresseurs trois ans plus tôt mais les tickets de rationnement étaient toujours en vigueur.

Lorsque ces bons technocrates qui constituaient le Cabinet Ramadier décidèrent de réduire la ration quotidienne de pain de 300 à 250 grammes, c’en fut trop !!!

Combien de temps encore avant de reconstruire une économie, sans que ce soit systématiquement sur le dos du prolétaire, la race la plus vulnérable de ce système capitaliste ?!?

Combien de temps encore avant de laisser au  »bas peuple » la possiblilité de pouvoir manger à sa fin quand les élus, eux, se baffrent sans vergogne ?!?

Combien de temps encore les classes laborieuses allaient-elles subir l’épreuve des files d’attente, où se glissent toujours quelques passe-droits, rappelant les pires heures de l’humiliation qui furent celles d’une nation vaincue à cause de l’incompétence de ses dirigeants,ceux-là même qui n’avaient que faire d’envoyer à l’abattoir de pauvres hères qui ne savaient même pas se servir de ces vieux fusils presque rouillés hérités de 14, à l’image de ces uniformes rafistolés ridicules dont on les avait parés ?!?

C’est en avril 1947 qu’une grève vit le jour à la régie Renault, agravée en septembre par la dénonciation du plan Marshall par le « Kominform », parti communiste international.

Si l’on peut reprocher à Blum le laxisme qui facilita la défaite de la France en 1940 et son inertie dans la guerre d’Espagne (qu’on pouvait expliquer par son statut de juif engendrant les menaces et pressions qui en découlèrent, via les ligues d’extrême droite de l’époque), il fut quand même celui qui négocia l’annulation de notre dette auprès des Etats-Unis après la guerre, ce qui nous délivra d’un poids économique considérable.

D’accord, nous fument submergés en compensation de productions hollywoodiennes en masse dans nos salles obscures, mais n’était-ce pas un moindre mal ?

Chacun pouvait croire qu’avec l’armistice de 1945, les peuples pouvaient vivre en paix.

Hélas, ce ne fut l’arbre qui cacha la forêt…

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L’Allemagne nazie ayant été vaincue laissa la place à deux superpuissances qui  entamèrent ce que l’on n’osa pas nommer « la troisième guerre mondiale »…

Ainsi, les grèves qui prirent naissance à un niveau local furent récupérées par le parti communiste, avec la bénédiction de Staline, trop heureux de se servir des revendications des classes laborieuses européennes pour faire barrage à leur concurrent direct : les Etats-Unis, dont le plan Marshall n’était autre qu’une stratégie visant à combattre le communisme !

Truman, qui avait succédé à Roosvelt, avait tout compris lorsqu’il déclara  :

« La misère fait le lit du communisme. »

N’était-ce pas là les prémices de ce que l’on appellera ensuite « La guerre froide » ?!?

 

René se parla soudain à lui-même :

« Bon sang ! Dire que je réfléchis à tout ça, tandis que d’autres dorment, ce qui est logique à cette heure de la nuit…

Et celui qui m’a pris ma fille, ce cauchemar bien vivant contre lequel je ne peux rien : dort-il à cette heure ? »

 

Et non il ne dormait toujours pas, contrairement à

Isabelle,

celle qui avait changé sa vie.

Tellement sereine, elle n’en était que plus belle…

 

A suivre…

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