( 14 juin, 2011 )

Nineties : « Puisqu’il fallait bien continuer… » (26ème partie…)

« Les anges déchus, les comptables et le père prodigue…« 

Chapitre 24 :

Nineties :

L’amour, plus fort que tout ?… (4/12)

 dans Et mes souvenirs deviennent ce que les anciens en font.

« Une confidente bien utile…« 

Isabelle avait garé son vélo le long du trottoir de la boulangerie, en calant la pédale pour qu’il reste debout.

C’était bien la première fois depuis le 6 juin 44 qu’elle avait décidé d’en franchir le seuil, après le drame qui s’y était déroulé.

Mais revenons quatre ans en arrière, en 1940…

René, nouvellement installé à la villa Isabelle, avait été sollicité en sa qualité d’électricien pour effectuer des travaux à la boulangerie, chaudement recommandé par son nouveau voisin et ami Gaston Gerbesah.

Cela ne pouvait pas mieux tomber, car les économies fondaient fondaient comme « neige au soleil », en cette période où les rectrictions ne faisaient que commencer.

Prosper, le patron, avait la bonhomie de l’homme de cinquante ans qui avait réussi sa vie.

 dans Saga familiale

Il avait perdu sa première épouse ainsi que l’enfant qu’elle tenta de mettre au monde, en cette sombre année 1926. La vie n’ayant plus de sens pour lui, il eut pour la première fois la tentation d’y mettre fin. Mais ce n’était pas si évident : il fallait en avoir le courage… Ou bien l’inconscience ?

Allez savoir !

Notre ami Gaston, lui, ne se posait pas ce genre de question, et depuis la Grande Guerre où il avait été mariculeusement sauvé, il avait secoué son copain pour lui dire que cette putain de vie valait quand même le coup d’être vécue, malgré les coup de pied au derche qu’elle se plaît à vous donner, c’te garce !!!

Prosper avait échappé à la mobilisation de 1914 (il avait 24 ans) car il avait été victime d’un accident de la voie pubique quelques mois auparavant. Il fut dit que c’est sa solide constitution qui le sauva. Il pesait le quintal et atteignait facilement le mètre quatre vingt dix. Aussi fort qu’un taureau, personne n’avait songé à le contrarier au café, où il s’octroyait des récréations bien méritées !

Mais il n’usait pas de son physique à des fin belliqueuses, car il était le plus brave des hommes…

A la caisse du bistrot, une jeune femme nommée Mariette,  venue de la ville, enfin : d’une autre ville, se faisait de plus en plus tendre avec notre ami Prosper. Elle avait quinze ans de moins que lui, mais cette union fut encouragée par une bonne partie de la population qui ne voulait pas voir partir celui qui faisait du si bon pain !

De ce fait, elle planta ses jalons et devint la caissière, puis l’épouse de Prosper, qui retrouva une raison de vivre.

Gaston, son témoin, était heureux pour lui.

Hélas…

Prosper comprit qu’il s’était fait berner, car ce n’était pas le coeur qui guidait sa belle, mais un organe situé un peu plus bas !

Lors de son veuvage, il avait bien fallu engager un mitron, car Prosper ne pouvait assurer le travail tout seul. Il en était d’ailleurs fort satisfait, malgré que le jeune homme soit d’une timidité maladive, donc souvent très maladroit.

Mariette trouva le moyen de le guérir de ses démons, elle qui les avait au corps !!!

Un service rendu pour un autre ?

Mais pour le couple, quelque-chose d’irréversible portant le nom de « sévices » !!!

C’est en poussant la porte de cette boulangerie que René et sa fille firent intrusion dans l’univers impitoyable

de Mariette, femme vénale et adultère,

mais qui avait la beauté du diable !

Incorrigible, elle avait essayé ses charmes sur René qui n’y était pas insensible, mais préférait amplement l’amitié de Prosper aux appétits lubriques de cette créature !

Et puis, Alice veillait au grain, car son mari avait beau être correct, il n’était qu’un homme, après tout… Et les hommes parfois sont si faibles !!!

Quatre années passèrent jusqu’à ce 6 juin 1944, et trois autres encore jusqu’à ce qu’Isabelle se retrouve aujourd’hui au beau milieu de ses souvenirs…

Elle eut un petit pincement au coeur en entrant dans cette boulangerie qu’elle connaissait depuis ses treize ans.

Lorsqu’elle revenait du pensionnat, elle aimait bien aller chercher le pain pour raconter à Prosper ce qu’elle avait vécu dans la semaine.

Il lui donnait chaque fois un bonbon ou une confiserie.

Il y avait une grande complicité entre les deux.

Si son enfant n’était pas mort à la naissance, « il » ou « elle » aurait le même âge qu’Isabelle.

Mariette, beaucoup plus motivée par ses toilettes et le contenu du tiroir-caisse que par les relations humaines, était agacée par cette relation.

Au fil du temps, elle voyait cette petite fille innocente dont le corps se transformait, comme le veut la nature, avant que l’adolescente ne devienne femme.

Elle en devint même jalouse !

Les oeillades coquines de Mariette échangés avec le mitron faisaient de la peine à Isabelle, qui avait oublié d’être aveugle. Elle préférait ne pas imaginer ce qui se passait dans l’arrière boutique.

Pauvre Prosper : il ne méritait vraiment pas ça !

La femme joua les veuves éplorées juste le temps de donner le change au public, lorsque Prosper fut tué dans les premiers bombardement du 6 juin 44.

Que faisait-il dans la rue à ce moment-là, au lieu de rejoindre les abris ?

Pour Isabelle, il n’y avait aucun doute : pas d’enfants, pas de vie amoureuse ni de tendresse, juste le droit de travailler du soir au matin… C’était bien un suicide qui ne portait pas son nom !

Il n’y a que dans les romans que les choses se terminent bien, et Pagnol n’avait hélas pas écrit le script de la vie du pauvre Prosper, même s’il était boulanger…

Isabelle n’entendrait plus le disque qu’il lui passait, tout simplement parque les paroles évoquait Paris, ville de naissance de celle qu’il appelait affectueusement « sa petite fille ».

http://www.youtube.com/watch?v=7SfkrvNVqMc

Ainsi, « Madame » put coucher avec son amant, qui avait dès lors chaussé les pantoufles de son patron et réchauffé son lit, en toute impunité, sans honte !!!

René et Alice furent surpris du refus de leur fille d’aller chercher le pain à partir de cette date…

Trois ans plus tard, la patronne était toujours derrière sa caisse, l’ex mitron commençait à avoir la bedaine et l’oeillade coquine était destinée à un nouvel employé.

Fit-elle semblant de ne pas reconnaître Isabelle en lui tendant la miche de pain ?

Peu lui importait…

En reprenant son vélo, elle eu un sourire narquois en pensant à l’arrière boutique :

si les murs pouvaient parler !!!

Il fallait traverser la grand-route, passage dangereux, pour rejoindre la villa familiale.

Le facteur s’apprétait à mettre le courrier dans la boîte, mais le remit directement à Isabelle qui le remercia.

Elle ouvrit sur place une lettre venue des États-Unis, la lut, puis la referma, très contrariée…

Alors qu’elle rangeait son vélo en fronçant les sourcils, elle reconnut la voix de Tante Geneviève :

« Comme tu as de la chance : le temps passe et tu embellis de jours en jours !

viens m’embrasser… »

Isabelle s’éxécuta, regarda alentour puis dit :

« Papa et Maman sont absents ? »

Geneviève :

« Ils sont juste à côté, chez Gaston.

« Je crois qu’ils mettent au point les préparatifs pour loger ce jeune homme que tu dois leur présenter… »

Isabelle :

« Ha, tu es déjà au courant ? »

Geneviève :

« René et Alice se font une joie de ces fiançailles ! »

Puis, voyant Isabelle soudain embarrassée :

« Quelque-chose ne va pas, mon enfant ?… »

Isabelle ne put retenir ses larmes, Geneviève la pris dans ses bras :

« Allons dans ma chambre et confie-moi les secrets qui te rongent… »

Isabelle, se sentant libérée et en confiance, se livra à une confession complète et détaillée, assise à côté de Geneviève qui lui tenait la main; en ces instants où le coeur s’exprimait avec toute la sincérité du monde, ce n’était plus Tante Geneviève qui l’écoutait et partageait avec elle, mais soeur  »Soeur Marie Geneviève des Anges »…

Elle parla de Barnabée, bien sûr, et sans rien cacher, mais aussi de cette lettre qui l’avait terriblement déçue !

 

A la fin de l’entretien, Geneviève se recueillit, Isabelle en fit autant.

Par l’intensité de ce silence, il y eut « communion entre les deux femmes dont l’une était  »le confesseur » et l’autre  »le confessé »…

http://www.youtube.com/watch?v=4XwieZNtJzM

Puis, rompant enfin le silence, Geneviève dit :

« Dieu, créateur de toute chose, ne reconnaît qu’une couleur : celle de l’amour !

Il ne peut que bénir cette union, même si vous avez précipité certaines choses avant le mariage… »

Isabelle :

« Dieu, je n’en n’ai jamais douté, mais tu connais Papa !

Quand il va savoir que Barnabé est noir, il risque de nous faire une crise d’apoplexie sur place !!!

Et quand il va connaître les propos de cette lettre, tenus par Peter : j’ai bien peur que cela ne l’achève, lui qui gardait espoir de me voir un jour fiancé avec lui… »

Mais qui était-donc ce « Peter », bel homme américain ressemblant à Errol Flynn, avec lequel Isabelle entretenait une correspondance, et dont elle avait la photo ?

 

A suivre…

10 Commentaires à “ Nineties : « Puisqu’il fallait bien continuer… » (26ème partie…) ” »

  1. FANETTE dit :

    Bonsoir Jean-Jacques
    Ha ha ce Peter etait peut être un amoureux transi tient pardi
    En attendant si j’ai bien tout compris c’est Barnabé qu’elle aime hein alors vive la fête
    bonne soirée Jean-Jacques
    bisous

    Dernière publication sur FANETTE : lll

  2. Bonjour FANETTE,

    Et oui, c’est bien Barnabé dont Isabelle (Maman) était amoureuse…
    Ce Peter aura sa place de choix dans l’épisode suivant. Il était le gendre idéal pour un père de famille de l’époque, mais « chuuuuuuuuut ! », ne dévoilons pas trop tôt la suite, hum-hum !!!

    Bisous,

    Jean-Jacques.

  3. canelle49 dit :

    Bonsoir JJ,

    te lire est un délice, voilà, cela n’a pas tellement changé dans notre monde, je crois entendre tous ces racistes qui ne cessent de dire, honte à ces femmes qui épousent des noirs ou des arabes ou….. comment peut-on oser parler de cette manière, alors que l’amour unit ces couples ? Comment juger encore et toujours avec haine ces couples mixtes, qui pourtant selon les sondages ont bien moins de divorces que les autres couples.

    Si tous pouvaient comprendre que nous sommes avant tout des êtres humains et que pas un seul être humain dans ce monde ne peut prétendre être supérieur à un autre, si tous pouvaient comprendre que nos différences de cultures et de religions ne sont qu’enrichissement, alors enfin la paix et l’amour ferait de ce monde un paradis.

    Bisous JJ, merci pour ta belle plume.

    Helene

    Dernière publication sur air du temps : Un cri d'amour !

  4. La couleur de l’amour,beau sujet en perspective !!!,je m’y attele,suite toujours aussi passionnante,tu nous tiens en haleine,
    salut à toi Jean-Jacques.

    Dernière publication sur Chasseur d'Images Spirituelles : La vie est bien triste à ce jour

  5. jcn54 dit :

    Encore un épisode savoureux !
    Merci Jiji pour ces souvenirs que nous vivons pleinement des tes récits.
    Je te souhaite une excellente journée.
    Amitiés.
    JC

    Dernière publication sur Jean Claude's news : Un ange parmi les anges

  6. Bonjour Hélène,

    Je suis en train de restructurer l’épisode dont je t’avais parlé et que j’avais écrit lors de mon hospitalisation entre mars et avril… Ce sera la 27ème partie, donc le prochain épisode : ce jour fatal où mon Pâpâ (qui n’était pas suédois, comme on l’a compris ;) ) fit son apparition officielle dans le monde chaotique que formait la famille de René, mon Grand-Père, ce héros au regard pas si doux que ça…
    Et Alice, qu’on n’a pas beaucoup entendue jusqu’à présent va enfin s’exprimer en toute liberté !

    [Chuut !!! J'va pt'êt pas tout raconter à c't'heure, sinon j'aurai plus ren à dire pour heu'd'main...]

    Merci pour ta fidélité, ton intérêt et surtout pour être ma muse, celle qui a dit :
    « Mais pourquoi n’écris-tu pas ce livre sur l’histoire de ta famille ? »

    Et toc : voilà comment on se retrouve à partager des souvenirs avec les copains et les copines !!!

    Et tu sais pas ? J’y prends de plus en plus de plaisir…

    Bisous,

    Jean-Jacques.

  7. Salut Loïc,

    Le prochain épisode, je vais te le « chiader », comme on disait aux Beaux-Arts concernant une oeuvre qu’on créait et que l’on voulait plus aboutie que les autres…

    Amitiés,

    Jean-Jacques.

  8. Salut JC,

    Merci à toi aussi !!!

    C’est merveilleux d’être encouragé à faire quelque chose qu’on aime et qui fait plaisir à ceux qui viennent me faire l’amitié de jeter un oeil…

    Amitiés,

    Jean-Jacques.

  9. canelle49 dit :

    Bonjour JC,

    Que je suis heureuse d’avoir un peu fait que tu nous offres ta belle plume et surtout que tu y prennes du plaisir, le plaisir que tu y prend n’a d’égal que le plaisir que j’ai de te lire, merci pour ce beau cadeau, car te lire est un réel bonheur!

    Gros bisous, Helene

    Dernière publication sur air du temps : Un cri d'amour !

  10. canelle49 dit :

    JJ pardon faute de frappe (sourire)

    Dernière publication sur air du temps : Un cri d'amour !

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