CIVILISALIS (4)
Épisode n° 4 : « Épître de Réfractus aux mutants (Partie 1)«
Chapitre 4 : « Flash Back en plein épître.«
Sur Alternatis, la base de Rétractus, il y avait une foule qui semblait attendre un évènement. A sa tête, les mutants étaient en première ligne.
Probus, le premier ministre et ami de Réfractus :
« Je crois que l’on nous attend, cher Réfractus… »
Réfractus, faisant des schémas sur un tableau et se grattant la tête :
« Comment cela ?… Aurais-je omis une de nos innombrables réunions ?!? »
Probus :
« Celle-là n’était pas prévu au programme… Mais elle est la conséquence directe de ton désir de faire plaisir à tout le monde, en disant « amen » à toutes les revendications ! »
Réfractus, soupirant et grimaçant :
« Peux-tu me traduire, mon bon Probus ? Je t’avoue que mes neurones sont un tantinet éprouvés, ces derniers temps (surcharge de travail ! )… »
Probus :
« En accordant le droit de mariage et d’adoption aux homosexuels (ta dernière initiative qui n’a pas fini de faire jaser dans les cantons interstellaires), tu t’es mis à dos toute la communauté religieuse ! »
Réfractus :
« Écoute-moi bien : la communauté religieuse, ce n’est pas ma priorité en ce moment…
D’ailleurs, j’ai toléré leur présence sur Alternatis, ni plus ni moins ! S’ils ont envie d’aller prospecter ailleurs que dans mon périmètre d’action, ils auront ma bénédiction !!! »
Probus :
« Je ressens comme un « léger courroux » dans ton phrasé… »
Réfractus :
« Tu peux le dire !!! J’enrage de savoir que ce qu’ils appellent leur « béatitude » ne consiste qu’à restreindre au quotidien toutes les libertés et plaisirs de nos sujets… Ils ne souhaitent faire de l’humain qu’un « mouton », qu’ils appellent « brebis » pour anesthésier ce qu’il reste de lucidité dans nos esprits, afin de mieux nous asservir… Détail aggravant : en utilisant la terreur pour ramener les plus faibles d’entre-nous dans ce troupeau qui n’est en fait que le reflet de leurs névroses !!! »
Probus :
« Tu m’as déjà dit tout cela, mais jamais avec autant de colère… Tu me caches quelque-chose ! »
Réfractus :
« Oui : je ne voulais pas t’en parler, mais j’ai eu encore deux cas de pédophilie, rien que le mois dernier, parmi ces cléricaux de malheur… J’ai exigé de leur communauté des sanctions exemplaires. Ces cons-là n’ont répondu que par des prières en sur-protégeant les coupables, au nom du « pardon », comme ils disent !!! »
Probus :
« Le bruit court qu’Autocratus serait en négociation pour récupérer les religieux… »
Réfractus :
« Grand bien lui fasse : je lui en fait cadeau… Ils feront plus de dégâts chez lui que ce qu’ont fait les mutants à Alternatis, avant que je ne les maîtrise ! »
Probus :
« Tu veux dire : avant que tu ne les apprivoises et qu’il ne te choisissent comme leur Messie, toi qui revendique ton statut de « païen »"… Comme je t’ai aimé ce jour là ! Tu as été grandiose !!! »
Réfractus :
« Je n’ai fait qu’écouter la détresse qui était en chacun d’eux… »
Probus, souriant :
« En tout cas, ils t’attendent pour le « rendez-vous dominical » que leur octroyait le « Frère Fanatus », qui n’est toujours pas là ( pour ne pas dire qu’il c’est fait la tangente !) »
Réfractus :
« C’est une blague ?… Je ne suis pas « calotin », moi !!! Je vais même te dire une bonne chose : je me suis fait virer à grands coups de lattes dans le derche du catéchisme par les bons pères (si généreux, convenons-en, mais dont l’amour peut faire terriblement mal, des fois !), très tôt dans ma vie et de bon heure, du reste…
Les rares fois où je suis entré dans une église, c’était pour draguer les filles !
Hé ! Si l’on devait aimer tous nos prochains, je me devais d’aimer toutes mes prochaines : parité oblige !!! »
Probus, après un soupir :
« Écoute, je n’ai pas d’ecclésiastique sous la main, alors… »
Réfractus :
« Et « Antécrédulis », l’abbé rebelle et concurrent de Fanatus ? »
Probus :
« Tu sais bien que ce n’est pas possible : il est en pleine discussion théologique avec notre savant Barjus, concernant ce que tu sais (et que nous saurons plus tard dans un prochain épisode)… »
Réfractus :
« Ha, j’avais oublié ! Tu sais : avec tous les dossiers que j’ai sur le dos…
Bon, je vais m’y coller !
Mais qu’est-ce que je vais bien pouvoir leur raconter ? La bible, c’est pas mon credo : tu le sais bien, pour ne pas dire que je n’y entrave que dalle !!! »
Probus :
« Parle-leur de « ton ancien testament », ce que tu connais, toi, de ton passé et de celui des tiens… Improvise, merde !!! »
Réfractus, fronçant les sourcils :
« Tu m’aides, là… Bon : je me lance ! »
Avec un trac terrible, il fit son entrée sur la scène réservée habituellement au Frère Fanatus. Il fut accueilli par des applaudissements et des cris d’enthousiasmes :
« Réfractus-Réfractus-Réfractus !!! »
Réfractus, levant les deux mains :
« Mes chers administrés… Heu… Mes chers sujets !!! En vertu des pouvoirs qui me sont conférés, enfin… En cette belle journée dominicale (quelle galère !), je suis venu vous parler du… Du… Du renouveau (tiens, ça devrait le faire…) !!! »
A ce moment, la foule applaudit…
L’un des mutants :
« Maître : guide-nous vers le chemin et préserve-nous de la punition que veut nous infliger le »grand homme à la barbe blanche !!! »
Réfractus :
« Hein ?!? »
Un autre mutant :
« Oui, Maître : en rémission de nos péchés… »
Réfractus :
« Quels péchés ?!? »
Une femme, mutante elle aussi :
« Tout ceux qui ont fâché le « grand homme à la barbe blanche », qui a décidé de détruire le « Monde bleu », où vivaient ceux dont nous sommes issus… »
Réfractus, consterné :
« Mais quel enfoiré, ce Fanatus !!!
Que vous a-t-il encore raconté comme autres bobards ?… »
Une autre mutante :
« Que toutes les femmes, normales ou mutantes, portaient sur leurs épaules tout le poids du péché originel… Sans nous, l’homme où le mâle vivraient dans un grand jardin que Frère Fanatus appelle « Éden » : le Paradis du « Monde bleu »
Réfractus se retourne vers Probus en embrassant son poing et dit :
« Dis-moi, mon bon probus : peux-tu me faire penser à botter le cul de cet empacté de Fanatus, lorsque je l’aurai sous la main ?!? »
Probus acquiesça avec le sourire.
Réfractus, prenant un temps de recueillement :
« (Petit soupir)
…En ces temps reculés, existait ce « monde bleu », comme certains d’entre-vous l’évoquent aujourd’hui. Mais… »
Réfractus fut soudain absorbé par les multiples regards de cette foule qui le regardait comme le « Dieu Sauveur ». Il n’avait jamais envisagé son parcours de »militant » comme tel…
Ce qu’il avait voulu depuis toujours, c’était un peu de compassion pour les plus démunis, de la nourriture pour celui qui avait faim et surtout : que l’intelligent ne se moque plus de l’idiot, que le musclé ne profite plus de son avantage « bêtement physique » pour écraser le chétif, que l’être en bonne santé ne méprise plus le malade mais lui tende la main !!! »
Lorsqu’il s’était opposé à Autocratus qui était encore son chef, ce dernier lui avait rétorqué que rien n’était plus important que la sauvegarde de la race humaine et d’entre-eux les plus solides éléments, tout autre sujet »thématique » étant « mineur », particulièrement tout ce qui touche au subjectif et au faible, destiné à disparaître.
Ce qui toucha la pointe du menton d’Autocratus ne fut pas subjectif mais très concret, car il s’agissait du poing de Réfractus, à la grande surprise des témoins… Car se dernier était connu pour son pacifisme exemplaire, ce qui lui valait quelques quolibets de ses camarades de promotion.
Autocratus, à terre, demanda l’arrestation immédiate de Réfractus, mais cela ne fut pas possible, car sa garde se scinda en deux : ceux qui lui restaient fidèles et ceux qui faisaient bloc autour du nouvel opposant…
Ce fut la seule reddition d’Autocratus, qui se promis bien de faire payer très cher cet épisode à son ex-subalterne, dont le seul défaut était d’avoir une conscience.
Bien des années auparavant :
« En somme : tu es un prêtre laïc mon vieux ! » disait Probus, déjà compagnon fidèle de Réfractus lorsque les deux effectuaient leur service militaire…
Réfractus, caporal à cette époque :
« Pourquoi me dis-tu ça ?!? »
Probus, 1ère classe à cette même époque :
« Lors de l’exercice dit de « la chambre à gaz », nous étions un groupe de dix soldats. Il n’y avait que neuf masques à disposition… Tout le monde c’est précipité sur les masques, certains en se bagarrant, et toi qui était le plus costaud, tu n’as pas bougé, et suffoquant, tu n’as porté la main sur aucun d’eux !… »
Réfractus :
« Mais lorsque manquant d’oxygène, je me suis retrouvé genoux à terre, j’ai tendu la main et un masque me fut donné, non ?… »
Probus :
« Évidemment, puisque c’était le mien ! »
Réfractus :
« Il était donc inutile que je fasse de mes compagnons des adversaires, trouvant une victoire trop facile et injuste, alors que j’avais un »juste » à côté de moi… »
Probus :
« Et si je n’avais pas partagé ce masque avec toi ?… »
Réfractus :
« Alors, ce serait toi le malheureux, car tu serais le même égoïste que les huit autres, qui se donnent l’illusion d’exister : ceux-là ne connaîtront que des bonheurs éphémères dans des mondes superficiels !
Ma plus grande richesse est de posséder ce qu’ils n’ont pas et qui est plus précieuse qu’un diamant : la confiance !!! »
Probus :
« C’est beau ce que tu dis… Mais tellement loin de la réalité ! »
Réfractus :
« Ma réalité, c’est que tu m’as tendu ce masque ! Un jour peut-être, neuf gars le feront pour l’un d’entre-eux… Ce jour-là, le monde sera sauvé !!! »
Probus, soupirant :
« C’est bien ce que je dis : j’ai comme ami un « Prêtre laïc » !!! »
Chapitre 5 : »L’épître en question.«
« Maître : la suite !!! »
Ce cri, poussé par un des mutants, avait extirpé Réfractus de ses souvenirs de jeunesse…
Réfractus :
« Mes amis, faites-moi plaisir : ne prononcez plus jamais le mot « maître »… Ici ne règne que l’égalité, ce pourquoi je me suis toujours battu et continuerai à le faire !!! »
La première mutante :
« Mais il faut pourtant bien qu’on nous montre le chemin pour arriver en « terre promise », et pour cela, il nous faut bien un maître !!! »
La deuxieme mutante :
« D’ailleurs, tu es celui-là !
Nous avons confiance en toi, Ô Réfratus !!! »
Elle avait baissé les yeux, car aucun mutant n’avait osé interpeller Réfractus en citant directement son nom jusqu’alors. Elle venait d’en prendre conscience…
Réfractus en fut ému et caressa la joue de la mutante avec affection. Il dit :
« Tu as prononcé mon nom, belle Prisca !!! »
Prisca, rouge de confusion :
« Pardon, Maître… »
Réfractus, alors que Prisca était totalement envoûtée par son regard :
« Plus « ja-mais » le mot « maître »… Hum ?… »
Prisca, de plus en plus troublée :
« Oui « Maî… Réfractus ! »
Réfractus, reprenant son laïus :
« Figurez-vous que la « terre promise », c’est ce que nous avions avant… Tous ceux qui ont prêché au nom de l’amour ont dévalorisé ce mot en le sortant de son contexte, ce qui a eu pour conséquence cette apocalypse qu’ils nous annonçaient depuis la nuit des temps ! »
Amandine, une des mutantes :
« Tu parles avec trop d’énigmes, nous n’arrivons pas à comprendre ton message… »
Réfractus :
« Je sais, mais vous me demandez un exercice auquel je n’étais pas préparé. Rassurez-vous, je vais clarifier tout ça…
Admettez, cependant, que résumer en quelques minutes quelques milliards d’années, ce n’est pas chose aisée…
Le Frère Fanatus vous a vendu « ses » vérités idéologiques, tel le commercial une quelconque marchandise, en vue de vous faire signer ce bon de commande qui devait sauver vos âmes… Que cet illuminé commence déjà à s’occuper de la sienne!!! S’il est une chose que j’ai retenue de sa bible, c’est que la seule fois où le fils de « l’homme à la barbe blanche » a commis un acte de violence, c’était pour chasser quelques marchands véreux d’un temple qui existait à l’époque. Il a voulu chasser les vers du fruit… » Puis, mélancolique… « Le fruit, c’était la Terre : on voit ce qu’elle est devenue… »
Prisca :
« Frère Fanatus ne nous a jamais parlé de cet épisode… »
Réfractus :
« Ha ! Tu métonnes, mon enfant !!!
Il a certainement omis deux où trois autres détails, vous savez ? Ce que les juristes chez les humains appelaient « des vices cachés »… Je vais vous expliquer tout ça, mes amis, et vous allez voir : ça n’engendre pas la mélancolie !!! »
Suite au prochain épisode…