Eigthies : du flash-back comme s’il en pleuvait… (6ème partie)
« Elle est épatante, cette petite femme-là…«
Ou :
« Echanger un regard n’est pas tromper !«
http://www.youtube.com/watch?v=IREvB7j_hsc
« Centre des Moines » : 1987.
Nous étions lundi matin et je me rendais à mon travail, au « Centre des Moines » [on l'appelera comme ça], un établissement de rééducation et de réadaptation créé en 1982.
Nous étions lundi et j’entamais ce début de semaine, à six heures du matin, dans la joie et la bonne humeur…
« Tu sais mon vieux : tu feras sûrement la plonge et tu auras un balai à la main. »
Ainsi parlais Mr Balthazar trois ans plus tôt, un collègue et ami de Maman, qui m’avait organisé un rendez-vous avec le directeur du centre, qui était également un de ses amis.
Moi :
« Aucun souci, du moment que je trouve un travail ! »
C’est ainsi qu’après l’entretien de 1984, je fis des remplacements de plus en plus nombreux avant d’être titularisé comme agent de collectivité en 1987.
Bureau de la surveillante générale, avril 1984.
Elle :
« Je vais vous intégrer dans une équipe de gériatrie. Je pense qu’il faudra éviter de dire que vous êtes fils de médecin et que vous avez fait les Beaux-Arts. Vous risqueriez d’être impopulaire, particulièrement auprès de vos collègues agents de collectivité… »
Moi :
« Aucun problème, Madame, mais je tiens à préciser que le statut de mes parents n’est pas le mien, et n’ayant jamais réussi à obtenir le moindre examen, je ne vois pas pourquoi je devrais me sentir supérieur aux autres. »
Elle :
« Vous n’avez pas d’examens, mais on voit tout de suite vous avez une certaine culture… »
Moi, presque rouge, impressionné par son regard :
« Vous me flattez, Madame ! »
http://www.youtube.com/watch?v=VFfgK1gdZ2o
Elle avait pris l’ascendant sur moi, non par son statut de dirigeante, mais par le charme qu’elle dégageait.
Ha ! les femmes de 40 ans, ça me poursuivait…
Avant de terminer l’entretien, elle dit :
« Vous savez que le personnel est à majorité féminin : ça ne va pas vous poser problème ? »
Moi, essayant de me re-concentrer :
« Vous pouvez être rassurée : je n’ai été élevé que par des femmes, alors… »
Elle, un brin nostalgique :
« Vos parents sont divorcés ? »
Je lui répondai par l’affirmative.
Elle me présenta à l’équipe, qui semblait la craindre.
Il est vrai qu’avec le temps, je constatai qu’elle avait un foutu carractère !
Mais quel charme…
Une collègue :
« Son divorce ne l’a pas rendu plus aimable, c’est le moins qu’on puisse dire !!! »
Bon sang : mais c’est bien sûr… Voilà pourquoi elle avait posé la question concernant mes parents !
Même à l’amiable, un divorce se passe rarement comme dans la chanson de
Gérard Lenormand :
http://www.youtube.com/watch?v=5gYw7VHx4Ok
Le plus grave, c’est quand la haine dépasse la nostalgie, jusqu’à engendrer tant de choses sordides… Si sordides …
1987 fut la plus belle année de ma vie, car on me remis mon C.D.I. : contrat à durée indéterminée : « yes » !!!
De plus, c’était l’année où j’allais avoir trente ans, un certain Yves me laissait entrevoir des jours heureux :
« Qu’est-ce que c’est bien d’avoir trente ans
On se moque de l’air du temps
On est encore dans la jeunesse
A cheval sur les souvenirs
On a le temps de voir venir
La vieillesse
On parle beaucoup des tourments
Des problèmes avec les enfants
Des querelles et des jours de peines
Mais quand parfois on est content
Qu’est-ce que c’est bien d’avoir trente ans
Quand on aime
On croit toujours que les tourments
Font cortège avec les printemps
Qui se posent sur nos épaules
Mais la légende a fait son temps
Moi je suis plus heureux qu’avant
Comme c’est drôle
Qu’est-ce que c’est bien d’avoir trente ans
Quand je repense à tout ce temps
Je me souviens de ma détresse
De mes premiers chagrins d’amour
Des années tendres au coeur si lourd
De tristesse
J’aurais donné toute ma vie
Pour être plus vite aujourd’hui
Pour échapper à mon silence
J’ai gravi les marches du temps
Qu’est-ce que c’est bien d’avoir trente ans
Quand j’y pense
On croit toujours que tout s’éteint
Que le temps défait les chemins
Que les rues sont toujours les mêmes
Mais la légende a fait long feu
Moi mon chemin c’est un ciel bleu
Et je t’aime
Si je t’écris ces mots d’amour
C’est pour te dire que si un jour
Je t’ai fait pleurer, ma tendresse
C’était les derniers soubresauts
De mes peurs et de mes sanglots
De jeunesse
Et puis pour dire à ton petit
Dont les yeux se sont assombris
Que j’ai pleuré pour des nuagesQue j’ai passé par son chemin
Avec ma tête entre mes mains
A son âgeJe t’ai attendue bien longtemps
Mais pour t’aimer plus tendrement
Je n’ai plus rien qui me retienne
Je n’ai plus mal à mon passé
le présent a tout effacé
De mes peines
Mais j’ai toujours mon coeur d’enfant
Et pour s’aimer tout simplement
Qu’est-ce que c’est bien d’avoir trente ans »
(Yves Duteil)
Ainsi, j’avais enfin l’assurance d’avoir un salaire qui tombait tous les mois : ça change une vie, pariculièrement quand on a une « relative » sécurité de l’emploi.
Je n’avais donc aucune raison de faire la gueule en arrivant le matin au boulot, où je retrouvais les patients de ce service de rééducation d’où le CDI s’était libéré.
La surveillante générale avait quitté le centre pour s’installer dans une autre ville avec son nouveau compagnon.
Les filles m’avaient décoché quelques petites phrases du style :
« Elle va te manquer, ta fillancée ! »
Moi :
« Hein ?!? Vous parlez de quoi ?… »
Une collègue :
« Hum, tu sais bien ! »
Moi :
« Rien du tout ! Enfin, franchement, soyons lucides : vous imaginez qu’une cadre supérieure peut se permettre d’avoir une aventure avec un « ramasse-bourrier » (terme qu’avait utilisé une patiente démente à mon égard et qui m’avais fait beaucoup rire) ?!? »
Comme elle voyaient que la conversation commençait à me les briser menu, comme disait Audiard, elles continuèrent :
« Une femme qui divorce en manque d’affection : tout est possible ! »
Moi :
« Bon, les Ménie Grégoire du dimanche, là : j’ai assez d’emmerdements comme ça et je ne suis l’homme que d’une seule femme !!!
Il me semble que nous avons du travail, non ?!? »
Pendant qu’elles s’éloignaient en riant et que je levais les yeux au ciel, une patiente passait en boucle un tube qui cartonnait depuis 1986 :
Celui de la belle Julie…
http://www.youtube.com/watch?v=9E5txW7zzQ0
Et pendant ce temps-là Marianne avait pris une journée, soit-disant incapable de travailler car trop déprimée…
Elle avait téléphoné dans le service pour me prévenir, ce qui indisposait ma nouvelle surveillante autoritaire.
Un jour, elle m’avait dit :
« Vous ne rentrez-pas chez-vous, Jean-Jacques ? Vous avez pourtant terminé depuis un moment ! »
Moi :
« Ha oui ! Bon : je vais rentrer… »
C’est à ce moment, qu’elle comprit qu’il y avait un malaise dans ma vie affective.
A suivre…