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( 31 août, 2013 )

Diana.

31 août 1997, je m’en souviens comme si c’était hier, et pourtant, il s’est passé seize années depuis…

 

Tout cela était parti de quoi ?

Ha oui !

Ton histoire commença comme un conte de fée mais devint vite un cauchemar,

Diana. dans Chronique du temps qui passe...

Ô Diana si belle, mais si désespérée…

 

Le treizième pilier de ce tunnel situé au dessous de la place de l’Alma à Paris devait signer ton arrêt de mort.

Nous nous sommes également arrêtés de respirer, notre peine ne faisait qu’une avec celles des Britanniques, ennemis de jadis, frères d’aujourd’hui…

Lorsque le convoi emporta ton enveloppe charnelle sans vie jusqu’à l’aéroport, le Peuple de Paris (et tous ceux venus d’autres régions) te fit une haie d’honneur, au silence qui força le respect,

 dans Et mes souvenirs deviennent ce que les anciens en font.

même de celui qui ne te méritait pas !

 

La Maison Royale ne compris pas tout de suite l’impact de l’événement, et mal lui en pris, car on vint des quatre coins du Monde pour te rendre un dernier hommage, encerclant le palais et campant sur place.

 dans Hommages et coups de gueule !

Diana : tu étais devenue un mythe…

 

J’étais de garde ce week-end au Centre, dans mon service de gériatrie. Pendant le repas du midi, toutes les télés étaient allumées pour les obsèques de la Princesse : là aussi, régnait ce silence impressionnant. Ce n’était plus celui de deux Nations, le deuil était devenu « planétaire » !!!

 

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Cet épisode douloureux est le thème de l’excellent film de Stephen Frears,

« The Queen », sorti en 2006.

 

Quoi qu’il en soit, tu demeureras notre Princesse,

 

 

celle de nos cœurs…

( 19 août, 2013 )

Des vacances d’été qui fredonnent « Hulot »…

Le temps passe trop vite, surtout le mois d’août quand on est en vacances…

Depuis 1936, quelle que soient la conjoncture, quelle que soit l’époque, qu’on soit riche ou pauvre, elles sont tout ce qui reste des acquis de nos anciens : cette parcelle de bonheur à laquelle aujourd’hui on s’accroche entre deux galères, entre deux stress !!!

 

Des vacances d'été qui fredonnent

Jacques Tati, alias Mr Hulot les abordait avec son âme de poète…

Dans les années 50, pas de crédit. Pour les familles modestes, « il fallait faire attention quand on avait payé le prix d’une location » (comme dans la chanson de Jonasz).

On ne payait pas les routes, le prix du litre d’essence était insignifiant, les véhicules n’étaient pas cul-à-cul (il n’y en avait pas encore assez), seules les gares étaient engorgées.

 

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Une autre époque…

( 3 août, 2013 )

Elle dort à jamais notre enfance…

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Elle dort à jamais notre enfance... dans Chronique du temps qui passe...

Barbara (1930-1997)

 

Bien sûr, l’idéal serait de laisser son passé derrière soi, de profiter de l’instant présent et ne regarder qu’en direction du futur…

Heureux celui (celle) qui peut le faire : moi, je n’y arrive pas !

Cela s’explique par le fait que je trouve le présent aussi consternant que les perspectives d’avenir. Je me sers donc du passé pour « faire diversion », mais comme il est dit dans la chanson, cela peut-être douloureux.

 

Et pourtant, si je devais avoir du chagrin, l’objet en serait plutôt ce que j’observe autour de moi dans un quotidien où je n’ai plus ma place, non le passé qui ne reviendra plus…

 

 dans Et mes souvenirs deviennent ce que les anciens en font.

 

Aujourd’hui, des millions d’automobilistes sont pare-chocs contre pare-chocs , faisant du deux à l’heure sur ces autoroutes qui leur coûte la peau du cul !

Entassés les uns sur les autres le restant de l’année, les parisiens s’exportent en masse (avec leur valise de stress) pour en faire de même dans les hôtels, les locations, les campings, les commerces et les plages.

Dans chaque habitacle de tôle, autant de solitudes !

Les enfants à l’arrière, casque aux oreilles relié à l’incontournable iPhone…

Madame, qui envoie des sms à des amies et collègues…

Monsieur, qui est à deux doigts de craquer en entendant le bip des touches du smartphone, qui raisonne dans son crâne déjà fatigué depuis plusieurs heures ! Il quitte son appartement de 90 mètres2 pour cette location (qui a niqué son budget) et n’en fait même pas la moitié, à deux kilomètres de la plage, en plus !!!

 

 

Je me souviens des années 60, quand nous partions en vacances d’été, ma Maman conduisant la « Renault 8 major » bleue métalisée, avec mes deux sœurs et moi, le petit dernier, le petit chouchou…

Les routes étaient champêtres et parfumées, celle-ci nous emmenait dans le Calvados, chez mes Grands-Parents maternels, Alice et René.

Les autoradios n’existaient pas encore (du moins en France), mais on pouvait raccorder un poste de radio à une antenne de toit. La fréquence modulée (modulation de fréquence aujourd’hui appelé « FM ») n’allait voir le jour que quelques années plus tard. Comprendre ce que les animateurs de France-Inter disaient relevait de l’exploit, tellement il y avait de parasites, GO (grandes ondes) obligent !

Mais nous étions émerveillés…

Cela ne faisait que très peu d’années que la télévision avait fait son apparition dans notre foyer monoparental, avec son unique chaîne en noir et blanc ,

et il en était de même pour le téléphone.

Je vous parle d’un temps que les moins de cinquante ans ne peuvent pas connaître…

Cinquante éphémérides plus tard, quid des relations entre les êtres humains ?!?

Jamais les moyens de communications n’ont été aussi développés et pourtant, les gens, confinés dans un espace commun, ne se parlent plus (comme aujourd’hui), ne partagent plus rien !

Tout est devenu anonyme dans ce monde de surface, où chaque centimètre carré devint peu à peu une valeur à rentabiliser, à tel point que le commerce s’est écarté de la proximité, pour devenir « grande surface », ce qui sonna le glas de la convivialité à partir des seventies !!!

Puis l’être humain se transforma en « consommateur » (simple numéro sur un bon de commande) à qui on donna la possibilité d’avoir tout de suite ce qu’il ne pouvait se payer, grâce au « crédit ».

Quand on a connu les centres-villes dans les sixties et qu’on observe aujourd’hui cet amas sans âme de banques, assurances et boutiques de luxes , le luxe étant aussi de trouver et payer une place de parking, comment ne pas regretter un passé où l’on garait son véhicule cinq minutes devant le magasin où l’on avait une course à faire ?!?

 

 

Je n’aime pas ce présent où l’on a entassé de braves gens dans des cages périphériques, et le temps me manque pour espérer en l’avenir, alors qu’on veuille bien m’excuser de déguster le passé comme on le fait d’un bon cru, dont l’étiquette affiche« Nostalgie »…

( 15 juillet, 2013 )

Etienne Vatelot, luthier de ceux qui tutoient les anges…

J’ai parfois envie de dire à Dieu (ou celui qui détient autorité) :

« S’il te plaît, suspends tes vols, laisse-nous respirer entre deux deuils !!! »

Avez-vous remarqué qu’en ce moment, ça défile aux service admissions de Saint Pierre ?

Bon, d’accord, les disparus ne sont pas de première jeunesse, mais si on pouvait négocier un échelonnement, ça ferait du bien notre affectif…

Depuis le 13 juillet 2013, nous déplorons le décès d’un homme de 87 ans, le plus grand dans son domaine :

Etienne Vatelot, luthier de ceux qui tutoient les anges... dans Et mes souvenirs deviennent ce que les anciens en font.

Étienne Vatelot (1925-2013).

 

Sa vie :

http://www.vatelot-rampal.com/imgbd/File/Biographie_etienne_vatelot.pdf

 

Encore un personnage brillant qui meurt presque dans l’anonymat, quand tant de superficiels sont si célèbres pour avoir fait deux ou trois batailles de polochon en « prime », émettant des sons qui font offense à la langue de Voltaire et d’Hugo, pour conforter quelques ménagères décérébrées de moins de 50 berges…

 

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Je l’ai connu grâce à Raymond Devos, lors d’un « Grand Échiquier »

 

Ma conclusion, en guise d’épitaphe, je la laisse à un homme de grand talent Yves Duteil :

 

Cliquez sur visionner sur YouTube pour voir la vidéo 

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Quelle belle image que celle de cette graine emportée par un vent dérisoire…

N’est-ce pas le secret de toute vie ?!? 

 

( 12 juillet, 2013 )

Et un, et deux, et trois-zé-ro !!!

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Ça fait du bien de revoir ces images !

Le 12 juillet 1998, j’étais scotché devant mon poste, et pourtant, on ne peut pas me définir comme un footeux. J’avais planqué ma Cinquecento Fiat Sporting jaune, de peur qu’on ne me la tague, pensant que j’étais du côté des Brésiliens…

Je m’étais dit que le fait d’être arrivé en finale était déjà un exploit pour notre équipe nationale, le Brésil étant le favorit : l’équipe inaccessible de l’époque.

Je me suis donc joint à la liesse collective lorsque le dernier but crucifia sur place ces gladiateurs, ces Dieux du foot !

 

Et un, et deux, et trois-zé-ro !!! dans Chronique du temps qui passe...

 

Et l’équipe d’Aymé Jacquet, cet homme tant critiqué par le journal « L’Equipe » (dont Kersauson disait : « si t’es trop racho pour faire du sport : tu écris dans « l’Equipe » !), ignorant les miasmes des détracteurs, de ces pseudos spécialistes qui n’ont jamais mouillé le maillot, ont fait la plus belle réponse en entonnant cette chanson, qui me revenait de mes vingts berges :

 

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Je ne sais pas quand nous la retrouverons cette coupe, mais gardons la foi, mes frères et soeurs !!!

 

 dans Et mes souvenirs deviennent ce que les anciens en font.

 

De nouveaux jours de liesses viendront…

( 23 mai, 2013 )

Moustaki et Brassens : deux Georges désormais réunis…

Moustaki et Brassens : deux Georges désormais réunis... dans Et mes souvenirs deviennent ce que les anciens en font.

Georges Moustaki (1934-2013)

 

« L’autre Georges » nous a quitté ce matin, je viens de l’apprendre…

Je vais avoir du mal à parler au passé de ce grand artiste dont le vrai nom était Giuseppe Mustacchi !

 

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Bien avant cette chanson qui fut un tournant dans sa carrière d’artiste, il avait composé pour Yves Montant, Barbara, Serge Reggiani.

Son premier succès en qualité de compositeur fut interprété

 dans Hommages et coups de gueule !

par Edith Piaf : « Milord »

 

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« Georges », il adopta ce prénom suite à ce qu’il devait définir comme

 dans La musique que j'aime...

une révélation : Brassens en représentation…

Toute sa vie, il y fera référence.

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J’adorais ce personnage aussi intense que décalé, trotskiste jusqu’au bout des ongles, égaré dans nos sociétés mondialisées.

C’est avec peine que j’ai appris qu’il avait perdu sa voix en 2011.

N’est-ce pas ce qu’il y a de plus dramatique pour un chanteur ?

Il semblait pourtant le prendre avec philosophie, ne regrettant en rien les fumeries de jadis avec les potes.

Le dernier titre que j’ai entendu de lui

sonnait déjà comme un testament,

et parlait de sa Maman…

 

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Les mères juives

Mon fils, tu as mauvaise mine
tu devrais prendre soin de toi,
n’oublie jamais tes vitamines,
couvre-toi bien quand il fait froid.
Je sais que tu n’as plus 9 ans,
mais tu es encore mon enfant.
Elles sont toujours sur le qui-vive
les mères juives.

Je crois que tu fais trop de sport,
on dit que ce n’est pas très sain
c’est dangereux tous ces efforts
en as-tu réellement besoin ?
Je sais que tu n’as plus 15 ans,
mais tu es encore mon enfant.
Elles sont inquiètes et émotives
les mères juives.

Je t’ai acheté deux cravates,
Tu as mis la bleue avec des pois
Quand tu es venu pour le shabbat,
Pourquoi l’autre, elle ne te plaît pas ?
Je sais que tu n’as plus 20 ans,
Mais tu es encore mon enfant
Elles son parfois bien excessives
Les mères juives.

Dans ce manteau que j’ai fait pour toi
Tu seras avocat ou docteur
Tu aimes mieux faire le chanteur
Et me quitter pendant des mois.
Je sais que tu n’as plus 30 ans,
Mais tu est encore mon enfant.
Elles son douces et attentives,
Les mères juives.

Ta femme est presque une gamine
Comment peut-elle veiller su toi ?
Elle ne sait même pas faire la cuisine
Heureusement que je suis là.
Je sais que tu n’as plus 40 ans,
Mais tu est encore mon enfant.
Elles peuvent être possessives,
Les mères juives.

Tandis que moi je te connais,
Je fais les plats que tu préfères,
Je te tricote des cache-nez,
Des paires de gants, des pull-over.
Je sais que tu n’as plus 50 ans,
Mais tu es encore mon enfant.
Elles sont vraiment très actives,
Les mères juives.

Viens, mon chéri, viens, mon gamin,
Ne crains rien, je ne pleure pas,
Même quand tu ne m’appelles pas
Je fais celle à qui ça ne fait rien.
Je sais que tu n’as plus 60 ans,
Mais tu es encore mon enfant.
Elles sont tendres et naïves,
Les mères juives.

Quand ma petite mère parle ainsi
Je trouvais ça insupportable.
Depuis que son absence m’accable
Je rêve d’entendre chaque nuit :
Je sais, tu as 70 ans,
Mais tu es encore mon enfant.
Elle était pure comme l’eau vive,
Ma mère juive.

(Georges Moustaki)

 

« Moustakien », en decembre 2011… 

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Des images douloureuses, mais c’est également ça la vie : celle qu’il abordait sans tricher !

 

 

http://fr.wikipedia.org/wiki/Georges_Moustaki

 

T’oublies pas de faire la bise à tous nos disparus, et un « gros bec » à notre Maître Georges à tous : celui qui continue à tirer sur sa bouffarde, le voyou !!!

( 16 mars, 2013 )

Quand Martin faisait le Jacques avec Maillan !!!

Quand Martin faisait le Jacques avec Maillan !!! dans Chronique du temps qui passe...

Parfois, je me demande dans quoi je me suis embarqué avec cette 39ème/E qui n’en finit pas…

Maître Sacha, donnez-moi l’inspiration qui fait cette différence !!!

Pour me détendre (afin d’éviter la saturation ainsi que la crampe de l’écrivain – puisqu’il paraît que j’en suis un… ), je regarde l’émission humoristique de France 3, et cette séquence m’a bien fait marrer : je vous en fait profiter ! :)

La vidéo n’est visible que si vous cliquez sur « visionner sur youtube »

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Si le paradis existe, qu’est-ce qu’on doit se poiler

 dans Et mes souvenirs deviennent ce que les anciens en font.

avec des olibrius

 dans Ha ! On est bien...

(masculins et féminins) pareils !!!

 

Allez zou ! Je reprends mon stylo, y’a encore du texte à écrire.

 

 dans Les facéties de Mésygues

A plus, public en délire…

( 26 octobre, 2012 )

Il n’y a pas que l’alcool qui rend con : la jalousie, c’est pas mal non plus !!!

Je ne sais pourquoi, je me suis mis à repenser à ce jour où j’allais voir Monsieur et Madame « L » (J’en parlerai plus tard dans ma saga et leur donnerai un nom « de scène » le moment venu : en attendant, cette initiale sera leur identité).

J’étais adolescent, vetu d’un blouson « imitation cuir » noir, arborant un brushing qui faisait légèrement la gueule à cause du vent provoqué par le déplacement, aux commandes de ma Motobécane, plus communément appelée « Mobylette ».

A cet âge, on rêve d’être adulte, se raccrochant à une image, un look et surtout un univers.

Il n'y a pas que l'alcool qui rend con : la jalousie, c'est pas mal non plus !!! dans Chronique du temps qui passe...

Je voulais donner cette apparence…

 

 dans Et mes souvenirs deviennent ce que les anciens en font.

En réalité, j’avais plutôt celle-là…

On fait ce qu’on peut avec les moyens qu’on a !

Madame L. avait accompagné mon enfance en qualité de femme de ménage, Maman étant seule pour assurer son travail ainsi que l’éducation, la subsistance de deux de mes soeurs et moi-même : le petit dernier arrivé comme un cheveux dans la soupe, en pleine instance de divorce… La mouche dans le lait, quoi !

Madame L. était pour moi bien plus qu’une « employée », elle devint vite un membre à part entière de notre famille « monoparentale », me donnant des douches, m’emmenant à l’école, me faisant à manger, enfin toutes ces choses qui rapproche les êtres.

C’était une conteuse née,

quoi que n’ayant pas fréquenté longtemps l’école. Avec son langage simple, elle me raconta sa vie, qui ne fut qu’une éternelle succession de drames. Elle le faisait par épisodes dont j’attendais la suite avec impatience. Cela dura quelques années, car sa vie est un roman à elle seule…

Comment ?!?

Je te vois venir Hélène,

douce fée de ces lieux !!!

Je la raconterai cette histoire, mais ça se bouscule un peu dans ma tête en ce moment… Le temps de remettre un peu d’ordre et je te livre le tout avec un kilo de pomme de terre…

S’il fallait classer la scoumoune de Madame L. à l’échelle de Richter, nous dépasserions de loin toutes les catastrophes du monde, répertoriées de mémoire d’Homme !!!

Orpheline à 12 ans, tyrannisée par un beau-père qui lui prenait tout son argent durement gagné, mariée à un acoolique qui lui mettait régulièrement sur la gueule, deux guerres mondiales vécues entre l’enfance et la force de l’âge, son gendre qui meurt à 44 ans juste après qu’elle ait enterré Monsieur L., et si ce n’était pas suffisant, une grave maladie cardiaque qu’elle devait traîner jusqu’à la fin de ses jours, ne lui autorisant que des régimes dénués de la moindre saveur…

Si j’écris son histoire un jour,

faites une bonne réserve d’antidépresseurs !!!

 

J’allai donc voir cette brave Madame L. que je n’avais jamais abandonnée depuis son arrêt de longue maladie, son mari n’étant pas plus en forme…

A la porte du hall d’entrée, alors que je mettais mon antivol sur ma mob, je vis un homme de 25-30 ans aux yeux exorbités qui me regardait fixement. Au moment où j’allais actionner la sonnette de mes amis, je vis cet individu vérifier sur quel nom mon doigt se posait. J’allais pour lui demander s’il me fallait un « ausweis » pour entrer ou s’il désirait une photo de mézigue avec mon blaze dans le coin, au moment où Madame L. m’ouvrit. Il s’écarta comme un péteux tandis que nous montions à l’étage.

Le couple me fit assoir comme à l’accoutumée à la table de la cuisine en me servant un petit blanc, celui de l’amitié.

 

Moi :

« C’est qui ce type qui me regardait avec sa tronche de cake, comme si je lui devais de l’argent ?

On a frôlé l’incident… »

 

Madame L. :

« Ho, pas grand chose, mon petit… C’est un des anciens amoureux de la voisine du dessous. »

 

Moi :

« Et il s’est imaginé que elle et moi… Hi-hi !!!

Elle fait dans le détournement de mineurs ?!? »

 

Monsieur L. :

« Y’en a que ça existe, mon p’tit gars ! »

 

Moi :

« Peut-être, mais elle a ce regard qui permet aux joueurs de billards de regarder les boules en même temps qu’elle compte les points : je ne suis pas assez mûr pour affronter ça !!! »

 

Monsieur L., me resservant un coup de blanc :

« Avec l’âge, tu ne verras plus les choses sous le même angle, une question d’hormone, hé-hé… »

 

Moi :

« En tout cas, j’espère que je n’aurai pas l’air aussi con que ce gus qui est dehors à faire les cents pas, et qui risque de se prendre une pastèque s’il continue à faire chier Popol, soit dit en passant ! »

 

Madame L. :

« Et moi, ce que j’espère, c’est de pouvoir enfin dormir la nuit, parceque les « ho oui ! ho chéri ! », ça va bien cinq minutes !!! »

 

Monsieur L., presque rêveur :

« C’est vrai qu’elle a de la santé la gamine du dessous… »

Puis, avec cette poésie qui lui lui était si particulière, il rajouta, résigné :

« Bah, le « touche-pipi », c’est plus de nos âges ! »

 

Je regardais ce couple, et j’aurais trouvé cette réplique moins triste s’il était resté entre-eux cette chose que l’on appelle la tendresse…

 

A plus…

( 21 octobre, 2012 )

Nineties : « Puisqu’il fallait bien continuer… » (39ème partie/D)

Quatrième partie : Actes 7 & 8

Avis : l’épisode est long, il vous faudra « prendre vos précautions » et vous installer confortablement si vous souhaitez allez jusqu’au bout !

De plus, il y aura une 39ème/E : je n’ai pas pu faire autrement.

Bonne lecture…

Nineties :

Acte 7

 

 dans Et mes souvenirs deviennent ce que les anciens en font.

 

Nous sommes dans la salle principale de la maison de campagne d’Azincourt, à l’Est de Paris.

Sous un tableau représentant deux hommes au chevet d’un autre agonisant, Théophraste est allongé sur un canapé, venant de faire visiblement un malaise.

Rose-Aimée, tenant affectueusement sa main, se tournant vers son hôte :

« Mon cher Azincourt, vous n’aurez décidément jamais cette diplomatie qui est le fond de commerce de nos éminents députés et sénateurs… Mais il est incontestable que vous avez l’art de la mise en scène dans ce qu’elle a de plus beau, donc de plus dramatique.

Souhaitons cependant qu’en lui livrant à cru vos théories indigestes, vous n’avez pas définitivement occis notre ami !

Il a déjà survécu à tant d’épreuves… »

Elle regarde le tableau, faisant une légère grimace :

« Dont la vision la vision de cette « chose », véritable invitation au suicide, qui nous surplombe…

C’est une oeuvre commise par un de vos patients dépressifs, je suppose ? »

 

Azincourt, après un temps de reflexion, regarde à son tour l’oeuvre macabre :

« Vous n’aimez pas ? Tiens-donc !

J’aurais peut-être dû le mettre ailleurs…

Pour en revenir à Théophraste, lorsque l’on a survécu à deux fléaux notoires : la « Grosse Berta » et « le caractère de Chimène » (quelle était le pire ? Je n’en sais toujours rien !), on peut tout endurer, voire postuler pour l’immortalité.

En fait, de quoi s’agit-il ?

Nous avons deux êtres : Chimène et René, qui avaient tout pour vivre heureux avec la bénédiction du Papa. Celui-ci considérait René comme son fils avant même que la notion de gendre se soit évoquée, Chimène  »la Lionne sauvage » enfin apprivoisée… Donc, tous les éléments pour assurer un bonheur serein dans n’importe quelle chaumière.

Est-ce de ma faute à moi si le psychisme, telle une étincelle près d’un entrepôt de poudre, est venu pulvériser cette logique de conte de fées, réduisant en cendres toutes espérances ?

Je pouvais aussi bien me taire et laisser Théophraste en souffrance. Mais sachez qu’il n’est rien de pire que de vouloir ignorer l’origine d’un mal, paticulièrement quand il est incurable… »

 

Rose-Aimée :

« Admettez que vous n’y êtes pas allé de main morte avec votre « OEudipe » !

Et la sexualité infantile, ce chapitre était-il nécessaire ?!? »

 

Hector, fidèle majordome et

 

 dans Saga familiale

chauffeur attitré de la Citroën que Rose-Aimée venait d’aquérir, avec laquelle ils étaient venus,

était là lui aussi.

 

Ajoutant son grain de sel d’un air narquois, il dit :

« Alors-là, vous me voyez étonné… Car s’entendre dire qu’une enfance normale consiste pour un homme à vouloir coucher avec sa mère et tuer son père, avant que ce dernier ne vous les coupe : quoi de plus naturel en somme… »

 

Rose-Aimée, stupéfaite :

« Hector, enfin !!! »

 

Azincourt, souriant :

« Ma chère Rose-aimée, il faudra que je vous emprunte votre précieux majordome, car il me sera bien utile lors d’une de mes prochaines conférences… Quel virtuosité dans la synthèse !!! »

Puis reprenant son sérieux :

« Nous ne parlons pas d’actes réalisés, mais du désir qui se passe dans l’inconscient.

Vous savez à quel point Freud n’est pas mon ami, mais contester ses bases reviendrait à demander à nos contemporains de revenir à l’âge de pierre.

OEudipe, du moins son complexe, a une large part dans ce qui arrive à Chimène et René, les deux ayant un drame en commun : la perte de leur Maman alors qu’ils avaient sept ans.

D’un point de vue analytique, une chaine a été brisée dans l’évolution de ce complexe, qui n’a pu suivre normalement son cours, ne permettant pas aux sujets de s’en libérer…. »

 

Rose-Aimée :

« -Sujets-, comme vous en parlez !

Ils formaient un si beau couple. Quel gâchis ! »

 

Hector :

« Et ce OEudipe : quel con… »

 

Rose-Aimée :

« Hector, vous m’exaspérez !!! »

 

Azincourt, après avoir hoché la tête :

« Il est comme ça tous les jours ?!? »

 

Rose-Aimée, faisant les gros yeux à Hector :

« Hum… Pas plus de 365 jours par an, je vous rassure !!!

Continuez mon cher, je suis toute ouïe… »

 

Azincourt :

« Le malaise de René prend sa source dans le refoulement inconscient. Je vais vous expliquer.

Avez-vous apporté ce que je vous ai demandé ? »

Rose-Aimée tend à Azincourt, qui venait lui-même d’en poser deux autres sur une table, une photo encadrée, le tout formant un triptyque.

Il reprend :

« Que vous inspire ces photos ? »

 

Rose-Aimée :

« Beaucoup de tristesse en regardant

ma Ludivine tant aimée,

peignant d’un air si mélancolique sa longue et belle chevelure rousse…

C’était juste avant qu’elle n’adopte ce mouvement contestataire, qui lui fit rejoindre

« les garçonnes »,

des féministes qui avaient décidé de se libérer du joug des hommes, après trop de millénaires d’oppression !

Avait-elle associé sa belle chevelure à une laisse dont elle devait se débarasser, tel un symbole ?

Je trouvais cela dommage, mais elle n’en fut jamais laide pour autant, et ce : jusqu’à son dernier soupir en 1908… »

Hector lui tend avec tact un mouchoir, pour qu’elle essuie les larmes qui coulent discrètement sur son visage à cette évocation.

Elle poursuit:

« Que de douleurs encore en revoyant

la rousse beauté d’Edmée,

partie deux années après, l’une des plus belles personnes qui me fut permis de connaître, car sa vie, si elle fut courte, ne fut qu’amour et bonté !

Elle donna à mon grand ami Théophraste le plus beau cadeau du monde :

Chimène, qui des traits de sa Maman a hérité l’harmonie,

comme on peut le constater sur la troisième photo… »

 

Azincourt :

« En regardant les trois : que constatez-vous ? »

 

Rose-Aimée :

« Qu’elles se ressemblent toutes les trois, bien sûr !

Mais ?…

Ho non ! Ne me dites pas que… »

 

Azincourt :

« Que quoi ?… »

 

Rose-Aimée, très troublée :

« Que mon petit René voit en Chimène l’image de sa Maman, et… »

 

Azincourt, sondant le regard de Rose :

« Et ?… »

 

Rose-Aimée :

« Et qu’il se sent coupaple de s’être abandonné dans les bras de Chimène, comme s’il s’agissait d’une relation incestueuse ?!? »

 

Azincourt, tandis que Rose-Aimée vient s’assoir au chevet de Théophraste :

« Nous y voilà !!!

Mais le mal est plus profond encore, car le traumatisme subi par René dans son enfance, lui a donné une approche assez négative de l’image du père et de la paternité… »

 

Alors que le silence se fait de plus en plus pesant, on entend plusieurs coups de tonnerre.

Hector regarde le ciel et dit :

« Il ne manquait plus que cela !!!

J’ose espérer que la grange où sont parqués les véhicules est assez solide, parcequ’il pleut vraiment comme vaches qui pissent… »

 

Rose-Aimée, interloquée :

« Hector, voyons, vous vous égarez !!! »

 

Hector, confus, mettant la main à sa bouche et prenant l’air pincé :

« Mille Pardons !

Je voulais dire :  »comme ruminants qui s’oublient »… »

 

Rose-Aimée, après un léger soupir :

« Je préfère ! »

 

En effet, un orage venait d’éclater en ce dimanche d’août 1925 dans la campagne Est-Parisienne, les trombes d’eau martelant toit, murs et fenêtres de cette maison que la tempête attaquait sans les faire vaciller.

 

Azincourt, amusé :

« Brave Hector, ces vieilles pierres en ont vu et en verront d’autre… N’ayez crainte. »

 

On entend un gémissement entre deux coups de tonnerre.

C’est Théophraste dont notre douce Rose-Aimée caresse le front :

« Vade retro Satana : sors du corps de ces enfants !!! »

 

Rose-Aimée :

« Vous me l’avez réellement esquinté, voilà que cet agnostique endurci vocifère tel un prédicateur, céans… »

 

Une voix masculine venue de la cuisine se fait entendre :

« Et vous n’avez encore rien vu ni entendu !!! »

 

Azincourt, fronçant les sourcils, se retrournant vers la cuisine :

« Léon-Angel, n’oubliez-pas que si la parole est d’argent, le silence est d’or.

Lorsque j’aurai besoin de vos lumières, je vous le ferai savoir mon petit vieux ! »

 

Hector :

« Vieux ? Nous le serions tous à moins !

Vous rendez-vous compte des horreurs qui ont été proférées ici, et en un temps si court ?!? »

 

Léon-Angel,

en tenue de chef cuisinier, toque comprise,

entrant dans la pièce :

« Quand j’étais mioche, j’avais déjà du mal avec l’analyse grammaticale, alors vous imaginez : avec celle de ces rebouteux du caberlot !!!

C’est bien simple, je n’ose même plus me taper une bonne douzaine d’huitres ou des moules marinières devant témoins, de peur que ces « réducteurs de têtes » n’y voient encore une de leurs cochonneries, d’autant plus inavouables qu’elles se situent sous la ceinture, quand c’est pas plus profond en partant de l’orifice naturel qui termine la digestion de tout être normalement constitué, que ces malfaisants en col blanc amidonné ont transformé en instrument de débauche !

Pour ma part, quand je mange des huitres,  je mange des huitres. Et pareil pour les moules : au risque de passer pour un demeuré de base,  je ne me pose pas plus de questions.

Alors je ne vois pas pourquoi je devrais m’excuser de leur demander pardon d’éprouver du plaisir quand ça entre dans ma bouche pour descendre ensuite dans le boyau !

Mon plaisir est simple et naturel, il part du haut pour évoluer vers le bas, selon les lois de la nature et de la gastronomie.

Celui de ces théoriciens aux âmes torturées va dans l’autre sens. Ce sont souvent les mêmes qui prennent ce pauvre Cupidon à l’envers.

Dans quel monde vivons-nous, je vous le demande… »

Hector fait un signe d’approbation de la tête puis Léon-Angel reprend :

« Bah, après tout, c’est pas nos oignons ma cousine ! Ils font ce qu’ils veulent de leur chibre ou de leur fion, mais bon sang, qu’ils lâchent la grappe cinq minutes à ceux qui préfèrent courir la gueuse plutôt que de subir les outrages de ces « extrêmes qui s’attirent », et que je nomme les « extrêmes satyres » !

Saura-t-on jamais tout le mal que nous a fait Freud ?!? »

 

Azincourt, excédé :

« Léon, il suffit !!! »

 

Hector, moqueur :

« … Et qu’il fera dans les siècles à venir, d’après ce que je viens d’entendre :

la Grosse Berta, en comparaison du petit Sigmund, c’est de la guimauve ! »

 

Rose-Aimée, prenant un air sévère :

« De grâce Hector, n’en rajoutez pas ! »

 

Léon-Angel, s’adressant à Hector d’un air solennel, les deux se riant de leurs maîtres, ponctuant leur phrasé à l’aide d’intonations et attitudes excessives :

« Ce sont les vicissitudes d’un monde, dont la mutation exponentielle est inversement proportionnelle à la capacité de compréhension des êtres qui le composent… »

 

Azincourt parlant à l’oreille de Rose-Aimée :

« Où a-t-il été chercher cela ?!?

Il me faudra envisager de mettre une clef à ma bibliothèque… »

 

Hector, dans un posture jubilatoire, prend un air précieux à son tour pour répondre à Léon-Angel :

« Cela ne souffre aucune contestation, j’en parlais pas plus tard que ce matin à « Juju la tabasse » : un personnage qui gagne à être connu…

Enfin, quand on ne le contrarie pas ! »

 

Rose-aimée, dont l’état général se rapprochait de l’apoplexie, prend une soudaine inspiration pour tancer Hector alors qu’Azincourt lui fait signe de n’en rien faire, intéressé par l’improvisation « Ubu-Molièresque » des deux serviteurs, cette scène semblant captiver Théophraste…

Léon-Angel :

« Vous connaissez également ce personnage

Assez sanguin ? Et ce n’est pas une image !

N’est-ce point lui qui déssouda le Sieur Yves

Emcombrant m’a t-on dit des gendarmes les archives ? »

 

Hector :

« Que nenni, car il bénéficia d’un non-lieu

La victime, vingt-deux ans : ce n’était pas bien vieux

Se fourvoya dans une relation charnelle

Un coup de surin l’envoya chez l’Eternel »

 

Léon-Angel :

« Que faisait donc « Maître Juju » dans cette histoire

Pourquoi croisa-t-il du Sieur Yves la trajectoire ? »

 

Hector :

« Les hasards et les aléas de toute vie

Qu’un obscur Sigmund a résumé en un vi…

 

Le Sieur Yves en sang, il découvrit sur sa route

N’ayant rien à voir dans cette histoire de « biroute ».

Quoi que victime de son passé de souteneur

Il fut innocenté et reprit son labeur… »

 

Léon-Angel :

« Qui fit alors de cette vie « échec et mat »

Et décora ce corps de rouge écarlate ?!? »

 

Hector :

« La jalousie, cette compagne si sordide

Une femme trahie, puis un acte morbide… »

 

Azincourt, applaudissant :

« Alors là , mes amis, vous m’avez cueilli, et je puis vous dire que ceux qui réussirent jadis cet exploit ne sont point légion !!! »

 

Alors que Théophraste, soudain réssuscité, et Rose-Aimée applaudissent à leur tour, la porte d’entrée s’ouvre brusquement, une élégante femme au visage contrarié entre et dit :

« Je constate avec joie que tout le monde s’amuse, ici… »

Alors qu’elle égoute son parapluie et pose sa valise, Azincourt catastrophé dit :

« Inès ?!?

Ciel, ma femme !!! »

 

Elle, le regard sévère :

« Vous progressez, mon cher !!!

J’ai cru un instant que vous n’ayez oublié que vous en eussiez une, lorsque sur le quai de gare je ne vis point âme qui vive.

Et je me retrouve aussi trempée que ces tristes poissons

qui ronchissent dans les rigoles de votre jardin,

devenues « fleuve » en ce mois d’août assez taquin » ! »

 

Léon-Angel, à son tour catastrophé :

« Ciel, mes sardines !!!

Je les avaient réservées pour l’entrée et les ai lamentablement oubliées près de ce four, où elles devaient cuire en plein air, avant que le ciel ne se déverse si violemment sur nos calebasses…

Pour ma décharge, je précise qu’avec ce tout qui se passe en ces lieux, cela tiendrait du miracle que de conserver toute sa tête ! »

 

Hector, sourire aux lèvres :

« L’avez-vous eue un jour, cher confrère ? »

 

Léon-Angel, vexé, prenant de nouveau un air théatral, mais antique cette fois-ci :

« Ô toi que ce rosbif ne pouvant se défendre

Tu osas, triste sacrilège, pourfendre

A la gastronomie tu fis l’ultime outrage

Le piquant à l’ail, ho mon Dieu, quel saccage !

 

Je ne supporte point le terme de confrère

En vous présentant : ôtez-lui donc le mot frère… »

 

Hector, piqué au vif :

« Puisqu’il faut en ce lieu rejoindre les ineptes

Je vous suis mon cher maître et deviens votre adepte ! »

 

Azincourt perdant patience :

« Ce que vous êtes assomants tous les deux…

Vous n’allez pas remettre ça avec cette histoire de robif !!! »

 

Rose-Aimée, levant les yeux au plafond :

« Ne m’en parlez pas !

la France connaît une grave scission, depuis le jour où ces ostrogoths ont failli tirer l’épée concernant le sujet.

On a frôlé une deuxième guerre mondiale… »

 

Inès Azincourt, intallée près du feu de cheminée :

« Ne parlez pas de malheur !

Cette dernière pourrait bien venir plus tôt et bien plus meurtrière qu’on ne pense, si nous nous endormons sur nos lauriers. »

Elle regarde le tableau et continue :

« Quelle horreur…

Je ne comprendrai jamais ce que vous pouvez trouver d’attrayant à cette sombre  »croute », qui n’engendre que désespoir et neurasthénie !!! »

 

Azincourt, soupirant :

« Faites-moi grâce de vos commentaires acerbes et dites-moi plutôt ce qui vous fait penser à un prochain conflit mondial… »

 

Inès :

« Quelques jeunes militaires en permission dont j’ai écouté la conversation, dans ce train qui les emmenaient rejoindre leur famille à Paris, depuis les rives du Rhin où ils sont casernés.

C’est d’ailleurs l’un d’eux qui eut l’amabilité de demander à son chauffeur de me déposer ici, constatant mon désarroi et ma solitude… »

 

Azincourt, gêné :

« Grâce lui soit rendue…

Je n’attendais votre retour que demain ! »

Il s’adresse à Léon-Angel qui s’éclipse vers la cuisine :

« Au fait, mon petit Léon, nous n’auriez pas oublié de me transmettre une ou deux informations, par hazard ? »

 

Léon-Angel, confus, change de conversation :

« Bon, je vais voir où en est mon boeuf en daube… Faudrait pas que ça brûle ! »

 

Azincourt fronçant les sourcils :

« Nous règlerons cela plus tard !

Mais continuez, ma chère, vous me parliez de ces jeunes militaires… »

 

Inès :

« En effet…

Ils semblaient avoir été impressionnés par les dires d’un instructeur qu’ils avaient eu l’année précédente (1924), un Capitaine longiligne assez volontaire d’environ trente-cinq ans, ayant connu le front, blessé et fait prisonnier plusieurs fois, ce qui lui a vallu quelques décorations. »

 

Azincourt :

« Comment s’appelle-t-il ? »

 

Inès :

« De Gaulle, il me semble…

Charles de son prénom. »

 

Azincourt :

« Ce nom ne me dis rien… »

 

Inès :

« Il serait un proche du Maréchal Pétain. »

 

Azincourt, souriant :

« Lui par contre, je connais !

Quels étaient les propos de ce brave Capitaine ? »

 

Inès :

« En résumé, que l’Allemagne n’a jamais accepté sa défaite, qu’elle allait se reconstituer en ignorant de plus en plus ses dettes de guerre, puis devenir arrogante.

Il trouve en l’occurence que nos dirigeants ne font pas assez preuve d’autorité et craint un réarmement germanique intempestif à terme.

Il a pour la France et la République de grandes ambitions, clamant haut et fort qu’il faudrait à la Nation une armée digne d’elle, donc  »offensive » ! »

 

Rose-aimée :

« Offensive, rien que ça ?!?

C’est un doux rêveur votre Capitaine !!! »

 

Azincourt :

« Pourquoi dites-vous cela ? »

 

Rose-Aimée :

« Il ne faut pas avoir fait Saint-Cyr pour constater à quel point notre armée est devenue pantouflarde, à l’image de nos élus, confortablement installés dans les fauteuils de nos institutions.

Cet officier, ce n’est pas « De Gaulle » qu’il faut l’appeler, mais « Don Quichotte » !

Soyons lucides,  jamais un tel homme ne deviendra Général, et encore moins Président d’une de nos Républiques (à moins que par miracle il ne la créé lui-même à son éffigie) : il lui faudrait lutter contre bien trop de moulins à vent et pire, apprendre à mentir, à défaut se taire avant de rentrer dans le rang !!!

Il ne semble pas que ce soit son apanage, ce qui me le rend très sympathique.

Notre regretté Capitaine Charles-Clément se décrivait lui-même comme le plus fidèle serviteur du Maréchal Mac-Mahon, mais ce n’était qu’un roseau. Il n’a conservé ses mandats qu’au gré des opportunités et concessions, la dernière étant (soit dit en passant) celle qu’il occupe  au cimetière…

Ce Capitaine De Gaulle, proche nous dit-on du Maréchal Pétain, est beaucoup trop fougueux pour ces vieilles carcasses inertes, aux ventres si dodus, qui nous dirigent !

Il est de ce bois qui fait les chênes, et je crois savoir que dans le monde très fermé des puissants, on le les apprécient guère, (elle sourit) qu’on préfère plutôt l’ôdeur du sapin !!! »

 

Azincourt :

« Je vous trouve assez injuste lorsque vous traitez notre armée de la sorte !

C’est tout de même grâce à elle que nous feront bientôt plier ce dissident nommé

 

Abdelkrim (1882-1963),

qui prétend vouloir régner en maître au sein du Protectorat Marocain, où les Espagnols s’enlisent lamentablement depuis quatre longues années… »

 

Rose-Aimée :

« A vaincre sans péril, nous triompherons sans gloire !

Même s’ils ont l’avantage de nous défier dans ces montagnes où ils sont nés, nous possédons encore celui de la puissance de feu, et notre victoire sera celle d’un « conflit local » où nos pertes ne seront imputées qu’à la méconnaissance du terrain, voire du climat.

Je ne sais pas ce que sera l’avenir de ce monde, où je n’ai déjà plus ma place car ayant effectué mon temps, mais ce dernier m’a enseigné qu’une victoire, si nette qu’elle soit, n’est jamais définitivement acquise si elle n’est que bêtement  »militaire ».

Elle engendre au contraire des martyrs encensés par les vaincus, qui les transforment en prophètes…

La chrétienté, dans son idéologie, ne fut-elle pas conçue selon ce principe ?

Pourquoi les autres cultures en feraient autrement ?

Un jour, vous verrez, on nous reprochera d’avoir eu des colonies et ce que nos soldats y ont fait !

Pensez-vous en toute conscience que notre armée, telle que nous l’observons aujourd’hui, soit en état de gérer un nouveau conflit mondial, face à une Allemagne unie, réarmée et plus motivée que jamais ?!? »

 

Azincourt :

« Nous sommes encore loin de ce cas de figure, cette ennemie potentielle étant en pleine crise, son peuple vivant dans une quasi misère, après avoir connu une inflation qui leur a fait payer le kilo de pomme de terre un milliard de marks, et 460 milliards pour un miche de pain !!!

Vous voyez que nous n’avons rien à craindre d’eux. Pour rappel, nous avons fait respecter notre autorité il y a deux ans, lors de l’occupation de la Ruhr, alors que les allemands ne payaient toujours pas les réparations de guerre qui nous étaient dues, selon le Traité de Versailles… »

 

Inès :

« J’admire votre confiance, cher époux, presque autant que votre mémoire sélective, car cette occupation ne s’est pas faite sans victimes ni conséquences.

La France ainsi que la Belgique ne sont pas sortis grandies de l’humiliation qu’elles ont infligées à un peuple désarmé qui avait froid, et que l’on a dépossédé de son charbon.

Elles n’ont fait que développer un nationalisme, au sein des classes laborieuses, que je sens de mauvais aloi, dont nous portons l’entière responsabilité ! »

 

Rose-Aimée :

« Ceci vient à l’appui de ma thèse : notre armée n’est vaillante que face à des minorités et des faibles.

Qu’ils trouvent le moyen de s’armer et vous verrez qu’un jour ils règneront en maître dans un monde qu’ils feront trembler, nous réduisant à l’esclavage, voire pire !!! »

 

Théophraste :

« C’est une vision assez apocalyptique, dites moi… »

 

Inès :

« Mais qui va tout à fait dans le sens de mes craintes, car je me suis laissé dire qu’en Allemagne, un tribun trentenaire assez talentueux,

Adolf Hitler est son nom je crois,

faisait des discours qui captivait les foules et l’ensemble du peuple germanique depuis les brasseries de Munich. Ses adeptes aborent une curieuse croix. Ils ont tenté un putsch qui a échoué et l’a mené en prison.

Il semble avoir voulu imiter un homme qu’il a en admiration, dont il a adopté la gestuelle et les tenues :

celui qui tient avec autorité les rênes de l’Italie depuis trois ans,

Benito Mussolini (1883-1945).

Profitant de sa détention pour s’essayer à la littérature, il a publié dès sa libération  »Mein campf », livre de style assez médiocre mais dont on devrait bien se méfier, même s’il est passé presque inaperçu. Car ce qu’il y a écrit dedans repousse les limites de l’horreur ! »

 

Rose-Aimée :

« J’ai entendu parler de ce livre et de ce triste sire, qui semble avoir un sérieux contentieux avec les juifs. »

 

Inès :

« Plus qu’un contentieux, c’est une haine farouche qui, si par malheur il arrivait au pouvoir, lui donnerait possibilité de les éliminer en toute légitimité… Il parle d’en faire autant avec toute personne handicapée ! »

 

Azincourt à Théophraste :

« Ha, ces femmes : quelle imagination !!!

Pour la littérature et le trico, elles sont imbattables, mais la politique est une histoire d’hommes.

Ce qui est décrit ici est un drame Shakespearien revisité par un névropathe, juste bon à distraitre notre bourgeoisie dans les salons, en mal de fantasmes… »

 

Rose-Aimée, ironique :

« Ha ces hommes : une boîte crânienne et si peu d’acuité pour utiliser la matière qui est dedans…

Cela explique pourquoi ils n’ont pour argument que ces éternels poncifs pitoyables  à notre égard !!! »

 

Inès :

« Voilà est exprimé on ne peut mieux ! »

 

Azincourt :

« Je reconnais bien là la solidarité féminine ! »

 

Rose-Aimée :

« Une solidarité dont s’est méfiée la Révolution, en suprimant dès 1791 le droit de vote, qui nous fut accordé  au XIIème siècle pour des élections consulaires… »

 

Azincourt :

« Comme quoi ces révolutionnaires, s’ils perdaient souvent la tête, n’en gardait pas moins une forme de lucidité.

Allons : chacun son domaine !

Les femmes sont parfaites pour élever les enfants et préparer la cuisine, mais imaginez-vous l’une d’elles à la Chambre de Députés ou au Sénat ?!?

Soyons sérieux cinq minutes… »

 

Inès, outrée :

« Au royaume des phallocrates, vous ne seriez pas roi mais empereur !!!

Pour votre gouverne, sachez qu’un certain Paul Duchaussoy avait déposé à l’assemblée nationale un projet de loi, pour rétablir ce droit il y a 19 ans, mais le sénat refusa. »

 

Rose-Aimée :

« Faut-il que nous vous fassions peur, Messieurs, pour tenter d’enrayer ce qui arrivera inexorablement au cours de ce siècle… »

 

Azincourt :

« Et qu’arrivera-t-il ? »

 

Rose-Aimée :

« L’égalité de l’homme et de la femme !!! »

Devant l’hilarité générale masculine, elle conclut :

« Riez, Messieur, mais rira bien qui rira la dernière !!! »

 

Inès, regardant un nouvelle fois le tableau morbide :

« Hippolyte, mon époux, le jour viendra où je vous demanderai, entre cette « chose » et moi, de faire un choix… »

 

Azincourt :

« Un choix, lequel ?

Ha, ne me tentez pas cruelle ! »

 

Acte 8

 

 

« Rose-Aimée : la fin d’un parcours… »

 

Nous sommes dans le salon de l’hôtel particulier de Rose-Aimée, en ce mois très pluvieux et incertain de novembre 1925.

Hector reste figé avec mélancolie devant le portrait à l’huile d’une femme de vingt ans, dont on devine qu’il est celui de sa patronne, au siècle précédent.

Inès Azincourt est au piano, elle interprète un morceau de ravel avec une telle ferveur qu’on a l’impression d’entendre un orchestre qui l’accompagne…

http://www.youtube.com/watch?v=NRTWLQ4nI6Q&feature=related

Une main posée sur son épaule fait sursauter Hector, celle de Léon-Angel, qui lui dit avec compassion :

« Ami, on aimerait bien figer le temps, comme ce peintre l’a si bien fait sur cette toile… »

 

Hector, très triste :

« Le temps ?!?

Ne me parles pas de c’te fi de garce !

Tout juste bon à ouvrir la porte pour faire entrer « la grande faucheuse », après avoir vidé nos corps de tout espoir, toute mémoire, toute joie, de toute énergie !

Il se plait à effacer sur les visages toute preuve de jeunesse et bonheurs passés, avec ce maudit pinceau ne sachant dessiner que des rides !!! »

Léon-Angel garde le silence, ne sachant trop quoi dire.

Hector reprend :

« Ton toubib, il ne peut vraiment pas nous la requinquer notre Rose-Aimé ? »

 

Léon-Angel, arborant sourire tinté de trendresse :

« Le docteur Azincourt, que j’ai le grand honneur de servir depuis tant d’années, n’a jamais fait de concessions avec la vérité, si cruelle soit-elle. Il va enrayer la douleur pour que ta Maîtresse remplisse la mission qu’elle s’est fixée aujourd’hui, sans faire de promesse qu’il sait pertinemment ne pas pouvoir tenir.

Sa probité lui interdit de se prendre pour Dieu, car ce diable d’homme n’a aucune idéologie à vendre, aucune âme à acheter. »

 

A ce moment, un pasteur sort de la chambre de Rose-Aimé et s’adresse à Léon-Angel :

« Et grâce lui soit rendue !!! »

 

Léon-Angel, un peu confus :

« Révérend Salignac !!!

Vous étiez-là ?!? »

 

Hector, résigné :

« Cette fois-ci, elle est vraiment foutue ! »

 

Le révérend Salignac :

« Pourquoi dites-vous cela, Hector ? »

 

Hector, essuyant une larme :

« Ma Maîtresse, ce n’est un secret pour personne, est à la grenouille de bénitier ce que le soleil est à l’ombre, ce que la joie de vivre est à l’obscurantisme !

Si elle a fait appel à vous, c’est qu’elle a compris que le navire de sa vie fait eaux de toute part : donc, elle est foutue ! »

 

Léon-Angel, embarrassé par rapport à Salignac:

« Hector, voyons ! »

 

Hector à Salignac :

« Ho ! Je n’ai rien contre vous, mais il faut admettre que la religion, quand il m’arrive de la caresser, c’est plutôt à rebrousse-poil.

Je n’ai fait qu’une exception dans ma vie, en acceptant d’être parrain, ayant été baptisé catholique alors que je n’avais rien demandé quand je venais de naître… Et pour faire plaisir à une protestante, en plus !!!

Pfffff !! Ce domaine, que je laisse sans regrets à ceux qui aiment s’user les genoux, et s’autoflageller sur l’autel de certitudes qui ont été transmises de générations en générations, plus par chantage qu’autrechose… »

 

Léon-Angel, gêné :

« Révérend, excusez mon ami, il a trop de peine pour mesurer ses propos ! »

 

Azincourt, sortant à son tour de la chambre de Rose-Aimée :

« Ha ! Salignac, j’espère que ces mécréants ne vous ont pas trop bousculés ? »

 

Salignac, souriant :

« Après avoir été plus de vingt ans missionnaire dans les colonies, cette douce épreuve n’est qu’une récréation… Et je ne vois là que de braves gens qui sortent leurs griffes tels des animaux blessés, par réflexe, non par méchanceté… »

 

Hector :

« Manquerait plus qu’on morde ! »

 

Hector à Azincourt :

« Pouvez-vous m’expliquer comment cette femme, qui était en parfaite santé lors du mariage de René et d’Alice le mois dernier, se retrouve sur son lit de mort aujourd’hui ?!? »

 

Azincourt :

« Elle « paraissait » bien portante, mais le mal était en elle depuis bien longtemps. »

 

Léon-Angel :

«  »Cancer » : qu’est-ce donc que cette maladie ? »

 

Hector :

« N’a-t-on pas trouvé de vaccin pour l’éradiquer ? »

 

Azincourt :

« Le cancer, fidèle Léon, c’est l’une des composantes des mutations de ce monde, plus réactive que nous. Vous la dénonciez fort bien dans cette parodie d’anthologie donnée en notre maison de Montreuil il y a deux mois. Ce fléau qui ne date pas d’hier mais bien installé dans ce siècle, semble se repaître des effets indésirables encore inconnus de nos technologies les plus modernes, et se plait à inventer de nouvelles limites, tandis que nous tentons de repousser laborieusement les anciennes…

Il n’y a pas de vaccin, hélas, cher Hector. Que de lourds traitements expérimentaux qui à terme n’auraient que peu de chance d’aboutir, car le mal de Rose est bien trop étendu. »

 

« Va-t-on en fin me sortir de cette chambre, que je puisse faire honneur à mes invités ?!? »

Cette voix n’était autre que celle de Rose-Aimée, alors que l’infirmière qui s’en occupait venait d’ouvrir en grand la porte de sa chambre, laissant sortir Alice, la jeune épouse de René, dont les yeux trahissaient une immense peine.

L’infirmière :

« Madame, soyez raisonnable : il vous faut beaucoup de repos… »

 

Rose-Aimée :

« Adorable Hyacinte, vous me parlez de repos, alors que bientôt j’aurai toute l’éternité pour en profiter !!!

Faites donc appel à quelques solides gaillards, pour aider mon petit René à m’installer sur le sofa central du salon.

Je veux y être installée telle une reine… »

 

Hector :

« Celle de nos coeurs, alors !

Point besoin d’aide,Madame, me voici !

Mes bras sont à votre service et ne laisse à quinconque cet honneur, malgré toute l’affection que j’ai pour Monsieur René, que j’ai tenu sur les fonts batismaux, pour qui ne s’en souvient pas… »

 

Léon-Angel :

« C’est très beau ce que tu dis, mais c’est aussi très con ! »

 

Hector, indigné :

« Pardon ?!? »

 

Léon-Angel :

« Sois lucide mon poteau : t’as eu quel âge aux prunes ?…

On est à « une vache près » comme qui dirait « de la classe » tous les deux, et nos vertèbres, c’est peut-être pas encore du mou de veau, mais de là à faire passer le seuil d’une maison ou d’une pièce à l’une de  nos mignones, fut-elle reine, tel un jeunot qui aurait encore du duvet sur ses petits bras fraîchement musclés : Faut peut-être pas pousser, mon vieux gars !!!

La tronche du  »chevalier servant » qui se pète une hernie, ça risque de faire légèrement « tache d’huile » dans le conte de fée, non ?!? »

 

Au moment où Hector allait se fâcher, Azincourt intervient :

« Hector, soyez raisonnable ! Le lieu est mal choisi pour tirer l’épée et les paroles de Léon ne sont pas dénuées de fondement : admettez-le ! »

 

Rose-Aimée, depuis la chambre :

« Hector, ne faites pas l’enfant et écoutez pour une fois la voix de la sagesse !

Réconciliez-vous avec Léon-Angel et acceptez l’aide qu’on vous propose :

c’est un ordre !!! »

 

Hector, serrant la main de Léon-Angel :

« Bien Madame ! »

Puis à Léon-Angel :

« Bon, ben : sans rancune ma vieille… »

 

Léon-Angel, lui faisant un clin d’oeil :

« Tant qu’on parle pas cuisine…

(remontant ses manches)

On y va ?!? »

 

Les deux compères transportent Rose-Aimée jusqu’au sofa du salon, utilisant la technique de la chaise, sous la direction d’Azincourt.

 

Alors qu’on sonne à l’entrée, René fait signe à Hector qu’il s’en occupe.

En ouvrant la porte, grande est sa surprise, car Théophraste apparait accompagné de son père, « Charles le Catholique »…

Théophraste, à René tetanisé :

« Alors mon garçon : va tu nous faire entrer un jour ? »

 

René, s’exécute, ne quittant des yeux son père au regard fuyant :

« Heu… Bien sûr ! »

 

Hector débarasse les deux de leur manteau et chapeau, précisant à René d’un ton ironique :

« C’est un métier… »

 

René, désapointé :

« Monsieur Théophraste, pouvez-vous m’expliquer ?!? »

 

Théophraste, mettant sa main sur l’épaule de René :

« Je t’ai déjà dit moult fois, mon enfant, de ne pas me donner du « Monsieur » et de me tutoyer !

Tu sais que je te considère depuis le premier jour comme un fils, et malgré ce qui s’est passé avec Chimène, tu le seras toujours dans mon coeur…

Laisse-nous présenter nos devoirs à la Maîtresse de ces lieux, ensuite, nous parlerons. »

 

Les deux font chacun un baise-main à Rose-Aimée.

Charles le Catholique :

« Je n’aurai de cesse de vous remercier, chère Rose ! »

 

Rose-Aimé :

« Ce soir, demain ou après-demain, je verrai Dieu…

Pour se présenter devant lui, l’âme doit être légère, si j’en crois le révérend Salignac.

(Le révérend acquiesce)

Je porte comme un fardeau le regret de cette guerre qui nous oppose.

Il est plus que temps d’y mettre le mot « fin », si vous en êtes d’accord, Charles ! »

 

Charles le Catholique :

« Je ne demande que cela, Rose, mais qu’en est-il de Monsieur mon fils ? »

 

René, le regard sévère :

« Je vois mal ce que vous faîtes là, Monsieur mon Père, notre dernière discution n’ayant supportée aucune équivoque, pas plus que vos comportements de jadis !!! »

 

Charles le Catholique :

« Je constate que même après votre mariage, auquel je n’eus pas l’honneur d’être invité, vous n’avez pas changé d’un pouce ! J’aurais pourtant espéré que votre récent bonheur aurait efface un peu de cette haine farouche que vous entretenez en mon endroit… »

 

Rose-Aimée veut intervenir, mais Azincourt l’en dissuade.

René :

« Prétendez-vous être un martyr et me donner le rôle du tyran ?!?

J’ai vécu le plus épouvantable drame que puisse connaître un enfant : la perte de Maman !!!

J’ai subi le plus effroyable traumatisme, en étant le témoin bien involontaire de l’outrage le plus vil qu’une femme, fut-elle épouse, puisse se voir imposer, la poussant à rejeter un fruit empoisonné en son ventre, preuve de cette avanie, dans un acte désespéré qui devait avoir raison de sa vie…

Mais tout cela n’était pas suffisant, bien sûr, et vous m’avez livré en pâture aux jésuites, plus pour une question d’ego que de vengeance à l’égard des protestants, car l’autorité, le pouvoir, vous les aviez de plein droit !

Vous vous êtes servi de moi alors que j’étais vulnérable et sans défense, uniquement par méchanceté à l’égard de ma famille maternelle dont vous m’avez séparée, sans vous soucier de la détresse qui fut la mienne… Et vous venez ici me faire la morale, me reprochant ma haine ?!?

Vous m’en faites pitié !!!

Vos actes sans gloire sont à l’image de toute votre vie : né trop tard pour la guerre de 70, trop vieux pour celle de 14/18, vos seuls faits d’armes étant d’avoir le don de dilapider une fortune dont vous n’avez même pas gagné le moindre centime, ainsi que de sévir dans une vie superficielle et ô combien inutile !!! »

 

Rose-aimée, très embarrassée :

« René, quel que soit le conflit, on ne parles pas comme ça à son Père ! »

 

Charles le Catholique, autant choqué que peiné :

« C’est bien ce que je pensais, ma cher Rose, les chiens ne font pas des chats, et mon fils fait preuve de la même arrogance, de la même insolence qui furent miennes…

Puis-je lui en vouloir ? »

 

Azincourt à René :

« Qu’allez-vous faire du reste de votre existence ? »

 

René :

« Comment cela ? »

 

Azincourt :

« Il me semble que l’on vient de percer un abcès, mais tant que l’on n’en n’a pas expurgé tout élément infectieux, il reviendra encore plus virulent qu’avant. Vous vous êtes défoulé, certes, mais en retenez-vous quelques satisfactions ? »

 

René :

« Qu’est-ce que cette histoire d’abcès vient faire là-dedans ?

Ce passé que j’ai pris en pleine face,

est-ce moi qui l’ai inventé ?

Est-ce moi qui l’ai voulu ?!? »

 

Azincourt :

« Le passé, du moins ce que vous en connaissez, non… Mais le futur, il sera exactement ce que vous en ferez, et tout se détermine aujourd’hui ! C’est à vous de décider : soit vous vous confortez dans votre rôle de victime, en vous faisant plaindre jusqu’aux restants de vos jours, refusant la main qui vous est tendue aujourd’hui, soit vous essayez de construire quelque chose de positif, ne faisant pas nécessairement table rase de toutes les épreuves subies, mais les ayant assimilées, voire pardonnées. »

 

René :

« Pardonnées ?!? C’est bien commode pour qui offense…

Et surtout bien pratique pour les malfrats et les criminels ! Bientôt, plus besoin de tribunaux, il suffira juste de dire, en mimant la gestuelle d’un mendiant :  »je regrette, je demande pardon, M’sieurs-Dames ! », et le type s’en sort avec la bénédiction de Dieu le Père !!! »

 

Le révérend Salignac :

« Le pardon n’est pas si simple que cela, car il implique un repentir sincère vis à vis de l’offensé(e). »

Il se retourne vers Charles le Catholique :

« Je ne vois en ce lieu que le désir de réconsiliation d’un homme, pas plus parfait que les autres.

Il a fait des erreurs et en demande sincèrement grâce à son fils, en toute humilité…

Tout est requis pour lui accorder ce pardon, la décision vous appartient, mon fils. »

 

René :

« Ce que j’ai subi chez les jésuites, passe encore, mais pour la mort de Maman… »

 

Charles le Catholique, révolté, lui coupant la parole :

« Parceque tu crois que c’est moi qui l’ai tuée ?!?

Demande plutôt à celles qui l’ont guidée dans la salle sordide, où elles l’ont laissée aux mains de cette maquerelle sans hygiene qui lui a trituré le ventre !!! »

Rose-Aimée baisse les yeux, ce qui n’est pas dans ses habitudes, puis Charles reprend :

Je me suis arrangé pour que cette charogne ne puisse plus endeuiller d’autres familles, et si je t’ai confié aux jésuites, crois-le ou non : ce n’était que pour te préserver, que tu ne sois pas témoin de certaines choses !

Et pour ce qui s’est passé avant…

Oui j’ai fauté, je l’admets…

Ce n’était qu’un moment d’égarement…

Et puis j’avais bu…

Je m’y suis pris très maladroitement…

Mais quoi que tu puisses en penser, je l’ai aimée jusqu’à son dernier souffle !

Seulement…

(Il essuie discrètement une larme)

Quand l’amour n’est plus partagé, c’est dur, tu sais…

Mon train de vie ? Parlons-en…

Cela fait trois générations que nous vivons ainsi. Je ne connais d’autres façons d’exister car personne n’a eu le don de me l’enseigner.

D’ailleurs, mon mariage avec ta Maman aurait-il été possible si je n’avais pas eu ce statut : prestigieux pour les uns, mais si inutile et scandaleux pour les autres, selon l’angle d’où tu le regardes ?

C’est comme ça…

Le monde est comme ça…

Je n’y puis rien changer ! »

 

Rose-Aimée à René, alors qu’Alice regarde son Beau-Père avec émotion :

« Il serait temps que tu te fasses à l’idée que seule ta Maman est responsable de sa mort, dans la mesure où la décision d’avorter, c’est elle et personne d’autre qui l’avait prise, ton Père ne sachant même pas qu’elle était enceinte !

Il n’avait jamais perdu l’espoir de redonner à son couple un nouvel élan,  je ne devais le savoir que bien trop tard.

Il entra donc dans une colère folle, lorsqu’il apprit qu’il n’avait pas perdu « un » mais « deux » êtres… »

 

René, déconcerté :

« Il y a beaucoup d’éléments que je découvre dans cette histoire, ma Tante ! »

 

Rose-Aimée :

« Et je n’en suis pas très fière aujourd’hui, car cela a altéré ton jugement.

Cette situation me convenait parfaitement à l’époque car je détestais tellement ton Père, qui en avait autant à mon service !

S’il s’est servi de toi, mon petit,  n’en n’ai-je fait pas de même en m’accaparant ton affection, trop contente de te voir également le haïr ?!?

 

Hector, agacé, prenant la parole à la surprise générale :

 

« Bon, filston, on ne va pas tourner autour du pot comme ça jusqu’à la nuit :

ton « vieux » est plein de bonnes intentions, alors dis-lui « amen », vous vous serrez la pogne et on boit un coup à la santé de la Patronne !!!

C’est vrai, quoi… »

 

Léon-Angel, s’adressant aux convives, dont le silence était la conséquence d’une stupeur indescriptible :

« Trop d’émois, concentrés en si peu d’espace et de temps, ont eu raison de l’esprit de mon camarade… Ne lui en tenez-pas rigueur, je vous en conjure ! »

 

Hector prenant la main de René, puis celle de Charles :

« Mon petit René, je t’ai tenu dans une main quand tu as engueulé ce pauvre curé qui t’avait réveillé en pleine sieste, te balançant un peu de flotte sur le museau au nom de Dieu le Père…

T’avais déjà un foutu carractère, gamin !

J’ai vu cet homme, que tu traites comme une fiante, chialer comme une madeleine, simplement parceque tu étais son môme…

Il tenait la main de ta Maman, et ça avait l’air vachement important pour lui qu’elle ait accepté de faire comme Henri IV en se reconvertissant :

« Paris valait bien une messe ? », leur mariage et ta vie aussi !!!

Si tout le monde était parfait, on serait tous des Saints, seulement voilà : on peut pas être bon dans tous les domaines…

Mon « vieux » à moi, j’avais toutes les raisons de le détester. Un jour, il s’est présenté dans ma turne, et je l’ai jeté comme un étron. Puis on m’a appris qu’il avait calanché… J’avais gardé ma fierté de mâle, de tatoué, de dur, de vrai !

Mais à quoi ça sert tout ça, quand ce que tu reflètes dans la glace ne t’inspire plus que du dégoût, simplement parceque tu t’es comporté comme le dernier des connards, juste au moment où t’avais l’occasion de prouver que t’en n’étais pas un ?!?

Fait pas comme moi, petit…

J’t'en prie : fais pas comme moi !!! »

 

Les mains de Charles et de son fils se rejoignent, avant que les deux ne se tombent dans les bras.

Rose-Aimée, touchée par la scène dit :

« Hector, que serais-je sans vous, mon précieux majordome au langage si fleuri ?

Mesdames et messieurs, accompagnez-donc Charles et René dans la bibliothèque, pour fêter cette réconciliation qui sera la dernière joie de ma vie !

Des cigares, du brandy, du thé et quelques douceurs vous y attendent.

Alice, reste avec moi, j’ai à te parler, mon enfant… »

 

Alice, surprise :

 

« Parler avec moi, ma Tante ? »

 

Rose-Aimée, lui prenant affectueusement la main :

« Assieds-toi près de moi, ma fille.

J’ai appris qu’avant le mariage, tu t’étais entretenue avec Chimène… »

 

Alice, surprise :

« Comment l’avez-vous su ?!? »

 

Rose-Aimée :

« Chimène est venue me voir le lendemain et m’a parlé de toi dans les meilleurs termes. »

 

Alice :

« J’ai ressenti en tant que femme à quelle point elle aime celui dont je devais partager le reste de ma vie, et je me suis demandé si j’avais le droit de construire ainsi mon bonheur, sachant quelle détresse était la sienne. »

 

Rose-Aimée :

« C’est pour cela que tu as failli annuler ce mariage, au grand désespoir de René, lui qui a enfin trouvé en tes yeux son autre ? »

 

Alice :

« Elle m’en a dissuadée, me faisant promettre de le rendre heureux et de lui donner un enfant au plus vite.

Chimène, dont on m’avait décrit le caractère détestable, s’est révélée la plus douce des personnes qu’il me fut donné de rencontrer ! »

 

Rose-Aimée, attendrie, mettant sa main sur le ventre d’Alice :

« A propos d’enfant, je ne t’ai pas vu manger grand-chose depuis ce matin.

N’aurais-tu pas commencé à tenir ta promesse ? »

 

Alice, dont la pudeur lui fait baisser les yeux :

« En effet, 1926 verra naître notre descendance… »

 

Rose-Aimée, rayonnante, lui embrassant le front :

« Bénie sois-tu entre toutes les femmes, car ton coeur est pur !

René est en bonne main, je peux enfin mourir tranquille…

Il me reste encore une chose à régler… »

 

Rose-Aimée agite une cloche, Hector sors de la bibliothèque et dit :

« Ha dites-donc, le révérend Salignac, côté biberon, faut pas lui en promettre !

Le Sieur Charles , si j’ose m’exprimer ainsi, soutient parfaitement la comparaison…

(Sourire de Rose)

Pardon !

Vous m’aviez appelé, Madame ? »

 

Rose-Aimée :

« Oui, apportez-moi donc « les documents »… »

 

Hector s’exécute, sortant un dossier en cuir noir du tiroir d’un secrétaire. Il le tend à Rose, qui lui fait signe de le donner à Alice. Elle l’ouvre et dit :

« Un appartement rue de Panama, une villa et deux terrains en Normandie ?!?

Monsieur Charles déraisonne : c’est trop de générosité !!! »

 

Rose-Aimée :

« Un conseil, ma fille : prends ce que « Beau-Papa » te donne, car tu ne sais pas de quoi demain sera fait,et surtout combien il aura dilapidé dans l’intervalle… »

 

Rose se met à tousser, Hector appelle :

« Ho « Doc », si vous passez dans le coin, jetez un oeil !!! »

 

Azincourt :

« Léon, ma trousse, s’il vous plait ! »

 

Rose-Aimée, suffocante :

« Il…

Il reste…

Il reste encore…

L’ultime détail…

Cette… Fille de 15 ans…

Celle au chapelet… »

dites à René qu’il n’est pas le seul !!! »

 

Azincourt :

« On en reparlera plus tard, si vous me permettez de faire mon travail de médecin ! »

 

Rose-aimée, suppliante :

« Donnez-moi encore une de ces injections, juste le temps de… »

 

Et Rose-Aimée s’éteint, alors qu’Azincourt n’a même pas le temps de lui répondre…

René en larmes se précipite sur le corps inerte de cette Rose « tant aimée », qu’il serre dans ses bras. A cet instant, il se sent réellement orphelin, même s’il a retrouvé son Père, et que

Théophraste lui témoigne toute l’affection du monde…

 

A suivre (dans la 39ème/E)…

( 11 octobre, 2012 )

J’arrive, les gars les filles : il me faut juste encore un peu de temps…

Je viendrai faire un petit coucou sur les blogs amis dans la journée…

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Merci de faire comme dans la chanson, car j’ai encore du texte à écrire.

 

J'arrive, les gars les filles : il me faut juste encore un peu de temps... dans Chronique du temps qui passe...

Allez, je m’y remets, et pour faire patienter les mélomanes, un petit morceau de classique, interprété par la sublime Hélène Grimaud : 

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A plus, les copains-copines : y’a encore du taf !!!

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