« Les anges déchus, les comptables et le père prodigue…«
Chapitre 26 :
L’amour plus fort que tout ?… (6/12)
« Commedia dell’arte !!!«
http://www.youtube.com/watch?v=b5prn9W7xfc&feature=fvwrel
La Traction Avant Citroën du Père Gerbesah était presque arrivée à destination.
Ses passagers : Isabelle et Barnabé discutaient, non sans une certaine tension…
Barnabé :
« Dans quel monde vis-tu, ma pauvre : tu ignorais donc qu’aux États-Unis, on pratique la discrimination raciale ?!? »
Isabelle :
« Je le savais bien sûr !
J’avais tellement espéré que Peter ne fasse pas partie du lot… »
Gaston (Gerbesah) :
« Y t’as écrit quoi exactement »l’ostrogoth », pour te met’ dans des états pareils ?!? »
Barnabé, prenant la parole à sa place :
« Pas difficile à deviner : quand Mademoiselle a annoncé à son »Robin des Bois » qu’elle comptait épouser un Antillais, Môssieur a répondu :
« Épouser un homme de couleur, vous plaisantez, ma chère !!! »… »
Gaston, à Isabelle :
« Et tu comptes lui répondre à c’te grand couillon ?!? »
Isabelle :
« Ha ça : plus jamais… »
Et elle se replongea dans cette discussion de la veille qui l’opposa à ses parents, dans la villa qui portait son nom, comptant sur le soutien de Tante Geneviève…
Isabelle, qui venait juste de terminer la lecture de la lettre de Peter à son père :
« Oui : l’homme que j’aime et avec qui je veux fonder une famille a la peau noire !!! »
René :
« Et bien…
Il ne manquait plus que ça… »
Alice :
« Tu comptes avoir des enfants avec ce…
Enfin…
Cet indigène des colonies ?!? »
Isabelle :
« Les Antilles sont devenues des départements français depuis l’année dernière, Maman !
Barnabé est donc un citoyen avec les mêmes droits que n’importe qui en France… »
René :
« Peut-être, mais…
Il est…
Enfin,
il n’est pas tout à fait comme nous, quoi !!! »
Tante Geneviève (la bonne soeur) :
« C’est avant tout une créature de Dieu, ne l’oublions-pas ! »
René :
« Pfff !!! Si l’église s’en mêle… »
Isabelle, embarrassée :
« Justement, en parlant d’église… »
René, le regard horrifié :
« Ne me dis pas qu’il est « pasteur » ou quelque-chose comme ça, en plus !!! »
Isabelle, retrouvant le sourire :
« Ça ne risque pas…
A part toi, je ne pense pas avoir connu une personne plus réticente à l’égard des religions, quelles qu’elles soient !!! »
René, arborant le même sourire :
« Ho !!! »
Soeur Geneviève, déçue :
« Ha ?!? »
Isabelle :
« Mais le mariage sera quand-même célébré à l’église… »
Tante Geneviève :
« Ha !!! »
René :
« Je m’y étais fait, moi, à l’idée que Peter devienne notre gendre… »
Alice :
« Il faut avouer que c’était un bon parti : avec lui ton avenir était assuré ! »
Isabelle, outrée :
« Et c’est toi, Maman, qui me dit ça ?!?
Ainsi, dans votre esprit, Je n’étais pas la petite correspondante
qui échangeait innocemment des lettres avec un soldat, héros de la Libération, mais juste une fille à marier, à mettre sur le marché comme une vulgaire marchandise ?!? »
René, sévère :
« Je ne te permets pas de nous parler sur ce ton !!! »
Isabelle :
« En vertu de quoi ?!?
Du droit des femmes à se taire et de celui des hommes à les traiter plus bas que terre, de les rendre malheureuses jusqu’à ce qu’elles deviennent veuves, donc :
enfin libres et épanouies ?!? »
http://www.youtube.com/watch?v=roDeNkSfgWU&feature=related
Alice :
« Isabelle, mon enfant : tu vas trop loin… »
René :
« Tu viens ni plus ni moins de me traiter de « négrier » !!!
Fais attention, car tu as beau avoir vingt et un ans,
je peux encore te donner une gifle… »
Isabelle tends la joue et dit :
« Fais-le et ce sera la dernière : car plus jamais tu ne reverras ta fille unique !!! »
Alice, contre toute attente :
« Et tu te retrouveras seul, René, car il est hors de question que tu me sépares de mon enfant ! »
Tante Geneviève :
« Allons-allons : ne cédons-pas à la violence ni à la colère ! Tâchons d’ouvrir nos coeurs plutôt que de les fermer… »
René, atterré :
« C’est un cauchemar : je suis en train de dormir et je ne vais pas tarder à me réveiller… »
Alice :
« Te réveiller ?!? Il serait bien temps, tiens !!!
Si ta fille préfère se jeter dans les bras d’un nè… Heu…
D’un homme de couleur,
au lieu de saisir l’occasion de faire un beau mariage avec
« quelqu’un de normal », nous ne pouvons nous en prendre qu’à nous-même ! »
René :
« Ha ça, c’est la meilleure !!!
(il se retourne vers sa soeur)
Tu vas voir que ça va être de ma faute… »
Isabelle :
« Maman : il ne s’agit pas de… »
Alice lui coupe la parole, s’adressant à René :
« Ta faute ? Oui !!!
Mais la mienne aussi…
Un couple est sensé vivre heureux et en harmonie, non ? »
René :
« Et alors, où est le problème ? »
Isabelle :
« Papa, Maman, Je voudrais quand-même préciser que… »
Alice, lui recoupant la parole :
« Attends, ma fille…
(Puis, à René)
Tu n’as jamais réussi à comprendre qu’une Maman et une épouse,
c’était pas la même chose !!!
Ta vie, c’est un deuil perpétuel depuis la perte de ta Mère, mais que devrais-je dire, moi, qui n’ai jamais connu mes parents ?!?
Comment veux que la petite ait envie de fonder une famille « conventionnelle », quand tu n’arrêtes pas de faire une gueule d’enterrement du soir au matin, et ce, depuis 1925, dès le premier jour de notre mariage ?!?
Les autres familles, elles, ne célèbrent la Toussaint qu’une fois par an, nous : c’est 365 jours, et je te fais grâce des années bissextiles !!!
Pour l’épanouissement de notre fille, on pouvait rêver mieux… »
René, outré et surtout complètement dépassé amorça une sortie, se dirigeant vers la porte, mais Isabelle se mit en travers.
En croisant son regard, il eut le sentiment que ce n’était plus celui de sa fille mais les yeux du diable en personne, ce qui le paralysa un moment…
Isabelle :
« Tu ne t’enfuiras pas une fois de plus, comme tu l’as fait si souvent à la moindre contradiction…
Il s’agit de mon avenir, j’ai des choses très importantes à dire : personne ne sortira et je ne veux plus être interrompue !!! »
Tante Geneviève avait pris son frère René par les épaules et l’avait guidé vers son fauteuil en cuir. Il était plus groggy que le jour où il avait reçu le crochet au foie dans cette bagarre mémorable qui l’avait opposée au « boxeur »…
Pour lui, tout venait de foutre le camp,
à part cette main qui prit tendrement la sienne.
C’était celle d’Alice, son épouse venue s’assoir à côté de lui, dont il n’imaginait pas qu’elle put un jour faire preuve de tant de caractère !
Il prit conscience en cet instant que dans un couple, rien n’était acquis définitivement, et qu’une fille, ça devient inévitablement une femme !!!
C’était elle qui allait imposer ses conditions et planter les jalons de son avenir…
A suivre…