« Les anges déchus, les comptables et le père prodigue…«
Chapitre 22 :

L’amour : plus fort que tout ?… (2/12)
A l’intérieur de sa « traction arrière Citroën », notre quinquagénaire s’adressait à nos deux amoureux qui n’arrêtaient pas de se confondre en excuses :
« Bon ben, ça va la marmaille ! J’ai été jeune, moi aussi… Même si mon parcours n’est pas l’exemple rêvé, car pour mes vingt ans : j’aurais préféré qu’on me propose de conquérir une autre fiancé que…

…La « Grosse Bertha »;
tu parles d’une nuit de noce !!! »
L’homme s’appelait Gaston Gerbesah, plombier de son état et surtout ami de la famille.
Il avait vu arriver Réné, Alice et la petite Isabelle début 1940

quelques mois avant la débâcle,
ce qui explique pourquoi toute la petite famille avait fait le trajet inverse des autres, c’est à dire vers le nord,

très loin de la Zone libre !
Mais tout le monde, mon Grand-Père en tête, n’avait pas le don de lire dans l’avenir…
René « l’électricien » et Gaston « le plombier » avaient vite sympathisé. Ils étaient tous deux « manoeuvres » dans deux disciplines différentes, ce qui les rendaient complémentaires et soudait une amitié « confraternelle ».
Comme tous les civils de France, les deux furent étonnés qu’une armée puisse reculer aussi vite, face à un ennemi à qui nous avions quand même repris l’Alsace et la Lorraine vingt-deux ans plus tôt, non sans un certain orgueil; celui-là même sur lequel la Nation avait planté des lauriers où elle s’était endormie !

Nos uniformes n’avaient pas changés, tandis que l’ennemi défait de « 18″ avait refait sa garde-robe et motivé ses troupes terriblement réarmées,

au sein d’un nationalisme exacerbé
qui nous atomisa, faisant encore débats bien des années plus tard, entre deux réconciliations…
http://www.dailymotion.com/video/x8mb50_brassens-les-deux-oncles_music
Que ce soit avant ou après la libération, les deux ne manquèrent jamais de travail, ce qui indisposa quelques personnes anonymes, qui envoyèrent quelques lettres du même nom aux nouvelles autorités de la « France Libre ».
Les deux furent convoqués à la gendarmerie.

Afin d’éviter les exécutions sommaires locales, le Général De Gaulle avait mandaté des représentants faisant autorité au sein du gouvernement de la France Libre.
Ceux-ci devaient gérer les dossiers déterminant qui avait collaboré avec les Allemands, pour être traduits en justice si besoin.
Le commissaire Beaufort était venu de Paris et avait dû installer son Q.G. dans la gendarmerie, car Tigreville ne possédait pas de commissariat et la Mairie était en ruine.
Commissaire Beaufort :
« Si je vous ai convoqué, Messieurs, c’est que plusieurs courriers vous accusent tous deux d’avoir collaboré avec l’ennemi pendant l’occupation, en réalisant des chantiers pour lesquels vous auriez été confortablement rétribués… »
Gaston Gerbasah :
« Vous pouvez causer français, si c’était un effet d’vot’ bonté, M’sieur l’commissaire ? »
Puis se retournant vers René
« Tu comprends c’qui dit l’parigot, toi mon René ? »
René :
« Hélas oui ! »
Beaufort :
« Qu’avez-vous à dire pour votre défense ? »
René :
« Rien, si ce n’est que nous n’avions d’autres choix que d’accepter les chantiers que la kommandantur nous proposaient, sous peine de représailles ! »
Gaston :
« Faut vous dire qu’avec nos bourgeoises et la marmaille,

jouer les cow-boys :
on s’en ressentait ni l’un ni l’autre !!! »
René :
« D’autant que j’ai été réformé pendant mon service militaire chez les chasseurs alpins, parceque j’avais le souffle court (en fait il était asthmatique, ce qu’on ne découvrira que bien plus tard) et que lors de la séance de tir : j’ai tout mis dans le plafond, au grand désespoir de l’instructeur !

Sûr, j’aurais fait une belle recrue dans le maquis !!! »
Beaufort, fronçant les sourcils :
« Dites, vous deux : vous ne seriez pas en train de vous foutre de moi ?!?
Parce-que, si vous voulez jouer au con… »
Gaston :
« Ben non, à ce jeu-là, vous savez bien qu’on fait pas le poids ! »
René :
« Et puis, c’est pas le genre de la maison : on n’oserait surtout pas mettre en doute les capacités intellectuelles d’un commissaire qui accuse des honnêtes citoyens sur des « on-dit », dont on ne connaît pas les auteurs… Ces mêmes qui ont probablement attrapé « la crampe de l’écrivain » entre 1940 et 44, des témoins de moralité en quelque sorte !!! »
Gaston :
« Témoins… Témoins ?!? Faudrait déjà déjà les trouver, parc’qu’on sait pas qui c’est ces cons-là ! »
Beaufort, blessé dans son orgueil :
« Ça va chier pour vos matricules, espèces de rigolos !!! »
Une voix se fit entendre :
« Beaufort : vous n’avez rien de mieux à vous mettre sous la main qu’un héros de 14/18 et un honnête citoyen dont le potager a alimenté la résistance locale ?!? »
C’était le commandant de la gendarmerie, un des chefs de la résistance locale.
Beaufort :
« Comment je pouvais le savoir ?!? »
Le commandant :
« En faisant votre travail, mon bon !!! »
Barnabé captivé, à qui Gaston racontait l’histoire pendant le trajet :
« Finalement, vous l’avez échapé belle ! »
Gaston :
« Tu l’as dit bouffi !!! Et depuis, je préfère les animaux aux hommes, n’en déplaise à M’sieur l’curé… »
Barnabé lança un regard vers la banquette arrière où était installée Isabelle, qui avait écouté l’histoire qu’elle connaissait déjà.
Pourquoi était-elle si triste alors que les deux amoureux étaient réunis, ce qui aurait dû la remplir de joie ?…
A suivre…